écolter 50 tonnes par hectare en y passant 20 heures dans l’année, sans se soucier des débouchés ? Auteur du guide sur la viticulture innovante, Olivier Zébic propose de rapatrier en France la production des bases effervescentes et des vins de cépage qui entrent dans la recette des vins de marque.
« Nous importons tous les ans des centaines de milliers d’hectolitres de vin espagnol. Pourquoi ne pas les produire ici ? Les principaux négociants manquent tous de raisin et seraient prêts à s’engager sur des contrats d’achat de 15 voire 20 ans. »
Désormais consultant viticole spécialisé dans l’adaptation au changement climatique, Olivier Zébic substitue une approche économique à l’approche terroir de la viticulture. « L’idée est de pousser la vigne de sorte à ce qu’elle produise 300 hl/ha pendant 20 ans plutôt que 30 hl pendant 80 ans. » Tout pile la durée des contrats.
Comment ? D’abord, en ne palissant plus les vignes. « Je suis partisan de la conduite en buisson. En hiver, elle consiste à laisser un nombre important de bourgeons en taillant mécaniquement.» Au printemps, si le sol est bien fertile, la vigne se parera d’un grand nombre de rameaux, mais de sarments assez courts.
Il ne reste par la suite plus qu’à épamprer au printemps et à écimer dans les 15 jours qui précèdent la floraison. « Les rameaux vont pousser droit en début de cycle puis s’abaisser au fur et à mesure de la croissance végétative. Les grappes seront bien exposées au soleil et aérées. » Selon Olivier Zébic, à partir de la troisème ou quatrième feuille, ce mode de production ne demande plus que 20h de main d'oeuvre par hectare et par an.
Exit les apports d’engrais foliaires ou au sol. Olivier Zébic les remplace par de la fertirrigation. « Lorsqu’elle est bien maîtrisée, cette technique permet de diviser par 10 les doses d’éléments minéraux apportées à la vigne et de corriger efficacement des carences en azote, en potassium, ou en magnésium jusqu’à l’été. »
Au bout d’une vingtaine d’années, si la vigne fatigue et que les rendements commencent à trop baisser, toute la parcelle est arrachée. « On y passe moins de temps qu’en complantant et on évite le broyage à la machine des jeunes plants. »


Dans quelles régions ? Potentiellement partout, à condition de trouver des sols adéquats et des unités homogènes d’au moins 30 hectares. « Les plaines, quand elles ne sont pas gélives, conviennent bien à ce mode de culture. L’idéal serait d’implanter ces vignobles à haut rendement dans des parcelles non polluées par le cuivre. Le Nord, les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne, les Ardennes, de nombreuses régions aujourd’hui non viticoles y seraient propices » assure le consultant.
« Des coopératives agricoles commencent à y réfléchir pour se diversifier et ne plus dépendre uniquement du cours du blé fixé à Chicago. » Le concept d’Olivier Zébic intéresse aussi des bordelais. Il les invite à innover pour retrouver des débouchés, comme l’a fait la coopérative de Sauveterre de Guyenne lorsqu’elle s’est tournée vers la production de bulles. « Un programme régional ambitieux d’arrachage pour implanter en partie des vignobles à haut rendement ferait sens. »
Il y a quelques jours, Axel Benezet a publié sur le groupe Facebook « Matériel et viticulture » des photos de sa récolte. Viticulteur dans l’Hérault, il a réussi à vendanger sur une parcelle de 3 ans 30 tonnes/ha d’un sauvignon à 10,5% alc. issu d’une taille rase de précision et destiné à être assemblé à du chardonnay pour produire un vin léger de coopérative.
Une semaine plus tard, sa publication avait généré plus de 250 commentaires, de félicitation comme d’indignation. Certains utilisateurs ont salué sa stratégie. « Le marché des vins de France (VDF) est un marché plus rentable que beaucoup d’AOP françaises, à condition de savoir produire des gros rendements, pas des 80hl/ha » a ainsi commenté Jean-Damien Bourbousson.