Soutenir la viticulture ou la voir disparaitre : il faut choisir » pose la Coordination Rurale, annonçant que « sans mesures de fond sur le foncier, la valorisation, les droits de plantation, l’organisation des filières et la reconnaissance du métier de vigneron, le vin français est promis à une lente dislocation ». Après la réunion de la filière vin avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, ce mois de juillet, le syndicat agricole détaille dans un long communiqué de presse sa vision d’une sortie de crise que sont prêts à partager les autres représentants syndicaux du vignoble, s’il y avait suffisamment de fonds nationaux et européens à mobiliser (on entend tout au plus parler de 200 millions € de réserves de crise européen qui pourraient être mobilisables pour la filière si la France faisait pression sur Bruxelles, mais pas d’aides nationales alors que le budget 2026 s’annonce serré).
En l’état, la Coordination Rurale s’oppose au cap qu’elle estime être tracé par la ministre : « une approche strictement curative, centrée sur l’arrachage encadré et définitif, la réorientation des produits vers des transformations dérivées (biocarburants) et un plan de soutien ponctuel pour faire face à une crise qui dure et qui risque de durer encore. »
10 000 €/ha de prime d’arrachage
Revendiquant le titre de premier syndicat agricole après les élections 2025 des Chambres d’Agriculture, la CR demande « un arrachage temporaire, ciblé et bien financé pour sortir de la crise "par le haut" » avec une prime de « 10 000 €/ha, financé via des fonds européens » assortie de « droits de plantation issus des surfaces arrachées gelés pendant une durée de 8 à 10 ans, et conservés au sein d’une bourse régionale gérée par bassin de production » pour « préserver un potentiel viticole pour les générations futures, en cas d’évolution favorable du marché ».
Soit un outil distinct des dispositifs d’arrachage sanitaire régional à 6 000 €/ha à Bordeaux (cofinancé par l’Etat et l’interprofession) et d’arrachage définitif national à 4 000 €/ha (sur les fonds européens Ukraine), qui aboutissaient à une perte sèche de potentiel de production de vin. Un plan qui « a démontré ses limites : il n’a permis ni véritable reconversion, ni assainissement durable du marché » tacle la CR, qui veut obtenir « une régulation temporaire, encadrée, non spéculative et adossée à un véritable projet de reconversion agricole (arboriculture, oléiculture, plantes à parfum, etc.) ».
Créer les conditions du rebond
Alors que les difficultés de commercialisation et de valorisation s’accumulent pour la filière, « il ne s’agit pas de renoncer à la vigne, mais de donner à la filière les moyens de se restructurer sans se détruire » affirme la CR, qui déclare que « si la filière est en souffrance, elle n’a pas besoin d’un enterrement organisé, mais d’un avenir construit et de perspectives ». Regrettant « l’absence de vision stratégique du gouvernement, la stigmatisation injuste de la profession et la banalisation inquiétante de produits viticoles sous-évalués », le syndicat agricole ne veut pas « démanteler la filière, mais de réduire la pression sur un marché saturé, d’éviter des ventes à des prix indignes (comme les bouteilles d’AOC Bordeaux à 1,39 €) et de préserver la viabilité des exploitations restantes ».


Après les petits prix de Lidl cet été, ayant entraîné des manifestations syndicales, « c’est l’honneur d’une appellation, le travail de vignerons, et la valeur d’un terroir qui sont ainsi piétinés » pose la Coordination Rurale, demandant que « des règles éthiques soient imposées dans les relations commerciales, notamment pour les produits sous AOC, et que la grande distribution cesse de faire du vin un produit d’appel sacrifié sur l’autel de la concurrence à bas coût ».
Autre demande de la CR : que la loi Évin encadrant la communication sur le vin soit « réadaptée à nos valeurs » pour que le vin soit partie prenante des « politiques publiques de promotion du patrimoine, du tourisme rural et de la gastronomie, à travers des campagnes ciblées sur des supports adultes, culturels et spécialisés. » Le syndicat demandant en creux l’arrêt d’une surtransposition nationale que ne connaissent pas les vins d’Espagne et d’Italie : « pour permettre au vin de retrouver sa place légitime dans le discours public, sans banalisation ni stigmatisation » et « tout en préservant une communication responsable et encadrée » conclut la CR.