Joël Forgeau
"En Loire, nous devons régulariser notre production de vin"

Vigneron sur 20 hectares en conversion bio sur la commune de Mouzillon (Loire-Atlantique), Joël Forgeau est reconduit ce 16 novembre à la présidence de la Confédération des Vignerons du Val de Loire (CVVL). Après un mandat de « création » de la structure collective à l’ensemble du vignoble ligérien (« de Nantes à Blois »), Joël Forgeau se fixe le cap d’une présidence de « construction », à commencer par la mise à l’équilibre de l’offre et de la demande (via la contractualisation, la réserve interprofessionnelle, le Gestion Prévisionnelle des Stocks…).
L’une des priorités annoncées de votre mandat est la refonte de la contractualisation…
Joël Forgeau : La contractualisation doit être mise en lien avec la régulation. Nous sommes sur un vignoble septentrional sensible aux aléas climatiques. Même avec des éoliennes, nous aurons du gel (en 2017 et 2019 il n’y avait pas de vin). Et désormais la sécheresse s’installe l’été (heureusement qu’il y a eu des pluies ce 15 août pour le millésime 2020). Notre production est en dents de scie, surtout dans les vignobles de Touraine et de Nantes. Nous avons une obligation d’apporter une production régulière pour être un vignoble intéressant pour les importateurs et distributeurs.
Il faut lisser la commercialisation. Dans la Loire, nous ne devons plus vendre une récolte, mais un stock. Il faut régulariser notre production en lissant notre capacité de commercialisation sur trois ans. Ce qui est possible, même en rosés. Nous avons fait l’erreur de toujours miser sur le nouveau millésime alors que nos vendanges sont en dent de scie. Nous ne pouvons pas dire à un acheteur qu’il aura trois palettes par mois une année, puis deux la suivante, mais quatre après.
Quelles sont les mesures que vous portez ?
Nous allons proposer au négoce des outils de régulation pour qu’ils soient rapidement mis en place, dans l’année. Il y a déjà le Volume Complémentaire Individuel (VCI), des outils peuvent être envisagés selon les spécificités des vignobles. Comme la réserve interprofessionnelle et la Gestion Prévisionnelle des Stocks (GPS). C’est un outil donnant à chaque vigneron et négociant ses capacités de mise en marché par rapport aux précédentes campagnes. Il n’y a pas besoin de mettre sur les marchés.
La GPS doit-elle être coercitive ou incitative ?
Attention à la confusion, il s’agit de la GPS. Une obligation pourrait être envisagée par la mise en réserve, mais ce n’est pas l’outil le plus intéressant. Il est important que chaque opérateur mette en adéquation ses volumes disponibles à ses capacités de commercialisation. Quand on met 100 sur un marché qui peut absorber 80, ça va gripper. Il faut éviter l’affaissement des cours, comme l’emballement du marché. Des outils d’analyse existent à InterLoire, qui a la connaissance parfaite du marché et des stocks en temps réel.
Ces dispositifs sont-ils issus du vignoble seul ou sont-ils concertés avec le négoce ?
Les outils de régulation, dont la GPS, sont portés par la production. Le négoce a accueilli ces propositions avec un œil bienveillant. La tension sur les cours peut faire plaisir sur le moment à une famille ou à l’autre, mais ça ne fonctionne jamais sur le moyen terme. L’assemblée générale d’Interloire a lieu en décembre. Une nouvelle mandature commencera, elle pourra s’attaquer à ce chantier. L’intérêt de la CVVL est de porter avec une voix unique les demandes de la viticulture. Nous regroupons huit membres, les fédérations des AOP et des IGP, ainsi que les syndicats de métiers : Loire Vin Bio, les Coopératives et les Vignerons Indépendants.