éunie ce 29 octobre, la chambre civile du tribunal judiciaire de Libourne renvoie au 26 novembre prochain l’audience pour « dénigrement collectif à l’égard de la filière des vins de Bordeaux » de l’association Alerte aux toxiques et de sa porte-parole, Valérie Murat. Ouverte par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), suite à la publication de ses analyses de résidus phytos dans 22 vins labélisés Haute Valeur Environnementale (HVE), cette procédure civile prend une ampleur inédite avec l’arrivée de 25 nouveaux demandeurs. « C’est une auberge espagnole, des présidents de syndicats et leurs châteaux cités dans l’étude interviennent » résume maître Eric Morain, l’avocat de Valérie Murat.
A l’attaque initiale du CIVB s’ajoutent celles de trois fédérations : la section Nouvelle-Aquitaine de la Fédération des Coopératives de France, la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB) et la Fédération des Négociants de Bordeaux et Libourne (Bordeaux Négoce). Onze syndicats viticoles se sont également déclarés : les AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Côtes de Bourg, Entre-deux-Mers, Graves et Graves Supérieures, Margaux, Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc, Pessac-Léognan, Saint-Julien, Saint-Emilion, Saint-Emilion Grand Cru et Lussac-Saint-Emilion, Sauternes et Barsac, et enfin l’Union des Côtes de Bordeaux (UCB). S’ajoutent à la procédure dix exploitations viticoles et un négociant bordelais.


Les plaignants sollicités par Vitisphere indiquent invariablement ne pas souhaiter répondre : « pas de communication pendant la procédure », « on ne commentera pas une affaire qui est en cours devant le tribunal », « ce dossier est entre les mains de la justice. Je ne souhaite pas commenter avant l’issue »… Donnée par leurs avocats, cette consigne de silence avant le jugement du tribunal compte ne pas desservir l’attaque, ou plutôt servir la défense, d’Alerte aux toxiques. Il faut dire Valérie Murat s’est pour sa part exprimée sans retenue dans les médias à la suite de la publication de son étude (« la certification HVE est une vaste escroquerie » dans le Monde) et sur les réseaux sociaux (« #tupeuxmourir » sur Twitter).
« On ne doit pas se laisser faire. Cette malhonnêteté intellectuelle ne passe plus, il faut que ce qui soit dit corresponde à la réalité, mais pas à des mensonges » s’exclame Philippe Carrille, le propriétaire du château poupille, propriété certifiée bio qui ne fait pas partie des 22 analysés, mais souhaite participer à la procédure pour ne pas opposer les systèmes bio et conventionnels. En cohérence avec ses propos passés, le vigneron des Côtes de Castillon estime que « ce sont des gens nocifs qui font beaucoup de mal pour exister sous les feux de la rampe, mais n’en ont rien à faire des toxiques. Sinon ils ne s’intéresseraient pas qu’aux vignes, mais aussi aux domiciles pour récupérer des substances nocives pour l’homme. Des vignerons bordelais vont disparaître parce qu’on donne une image salie de leurs vins. Nous ne sommes ni pire, ni meilleur qu’ailleurs, mais nous sommes dans l’amélioration. HVE est une marche vers des certifications plus pointues. »


Pour l’avocat Eric Morain, l’un des enjeux de cette procédure sera de revenir aux fondements du dénigrement : « il ne s’agit pas de diffamation, portant sur l’honneur. Le dénigrement porte sur un produit commercial, ce qui est plus rare et compliqué à démontrer. » Actifs sur les réseaux sociaux, les soutiens de Valérie Murat dénoncent une « procédure bâillon » se basant sur la demande d’amendes importantes, des sommes parties de 100 000 € et qui grimpent avec le nombre d’intervenants. En soutien, une pétition récolte aujourd’hui plus de 5 000 signataires et une levée de fonds réunit 7 000 €.
L’audience du 27 novembre prochain mettant en état le dossier, les plaidoiries et le jugement ne sont pas attendus avant le printemps 2021.