a vigne pousse aussi rapidement que la crainte de manquer de main d’œuvre pour la maîtriser. « Des ministères sont arqués sur l’idée que la main d’œuvre locale suffira, avec les chômeurs partiels, les étudiants, les salariés de la restauration et de l’hôtellerie… Mais cela n’a rien à voir entre être serveur et releveur ! Il nous semble difficile de capter cette main d’œuvre, il va y avoir un trou dans la raquette » tranche un syndicaliste viticole de Cognac. Demandée par l’Assemblée Générale de la Production Viticole (AGPV), la mise en place par la France d’un plan permettant la venue de travailleurs saisonniers originaires d’autres pays européens tarde à se mettre en place. Alors que l’Allemagne installe l’entrée groupée de travailleurs saisonniers, des vignobles haussent le ton en s’inquiétant d’un décalage entre la précocité du vignoble et le retard dans l’ouverture des frontières aux travailleurs saisonniers.
Dans une lettre envoyée ce 24 avril au l’exécutif*, le Comité Champagne interpelle le gouvernement « sur la question de la mobilité de la main d’œuvre en provenance d’autres pays » puisque « les différentes plates-formes mises en place pour permettre aux employeurs de trouver plus facilement de la main d’œuvre aux niveaux local et national ne suffiront pas » et qu’« en dépit de tous les efforts réalisés en vue de recruter du personnel (partenariat avec différents organismes : Pôle Emploi, Conseil départementaux…), les viticulteurs ont recours à de la main d’œuvre en provenance d’autres pays faute de main d’œuvre locale ». Même son de cloche dans une lettre également envoyée ce 24 avril, dans laquelle le Bureau National Interprofessionnel de Cognac souligne que « si nous avons sollicité les structures locales d’emploi, comme chaque année, pour nous aider au recrutement d’un maximum de saisonniers sur notre territoire, et si nous menons actuellement une réflexion sur une bourse de l’emploi spécifique dans le contexte actuel, vous n’êtes pas sans savoir que cette problématique récurrente nécessite, par ailleurs, que nous fassions appel, en renfort, à une main d’œuvre étrangère nombreuse »


Le négoce et la viticulture des Charentes estiment nécessiter 10 000 salariés saisonniers, quand la filière champenoise en nécessite aux alentours de 29 000. Ces derniers venant principalement de Pologne, de Roumanie, de Bulgarie, de République Tchèque, du Portugal et d’Espagne (soit des pays européens membres et non-membres de l’espace Schengen). « Sans main d’œuvre étrangère venue d’Europe de l’Est pour certains bassins, mais aussi d’Espagne, d’Italie et d’Afrique du Nord pour d’autres, une partie de notre activité ne va pas pouvoir être réalisée avec notre seule main d’œuvre permanente » confirme Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. « Il y a une vraie inquiétude dans les zones où la pression est forte, en Cognac, en Champagne, en Bourgogne, à Bordeaux et en Vallée du Rhône » poursuit le vigneron languedocien.
« Dans le contexte actuel du Covid-19, et contrairement à nos pays voisins – l’Italie et l’Allemagne – la France n’a pas, à ce jour, signé d’accord avec le gouvernement roumain pour autoriser le déplacement de salariés sur notre sol. Cette situation est d’autant plus problématique qu’une réaction tardive de la France serait de nature à engendrer un manque de disponibilité de la main d’œuvre étrangère » alerte le courrier charentais. « Nous sommes conscients qu’en tout état de cause, une telle circulation ne se fera qu’en respect de mesures de préconisations sanitaires en vue de limiter la propagation du COVID-19 et nous veillerons à être particulièrement attentifs sur ce point. De la même manière, les conditions d’hébergement de ces salariés seront aménagées pour garantir leur sécurité » précise la missive champenoise.
En Allemagne, le gouvernement a ainsi mis en place une plateforme en ligne dédiée aux candidats, permettant de grouper leurs arrivées aériennes, de réaliser des contrôles de santé à l’atterrissage, de leur fournir des consignes d’hygiène, de les transporter directement sur les exploitations… « La France a la même capacité à s’organiser. Nous en avons le besoin, il en faut la volonté politique » souligne un syndicaliste champenois, qui précise que jusqu’ici les vignerons ont trouvé des solutions au manque de bras, mais que l’approche des vendanges doit conduire à un réel soutien gouvernemental.
* : Les courriers champenois et charentais ont été envoyés au premier ministre, au ministre de l’Intérieur, au ministre de l’Economie, au ministre de l’Agriculture, au ministre du Travail et au ministre des Affaires étrangères.