a question taraude les vignerons du monde entier : « pourquoi certains lots de vins blancs peuvent vieillir des décennies, alors que d’autres ne tiennent pas quelques années ? » pose Maria Nikolantonaki (maître de conférences à l’Institut Jules Guyot, Université de Bourgogne). Présentant ce 2 juin, à Bordeaux Science Agro, les premiers résultats d’une étude réalisée avec la tonnellerie Vicard, la chercheuse grecque estime que « la matrice raisin et les process de vinification sont très importants, ils façonnent et tamponnent la résistance oxydative du vin. Mais des pratiques œnologiques peuvent aussi stabiliser un vin » Les premiers essais tendent ainsi à démontrer que les tonneaux pourraient compléter la résistance à l’oxydation des vins. Du moins s’ils sont rigoureusement sélectionnés en fonction.
« Pour une scientifique, il est primordial de s’assurer que la variabilité du matériel est inférieure à celle du traitement. D’où l’intérêt de la caractérisation des bois par Vicard » souligne Maria Nikolantonaki. En place depuis 2010 chez le tonnelier charentais, la mesure par spectrométrie proche infrarouge des teneurs en ellagitanins des douelles permet de trier les bois selon trois niveaux de Potentiel Tannique (PT). Et donc d’assurer la répétabilité des expériences, indispensable à toute comparaison.
D’autant plus que, selon chaque catégorie de PT, les ellagitanins ne sont pas identiques. « Il n’y a pas toujours les mêmes composés majoritaires, qui n’ont pas les mêmes réactivités oxydatives. Des monomères comme la grandinine ou la roburine sont plus corrélées avec des PT hauts, tandis que vescalagine et castalagine sont plus présents avec des PT bas » souligne Maria Nikolantonaki.


Pour résoudre les enjeux d’oxydation prématurée, les chercheurs bourguignons (avec l’appui de confrères de Munich) ont pris le parti d’analyser les caractéristiques des vins avant l’oxydation. Afin de caractériser les échantillons, ils ont réalisé une signature métabolomique des vins, soit une empreinte chimique fine à partir de 5 500 composés présents. Les chercheurs estiment ainsi pouvoir mieux caractériser la matrice vin qu’avec des analyses classiques. Avec cette méthode lourde, ils ont commencé à suivre en 2016 les vins de chardonnay de quatre domaines en Côtes-de-Beaune. Trois lots d’élevage ont été réalisés : tonneau témoin « classique », barrique à PT bas et pièce à PT moyen*.
Au bout de cinq mois d’élevage, les premières mesures de consommation des radicaux libres permettent de conclure à un effet du potentiel tannique sur la résistance à l’oxydation des vins. Ainsi le tonneau témoin confère un plus faible potentiel de vieillissement aux vins que la barrique à PT bas. Elle-même étant moins protectrice que celle à PT moyen, ayant une meilleure capacité anti-radicalaire. L’utilisation de barriques à PT plutôt élevés, et non plus de tonneaux aux PT hétérogènes, pourrait dont conférer une résistance complémentaire à l’oxydation prématurée.
« Les essais ne font que commencer, il faut faire attention à l’effet millésime » tempère Maria Nikolantonaki. Qui souligne que de précédents essais ont montré une année que les PT hauts protégeaient le glutathion, alors que l’année suivante il n’y avait plus de corrélation. À noter que l’étude continuera après l’élevage, avec la poursuite des tests sur les vins conditionnés selon les types d’obturateur, les niveaux de sulfitage…
* : Les profils trop tanniques n’étant pas du goût bourguignon, aucune modalité expérimentale à PT haut n’a pu être mise en place.