Il nous aurait fallu 20 à 30 millimètres de pluie… A priori, on ne les aura pas » souffle Dominique Furlan, le président de la cave de Saint-Pey Génissac, ainsi que de la section crémant du syndicat viticole des AOC Bordeaux. S’étant installé sur le vignoble girondin, le stress hydrique pèse sur les premières récoltes de raisins pour la production de crémants. Ayant commencé la semaine dernière, les vendanges déçoivent en termes de volumes. Les baies des parcelles non-gelées ne sont pas aussi généreuses qu’escomptées, après une année séche.
Si certaines parcelles atteignent le rendement de 78 hectolitres par hectare pour l’AOC crémant, la production est généralement moins généreuse. « On espérait récolter 17 000 hectolitres à la cave. Mais on revoit nos prétentions à la baisse. Si l’on fait 12 ou 13 000 hl ce sera le bout du monde » estime Dominique Furlan. Le viticulteur était désormais inquiet pour le bon approvisionnement des marchés.
Pour la suite, le constat de moindre rendement risque fort de se répéter pour les blancs, dont la récolte commence cette semaine. « On craint de se retrouver avec une récolte bien plus faible qu'on ne le pensait. Les -40 % annoncés par le CIVB vont sembler très optimistes » glisse un porte-parole du vignoble. Une désillusion due à une contrainte hydrique qui s’est subitement imposée. « Jusqu’au 15 août, la vigne n’a pas souffert dans son développement. Puis le stress hydrique s’est installé. D’un coup. » commente l’œnologue Pascal Hénot, le directeur du centre Enosens de Coutras. L’expert s’attend finalement à un rendement dans la moyenne, du moins pour les parcelles qui n’ont pas été touchées par les gels de la fin avril.


Cette année, le vignoble bordelais oscille entre une précocité de deux semaines pour les zones non-gelées* et une forte hétérogénéité des parcelles gelées au printemps, où il est difficile d’appréhender les maturités. La récolte sera d'autant plus complexe pour ces vignes inhabituelles, que leurs grappes affichent deux semaines de retard en moyenne. Mais peuvent aussi bien être presque mûres que non-vérées. Les faibles volumes concernés et les équilibres financiers pourraient cependant pousser à abréger ces récoltes atypiques. Si les vinifications s’annoncent compliquées, le millésime s’annonce globalement qualitatif.
Pour les vignes non-gelées, Pascal Hénot estime déjà que « les croissances en sucres et en acides assurent un beau millésime en blanc sec. Pour les rouges, il faudrait qu’il pleuve en septembre (les cabernets francs sont déjà bloqués). » De telles pluies répéteraient le scénario du millésime, pour sa part tardif, de 2016. En rouge, les premiers coups de sécateurs sont attendus sur les parcelles précoces de merlot le 10 septembre. Résolument optimiste, l’œnologue conclut qu’il n’est « pas inquiet pour les récoltes [de parcelles] gelées. En 1991, nous n’avions pas toute la technologie de bois alternatifs, avec ces évolutions on fera bon. »
* : Ce qui classe 2017 parmi les vendanges bordelaises les plus précoces des vingt dernières années précise Pascal Hénot (2017 se plaçant juste derrière 2011, 2003, 2007 et 1997).