omment voyez-vous l’avenir de la filière vin ?
Denis Verdier : Je suis très inquiet par 2026 et 2027. La crise du vin va durer tant que l’on n’aura pas massivement mis en place les moyens de régulation. Il faut à la fois réguler par l’arrachage et la distillation, mais aussi avancer sur la question des prix. La rencontre en juillet [de la filière vin] avec la ministre de l’Agriculture [Annie Genevard] n’a pas levé nos inquiétudes. On renvoie le sujet en octobre, alors que l’on est dans un pays difficile en termes de majorité. La révision d’Egalim est intéressante à moyen terme pour que la spéculation à la baisse s’arrête. Il se passe que les vignerons qui ont des difficulté à reloger leurs vins les laissent partir à n’importe quel prix. Leur problème n’est pas le prix, mais les volumes à vider. Cela veut dire que l’on va mal commencer la commercialisation du millésime 2025, avec une spirale vers le bas. L’intérêt général veut que les interprofessions se mobilisent contre ce phénomène en parlant des prix rémunérateurs. Il semble que Bruxelles en ait pris conscience, comme le montre le travail de la coopération sur les prix d’orientation en bio et HVE. La mise en œuvre par Pays d’Oc reste volontaire, donc non-obligatoire.
La coopération a aussi travaillé en Occitanie sur un fonds de mutualisation pour gérer les excès d'offre : une sorte d'assurance viticole où des cotisations sur la production permettraient de réorienter vers d’autres fins industrielles les surplus.
Avant toutes choses, où aller trouver les cotisation nécessaires ? Ce sont des sommes tellement importantes qui sont nécessaires… Alors que beaucoup de structures sont en difficulté. Nos fédérations, même l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), tout le monde a le même problème : manquer de recettes. L’idée géniale pour y remédier n’est pas d’augmenter les cotisations. La capacité contributive du vignoble est atteinte aujourd’hui : il n’y existe plus de capacité de cotiser plus, alors que s’accumulent les problèmes de trésorerie, les retards de paiement… On ne peut pas augmenter une cotisation pour distiller. Il faudrait générer des sommes supplémentaires venues d’Europe et de France. Chacun doit prendre conscience que l’on rentre dans une nouvelle ère, où il faut moins dépenser.
Il y a un paradoxe entre la réalité économique réduisant les capacités financières de la filière et les injonctions à être offensif commercialement et innovant techniquement : ce qui demande des investissements conséquents.
On peut déjà être offensif commercialement en dépensant tous les fonds de FranceAgriMer par les interprofessions. Il y aurait des possibilités pour faire des campagnes de promotion ! Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.
Le vignoble semble de plus en plus désabusé et fatigué : la colère peut-elle éclater de nouveau après les vendanges 2025 ?
La colère est en train de monter, c’est triste. Il faut rassurer et donner des perspectives tant bien que mal. Gouverner c’est prévoir : notre devoir est de dire que les problèmes du vignoble sont devant nous. Se dire avec la ministre que l’on va se revoir en octobre ne lève pas les inquiétudes.