as d’eau dans le gaz mais bel et bien une petite usine à gaz ! « Le système est très simple ! » rassure d’entrée de jeu Sergio Mamolar, l’ingénieur technique d’Intranox, la société espagnole qui produit et commercialise Oresteo.
Face à l’écran principale du système, Sergio Mamolar nous explique le principe. Oresteo capture le CO2 qui s’échappe des cuves en fermentation, le filtre à deux reprises, le sèche, le compresse à 10 bars et, pour finir, le stocke dans une cuve extérieure sous pression. La cave peut ainsi l’utiliser à n’importe quel moment pour l’inertage des cuves vides ou en vidange, le bâtonnage des lies ou le remontage grâce à cinq injecteurs placés tout en bas des cuves. Deux à gauche, deux à droite de la porte de décuvage et un au centre placé sous la cuve.
Tout est piloté depuis un seul endroit, souvent la salle de contrôle de la cave, et chaque cuve possède une fiche avec son historique et ses données de traçabilité.
« Certains utilisateurs pratiquent des macérations pré-fermentaires à froid pendant 6 heures pour leurs blancs et rosés et pendant 3-4 jours pour leurs rouges. En cours de macération nous réalisons régulièrement de petites injections de CO2. De cette manière, nous protégeons les moûts, nous supprimons complétement les problèmes d’oxydation et nous extrayons davantage de composés aromatiques. » explique Sergio Mamolar.
De nombreux vignerons ont ainsi diminué leurs doses de sulfites de moitié passant souvent de 5 à 2 g/hL. « Ils obtiennent aussi plus de jus de goutte » commente l’ingénieur.
« C’est du tempranillo blanco nous précise Sergio Mamolar en tendant un verre. Au nez, pas de réduction mais le vin est un peu fermé. « Il faudrait ajouter un peu d’O2 » avoue-t-il. Pour l’instant, OresteO ne le permet pas.
En bouche, ce vin présente des arômes de fleurs blanches. Son volume et son de gras laissent penser qu’il a déjà été élevé sur lies. Mais il n’en est rien : sa fermentation vient tout juste de s’achever un ou deux jours plus tôt. « C’est un élevage vraiment accéléré. La cave pourrait le mettre en bouteille au mois de décembre », commente l’ingénieur. D’autant que le batonnage des lies par ce traitement va se poursuivre. Le programme de l’injection de CO2 est d’une seconde toutes les 6 heures durant tout l’élevage pour maintenir les lies en suspension. Pour inerter le vin pendant le stockage, ce sera une injection d’un seconde toutes les 12 heures, comme le préconise Oresteo.
En cours de vinification, le système sert surtout pour les rouges, remplaçant totalement les remontages classiques. « Nous obtenons des arômes plus intenses qu’avec les remontages à la pompe. Il y a plus d’extraction, mais elle reste maitrisée », détaille Martin Saenz, oenologue espagnol en Rioja d’une cave équipée d’Oresteo depuis trois ans. « La FA est plus rapide, en moyenne deux jours de moins »
« Le remontage est homogène. Le jus ne prend jamais le même chemin puisque le chapeau tourne en fonction des injecteurs que nous utilisons », commente Silvia, une autre utilisatrice du système en Catalogne. Les programmes varient selon les caves mais cette utilisatrice, avec ses cinq ans d’utilisation d’Oresteo, a défini des paramètres précis « Une fois que la fermentation est lancée, nous injectons du CO2 pendant 20 secondes toutes les 20 minutes. Puis à partir de 1 090 de densité, l’apport est plus violent avec une injection de 70 secondes toutes les heures. Tout cela a été calculé pour obtenir un vin constant d’année en année », dévoile-t-elle.
« Nous avons diminué de 20% notre consommation d’énergie. Avec Oresteo, il n’y a plus de chapeau. Il n’y a plus d’accumulation de chaleur dans le haut des cuves. On a moins besoin de refroidir les moûts. La température des cuves est beaucoup plus homogène », détaille Silvia.
S’ajoutent à cela des économies de main d’œuvre, l’absence de pompage, un apport moindre en O2 et moins de SO2. Les utilisateurs espagnols sont pleinement satisfaits de ce système. Il automatise et sécurise les opérations. Il permet aussi de économies de personnel et de consommable. Les caves n’ont plus besoin d’acheter du CO2 puisque celui qu’elle collecte suffit généralement à ses besoins. « Nous relarguons moins de CO2 dans l’atmosphère. Nous diminuons notre empreinte carbone » se réjouit Martin.


Malgré ses atouts et bien qu’il soit au point, le système mérite d’être encore perfectionné. Pour l’instant, on ne connait pas la quantité de CO2 délivrée à chaque injection. « Ce n’est pas mesurable. Nous ne pouvons que paramétrer la durée et la fréquence des injections », répond Sergio Mamolar. Autre limite du système : « Il faut toujours mesurer manuellement la densité des cuves en fermentation et entrer cette information dans OresteO », explique Sergio Mamolar. Cette information est indispensable car la fréquence et la durée des injections de CO2 évolue en cours de fermentation. Les utilisateurs définissent un programme selon la densité, doux au départ, plus musclé ensuite. « Nous travaillons sur ce détail avec deux cuves équipées de capteurs de densité développés par nos soins. Mais ce n’est pas encore au point ». L’installation d’OresteO coûte 3 à 5 000 € par cuve. Le système équipe aussi bien les cuves en place, inox ou béton, que les cuves neuves.
« Nous étudions la possibilité d’injecter d’autres gaz que le CO2 par Oresteo pour compléter sa palette d’utilisation, explique Stéphane Dubos, responsable France d’Intranox. Il faudrait pouvoir proposer de la micro ou macro-oxygénation. Le système est capable de le faire techniquement ». L’injection d’azote est aussi à l’étude. « L’azote et le CO2 permettent un très bon inertage » justifie le responsable. La mesure de la densité par des capteurs installés sur la cuve est également en test. « Il serait bien de pouvoir aussi mesurer le potentiel redox, ajoute Martin Saenz On pourrait voir si on devrait aller vers de l’oxygènation ou de la réduction ». Certains clients sont intéressés pour de la cryomacération. Ils voudraient produire de la glace carbonique à partir du CO2. Mais cela parait compliqué à mettre en œuvre. « Il faudrait stocker le CO2 à une très forte pression et ce n’est pas possible d’aller au-delà 20 bars pour l’instant ».
Médaille d’argent au Vinitech 2018, Oresteo est installé dans une trentaine de caves espagnoles et dans une seule cave française, celle des Vignerons de Tutiac en Gironde. Joao Camilo, œnologue responsable du site de production de Marcillac, l’utilise pour la première fois cette année. « Nous l’avons installé sur 4 cuves de 400 hL dans lesquelles nous vinifions une cuvée 100 % merlot », explique l’œnologue le 2 octobre. Alors que ces vins sont encore en fermentation, Joao Camilo observe que l’extraction est plus poussée qu’avec un remontage classique. « Nous avons calculé le programme d’injection de CO2 pour remonter environ le même volume de jus que qu’à la pompe. Mais le chapeau est submergé en permanence ». Après le second remplissage de ces cuves, prévu le 7 octobre, l’œnologue pense diminuer la durée des injections. « Ce sont seulement les premiers jours où je l’utilise le système. Je suis encore en train de me l’approprier. »