epuis quatre à cinq ans, le goût de souris est en nette recrudescence dans les vins du Languedoc et le millésime 2018 n’échappe pas à cette tendance. « C’est une altération qui s’est développée avec la mode des vins sans sulfites. Elle a pris de l’ampleur sur ce millésime 2018. C’est la première fois que nous en avons sur les essais menés dans notre cave expérimentale », indique Lucile Pic, responsable des expérimentations œnologiques à l’ICV. Sur le terrain, Noël Laurens, œnologue-conseil à l’ICV du Gard, confirme : « le phénomène n’est pas forcément plus fréquent cette année, mais les goûts de souris sont plus prononcés. Et le problème ne concerne pas seulement les vins sans sulfite, cette altération est également présente sur des vins faiblement sulfités, même si elle est alors plus fugace et moins intense ». Les caractéristiques du millésime expliquent certainement cette recrudescence : les pH particulièrement élevés observés cette année sont favorables au développement des micro-organismes. Ils concourent également à la moindre efficacité du SO2. Enfin, le seuil perception de ces mauvais goûts diminue quand le pH augmente.
Trois molécules sont à l’origine de ces goûts de souris, a rappelé Lucile Pic, lors des 10èmes Entretiens de la vigne et du vin le 14 février à Narbonne : la 2-acétyltétrahydropyridine (ATHP), la 2-éthyltétrahydropyridine (ETHP) et la 2-acétylpyrroline (APY). Leur seuil de perception dans l’eau est très variable : seulement 1,6 µg/l pour la première contre 150 µg/l pour la seconde et 0,1 µg/l pour la troisième. « Ces molécules sont très sensibles au potentiel d’oxydo-réduction des vins. L’ATHP se transforme en ETHP en milieu réducteur, le goût de souris peut donc disparaître car le seuil de perception de l’ETHP est beaucoup plus élevé que celui de l’ATHP. C’est un phénomène très complexe qu’on ne maîtrise pas complétement à ce jour », précise-t-elle. Les essais de traitement (collage au charbon, ajout de tannins, acidification…) n’ont pas donné de résultats significatifs à ce jour.
Sur le terrain, Noël Laurens observe que ces goûts de souris s’atténuent avec le temps. « On en trouve beaucoup d’octobre à décembre, mais à partir du début d’année, sans doute parce qu’on bouge moins les vins, le phénomène diminue en fréquence et en intensité. Et il est très rare d’en retrouver au-delà du mois de mars », constate-t-il. Une chance !