Tout le monde ici accepte l’idée qu’il faille boire le vin avec modération » résume le premier ministre Édouard Philippe, ce 15 février lors des questions au gouvernement au Sénat. « Comme le président de la république, comme des millions de Français, j’aime le vin » pose l’élu normand, reconnaissant sans chipoter « l’importance de ce qu’est le vin, la culture de la vigne, l’attachement des Français à ce produit. Dont nous pouvons dire sans conteste qu’il occupe une place particulière dans l’imaginaire et la culture française. »
Se plaçant dans la lignée des déclarations du président Emmanuel Macron, le chef du gouvernement désamorçait ainsi les craintes de la filière vin de dénormalisation. Anxiété exprimée par la sénatrice bordelaise Nathalie Delattre, qui a interpellé Édouard Philippe d’une question cinglante : « allez-vous reconnaître l’existence d’une consommation responsable ou souhaitez-vous suivre votre ministre de la santé qui veut faire de la France le pays de la prohibition ? » Se faisant la porte-parole des exploitants viticoles qui résistent aux aléas climatiques et travaillent à leur transition écologique, la vice-présidente du groupe sénatorial vigne et vin précise qu’Agnès Buzyn, « votre ministre de la santé ne cesse de jeter l’opprobre sur nos têtes. Sa Stratégie Nationale de Santé, souhaite passer d’une politique de prévention des risques, à une politique de prévention de toute consommation d’alcool. »
Présente sur les bancs du gouvernement, Agnès Buzyn, semblait estomaquée par l’accusation, esquissant un « je n’ai jamais dit ça » dans la lignée de l’inflexion de son discours sur France Inter, ce mercredi 14 février, après les déclarations fracassantes et accusatrices envers la filière vin, faites la semaine précédente sur France 2. Venant en renfort de sa ministre, le premier ministre Édouard Philippe a rétorqué à la sénatrice Nathalie Dellatre que « vous dîtes que le gouvernement, par la voix de la ministre de la Solidarité et de la Santé, serait engagé dans je ne sais quelle croisade contre le vin. Permettez-moi de vous dire que votre propos, que j’entends, que je respecte, me paraît, excusez-moi pour le terme, outrancier. » L’ancien maire du Havre soulignant que la France soutient les négociations européennes pour faciliter les exportations et la protection des vins et l’absence de réforme fiscale touchant les vins.


« Si vous pensez qu’une ministre des Solidarités et de la Santé, qui toute sa vie professionnelle a été médecin, professeur d’hématologie, va dire publiquement que le vin ne comporte pas d’alcool et que le vin peut avoir un impact dans des questions de santé publique. Si vous le pensez, alors vous ne comprenez pas ce que nous souhaitons faire » a lancé Édouard Philippe pour mettre un terme aux polémiques. Le premier ministre proposant de « regarder le problème en face, et que nous allons à la fois respecter la place particulière du vin dans la culture et l’agriculture française, mais que nous n’allons pas faire semblant qu’il n’y aurait pas de problème de santé publique. Il y aurait quelque chose de profondément irresponsable de ne pas voir les deux faces de la même pièce. »
Une conclusion qui, quoi qu’on en dise, recadre les précédentes déclarations de sa ministre de la Santé. Sur France 2, Agnès Buzyn déclarait ainsi qu'« aujourd’hui, le vrai message de santé publique serait : l’alcool est mauvais pour la santé. [Consommer avec modération] est un message ancien » ou que « l’industrie du vin laisse croire aujourd’hui que le vin est différent des autres alcools. En termes de santé publique, c’est exactement la même chose de boire du vin, de la bière, de la vodka ou du whisky ».
« Permettez à un élu normand, donc élu d’une région où la production viticole, il faut le reconnaître, est moins importante que dans l’excellence des autres produits de la région, de vous répondre » s’amuse Édouard Philippe, sous le regard d’Agnès Buzyn.
Agitant la filière viticole, les propos d'Agnès Buzyn mobilisent également la classe politique. Députée du Tarn et présidente du groupe d’étude vin à l’Assemblée Nationale., Marie-Christine Verdier-Jouclas a ainsi posé une question au gouvernement ce 13 février : « madame la Ministre, pouvez-vous nous exposer en quoi les objectifs poursuivis par votre ministère ne sont pas incompatibles avec la stratégie de la majorité afin de soutenir la filière, les vignerons et les viticulteurs ? Et donc nous rappeler pourquoi, bien qu’étant scientifiquement un alcool, le vin ne peut être considéré comme les autres pour le Gouvernement. »
En réponse, Agnès Buzyn a indiqué qu'il « est important que les Français aient une information claire sur l'alcool, parce qu'il faut que chacun connaisse les risques qu'il souhaite prendre, ou pas pour sa santé. Car d'un point de vue scientifique, l'alcool comporte des risques pour la santé. Je souhaite mener une politique volontaire, ça ne veut pas dire de répression ou de suppression, mais d'informations. »
Au-delà de cette réponse, la députée Marie-Christine Verdier-Jouclas se félicite d'avoir « pu obtenir qu’une réunion soit organisée mercredi 21 février au Ministère avec tous les députés de la majorité qui le souhaiteraient. »