nseignant-chercheur à l'Institut Agro, Alain Deloire est las d’entendre des bêtises sur l’irrigation. « Beaucoup de gens pensent notamment que l’irrigation permet de gonfler les rendements. C’est totalement faux » insiste-t-il.
Il assure qu’une fois que les baies arrêtent de charger des sucres, il n’y a plus rien à faire pour limiter leur perte en eau. Ses propos sont soutenus par les travaux de plusieurs équipes de chercheurs.
On sait que la baie n’importe plus d’eau à partir de la plante à la fin de la maturation. En Australie, l’Université d’Adelaïde a en plus montré sur syrah que les cellules de la pulpe sont programmées pour mourir une fois qu’elles arrêtent d’accumuler des sucres. « Elles perdent toute leur étanchéité » précise le professeur. Le phénomène provoque un flétrissement irréversible des baies, d’autant plus rapide qu’elles sont soumises à un stress hydrique élevé ou à une vague de chaleur.


Tous les cépages sont concernés. « La syrah est particulièrement touchée parce qu’elle régule mal l’ouverture de ses stomates et transpire beaucoup, mais des chercheurs californiens ont aussi travaillé sur cabernet sauvignon. Ils n’ont jamais pu contrer la perte en eau des baies, même en irrigant à très forte dose » poursuit Alain Deloire.
Dans ce cas, comment expliquer que certaines baies grossissent après une pluie ? « Il faut garder en tête que toutes les baies ne murissent à la même vitesse au sein d’une grappe. Si certaines regonflent, c’est qu’elles n’ont pas encore atteint le plateau de chargement en sucres. »
L’irrigation ne peut plus sauver le rendement passé un certain stade, mais Alain Deloire rappelle qu’elle reste très importante pour la plante. « Cela lui permet de continuer à réaliser la photosynthèse et de faire des réserves pour le cycle végétatif suivant » explique-t-il.
Impuissants en matière de rendement, les viticulteurs ont également peu de solutions pour contrer l’augmentation des degrés alcooliques des vins, liée à la concentration en sucre des raisins par perte d’eau. Selon le professeur, l’ombrage des vignes ou l’utilisation de kaolin pour limiter la transpiration permettent de limiter le phénomène. « Mais l’idéal serait de trouver des cépages qui arrêtent de charger les sucres à un faible degré, autour de 18° Brix, et qui soient prêts à être vendangés à une date proche de cet arrêt pour éviter la concentration par perte d’eau. Les recherches entreprises par l’INRAE de Pech Rouge vont dans cette direction. L’autre option serait de sélectionner des variétés qui régulent mieux leurs stomates pour limiter les retours d’eau des baies vers la plante durant la maturation» conclut-il.