n an après les conclusions politiques du Groupe à Haut-Niveau, 8 mois après la proposition réglementaire de la Commission européenne, le paquet vin vient d'être validé en trilogue : le témoignage d'une mobilisation européenne pour réagir à une crise viticole d'ampleur ?
Maxime Toubart : Clairement oui. Et un soulagement de l’ensemble de la filière nationale et européenne, particulièrement à EFOW qui a beaucoup œuvré pour ce résultat. Nous nous félicitons de la réforme proposée et souhaitons remercier chaleureusement la Commission pour ce travail à la fois sur la méthode et sur le fond. Pour la première fois en près de deux décennies, les acteurs publics et privés se sont réunis pour relever les défis réels et urgents auxquels notre secteur est confronté. Le paquet vin ne va pas tout changer, mais il propose une boîte à outils très riche à décliner dans chaque État-Membre et surtout il met fin à un système qui pouvait pousser à planter pour arracher ensuite.
Les votes européens au Conseil et au Parlement sont-ils acquis ? Le diable peut-il se cacher dans les délais et le détail des transcriptions réglementaires de cet accord politique ?
Non. On a eu des mandats clairs au Parlement Européen et au Conseil, sur un projet de la Commission qui l’était tout autant. Nous avons eu un seul trilogue, conclusif, qui a permis d’harmoniser les différents projets. Il va maintenant y avoir encore plusieurs réunions techniques pour finaliser ces points, mais l’essentiel est réglé. En termes de calendrier, nous n’avons pas de visibilité tout simplement car il n’est pas défini. Les votes au Conseil et Parlement vont avoir lieu très vite et si la Commission estime que c’est prioritaire (nous pensons que c’est le cas), cela sera publié très tôt en début d’année.
S'il y a prolongation des autorisations de replantation, il n'y a pas de mise en œuvre d'un arrachage temporaire : est-ce un rendez-vous manqué ?
Ça dépend pour qui. Avec les primes à la plantation via le dispositif de restructuration, on peut aujourd’hui considérer que la prolongation de la durée de vie des autorisations de replantation de 5 à 13 ans constitue de facto un arrachage temporaire. S’il est bien utilisé, il peut permettre au vigneron de réajuster son potentiel de production à ses marchés ou effectuer un repos des sols pour favoriser la biodiversité et les rendements de demain.
Parmi les avancées majeures du paquet vin, il y a la fin d'une date de péremption pour le système des autorisations de plantation : plus de date limite en 2045 ! Est-ce une contrerévolution après la libéralisation de 2008 et le constat d'échec de cette approche pour le vignoble ?
En 2008, la CNAOC a effectué un travail considérable pour inverser la logique très libérale proposée par la Commission. La mission fondatrice d’EFOW, qui est née de ce combat, a été de se battre pour réintroduire des droits de plantation. Cette nouvelle a été accueillie avec un certain émoi car elle vient conforter un travail de plusieurs décennies et acter une "contre-révolution". Par contre, cette victoire est tout de même à nuancer, car si la date de 2045 n’existe plus, il y aura tout de même une "clause de revoyure" tous les 10 ans… On peut parler de changement de paradigme, mais le couperet existe toujours.
La Champagne était notamment mobilisée pour pouvoir fixer à 0 % le taux de croissance annuel sur une zone IG pour éviter tout parasitisme avec les vins sans indication géographique (Vin de France, VSIG) : est-ce que vous êtes satisfait par le résultat ? Est-ce que cela va débloquer le dossier de la révision de l'aire AOC avec l'Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) ?
Nous sommes satisfaits. Le texte donnera à la Champagne, mais aussi à d’autres vignobles, les moyens d’assurer son ambition d’un vignoble exclusivement dédié à la production d’AOC. D’une part, la régulation totale, jusqu’à 0%, des plantations nouvelles, tant concernant les plantations en AOC qu’en VISG, est une avancée. Et la possibilité de justifier cette restriction par le risque de parasitisme de l’AOC participe à la sécurité juridique de la régulation. D’autre part, un trou dans la raquette est réparé dans la mesure où le texte permettra de restreindre jusqu’à 0%, autrement dit d’interdire, les replantations de VSIG issues d’arrachages en dehors de l’AOC lorsque l’exploitation s’étend sur plusieurs vignobles. Quant au chantier de délimitation de l’aire AOC Champagne, il était suspendu dans l’attente du Paquet vin et d’une nécessaire clarification sur la possibilité d’un vignoble de réguler les plantations en son sein. Le chantier sera donc relancé après les votes définitifs qui doivent intervenir au Conseil et au Parlement.
Si le paquet vin est une riche boîte à outils en termes de soutiens renforcés à la promotion, l'œnotourisme, la lutte contre la flavescence dorée... Comment les mettre en œuvre nationalement ? Faudra-t-il réduire voire sacrifier des budgets actuels de l'Organisation Commune de Marché (OCM vin) dans le Plan Stratégique National (PSN) en France pour introduire de nouvelles priorités ?
Comme évoqué lors du Grand direct des AOC, la CNAOC ainsi que les autres organisations ont travaillé à une nouvelle mouture du PSN pour 2027, en anticipant l’entrée en vigueur du paquet vin. Notre philosophie est clairement de favoriser le collectif et la relance du marché. Il est impératif de reconstruire une filière qui vit de ce qu’elle produit et de ce qu’elle vend, et pas des mesures de crise à répétition. Elles sont certes aujourd’hui nécessaires, mais il est urgent de réajuster notre stratégie nationale.
Par exemple, nous proposons de renforcer de 15 millions d’euros la promotion pays-tiers, pour être conquérant sur les marchés hors-Union Européenne. Une enveloppe œnotourisme a également été décidée (10 millions sur 2 ans), afin de mettre lancer une dynamique nationale et une communication internationale. On a une réserve d’œnotouristes à aller chercher, avec un panier moyen très intéressant (+70 €/visiteur). Quant à la flavescence dorée, le paquet vin nous permet aujourd’hui d’en financer la prospection. Toutes les pistes sont envisagées, mais il est clair que la pérennité du vignoble va être un axe principal de la CNAOC pour les années à venir.
Il y a encore des nuages dans l'avenir européen de la filière : stratégie sur les maladies cardiovasculaires, réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) avec une OCM vin en suspens... Rien n'est donc jamais acquis à Bruxelles ?
Rien n’est jamais acquis, et c’est pour ça que nous avons des organisations syndicales qui travaillent dur, mais toujours au service du vigneron. On a la chance d’accueillir désormais l’Allemagne, à travers la DWV*, au sein du collectif EFOW. C’est une excellente nouvelle qui conforte notre action et notre ambition. Pour ce qui est des sujets de fond, le projet de la prochaine PAC n’est pas acceptable en l’état et beaucoup de nos acquis sont franchement remis en cause, que ce soit le budget (annonce de -20%), l’architecture des 2 piliers et même nos règles spécifiques… EFOW est déjà très mobilisée sur ce sujet et cela va être la priorité de 2026 évidemment. Tout comme l’est déjà la mise en œuvre rapide d’un guichet unique des droits d’accises, pour lequel les rendez-vous à Bruxelles sont déjà pris.
* : Deutscher Weinbauverband e.V. vient d’officialiser cette adhésion lors de son congrès de début décembre à Mayence. Ce ralliement « renforce considérablement notre représentativité et nous permettra de faire entendre la voix des producteurs de vins à Indications Géographiques et de faire progresser nos objectifs communs en matière de qualité au niveau européen » commente dans un communiqué Riccardo Ricci Curbastro, le président d'EFOW (réunissant CNAOC, Conférence espagnole des conseils régulateurs vitivinicoles espagnols CECRV, Institut des vins du Douro et de Porto et Confédération nationale des consortiums volontaires pour la tutelle des dénominations de vins italiens Federdoc).




