epuis quelques années, l'oxydation prématurée des vins blancs suscite beaucoup d'interrogations dans les grandes régions productrices. La Bourgogne n'échappe pas à ce questionnement. D'autant que la réputation mondiale des vins blancs de Bourgogne accentue l'exigence des consommateurs, qui acceptent mal que des bouteilles de cette notoriété puissent subir pareille détérioration. Un site internet (oxidised-burgs.wikispaces.com) a même vu le jour à l'initiative d'experts étrangers qui échangent leurs témoignages sur le sujet. Les professionnels bourguignons se sont bien sûrs penchés sur la question pour rechercher les causes de cette oxydation. Géraud-Pierre Aussendou, responsable qualité de la maison Bouchard et vice-président de la Commission technique du BIVB fait le point sur les recherches menées depuis plusieurs années.
C’est un phénomène qui n’est pas propre aux vins de Bourgogne mais à toutes les régions productrices de vins blancs y compris dans les pays du Nouveau Monde comme l’Australie, qui a mené de vastes recherches sur le sujet. En Bourgogne, c’est un phénomène qui est apparu dans les années 1990. Nous avons remarqué que certains vins avaient une baisse de leur teneur en SO2 libre et total à partir de 18 mois. C’est surtout le caractère aléatoire de cette oxydation qui pose problème. Sur un même lot unique de mise en bouteille parfaitement maitrisée vous pouvez avoir des bouteilles fantastiques et d’autres qui présentent ce caractère évolué. On connaît bien les sources possibles d’oxydation lors de l’élaboration d’un vin mais ce caractère aléatoire est plus difficile à comprendre.
Avez-vous déjà une petite idée sur les causes de ce phénomène ?Depuis 20 ans, nous avons passé en revue les origines possibles de cette évolution. A ce stade, il est difficile de faire un diagnostic précis, nous n’avons pas pu mettre en évidence que ce phénomène soit lié à un facteur précis de l’élaboration d’un vin. Il semblerait que ce soit plutôt le résultat d’une somme de différents facteurs. Depuis les années 1990, nous constatons un niveau de maturité supérieure de nos raisins en Bourgogne. Il y a également eu un changement partiel du matériel végétal et des conditions de production par rapport aux années 70. Enfin la diminution des doses de SO2 est-elle vraiment neutre ? Nous avons testé l’impact du type de pressoir et du débourbage des moûts sans avoir pu démontrer qu’il avait une influence sur l’oxydation. La gestion de l’oxygène dissout est évidemment un paramètre que nous avons surveillé. C’est un point important à prendre en compte tout au long de l’élaboration d’un vin et au moment de la mise en bouteille. Enfin l’élément qui semble le plus déterminant, notamment pour expliquer le caractère aléatoire de l’oxydation est le bouchage. En respectant les principes fondamentaux, notamment au niveau oxygène dissous et sulfitage, avec les bouchons technologiques comme le Diam5 ou la capsule à vis qui assurent un bouchage très hermétique, il n’y a plus de problème d’oxydation prématurée.
Les grands bourgognes vont donc passer à la capsule à vis ?Certains l’ont déjà fait comme Laroche à Chablis. Mais cela ne signifie pas que ce soit toujours la bonne (phénomènes de réduction) et la seule réponse possible d’autant plus que la mise en œuvre n’est pas simple pour cette région qui stocke généralement les bouteilles nues sur pile en cave bien avant leur commercialisation. Nous continuons à travailler sur le sujet. Il faut reconnaitre aussi que les bouchonniers se sont également mobilisés pour trouver des réponses adaptées. Ces recherches sont des travaux de longue haleine car nous avons chaque année un millésime différent, et il faut suivre les études pendant au moins 60 mois, le tout en multipliant les essais pour arriver à des conclusions solides.
Le site internet oxidised burgs affirme que l'oxydation prématurée des vins de Bourgogne touche entre 9% et 23% des très grands vins de Bourgogne de chaque millésime entre 1996 et 2002 et que ce pourcentage semble augmenter avec le temps. Pouvez-vous confirmer ces chiffres ?C’est un phénomène qui me semble difficilement chiffrable : il faudrait pouvoir déguster très régulièrement l’ensemble des grands vins de Bourgogne pour mesurer très précisément le pourcentage de vin affectés. En ce qui concerne la maison Bouchard Père & Fils en tout cas, nous constatons au contraire une diminution du phénomène voir sa disparition complète. Compte tenu de la sensibilisation menée en Bourgogne et des travaux menés sous l’égide du BIVB, il serait étonnant qu’il n’en soit pas de même au niveau de l’ensemble du vignoble bourguignon.