oup de foudre au match de volleyball entre le château Saint Ahon et la cidrerie HIC ! « Notre directeur technique Aymeric Van Gelderen préside le club de Bruges. C’est là qu’il a rencontré Marion Derycke et son compagnon Jérémy Rouxel en 2021 et qu’ils se sont liés d’amitié », retrace Alice de Courcel, responsable de la communication et de l'œnotourisme pour la propriété familiale blanquefortaise. Depuis 2018, Alice propose aux enfants des familles venant déguster Saint Ahon des jus de raisins cultivés sur le château mais pasteurisés hors de la région faute de prestataire local. « Quand Aymeric nous a parlé de ces nouveaux cidriculteurs, nous nous sommes dits que ce pourrait être l’occasion de relocaliser notre production. »
L’idée de se lancer dans de la prestation a très vite plu au jeune couple. Quelques mois après avoir lancé HIC dans la commune de Sadirac (33), il a réinvesti dans de la cuverie, une pasteurisatrice, une embouteilleuse 4 becs et une étiqueteuse semi-manuelle. « Nous avons aussi acquis toute une chaîne de tri et de lavage des fruits ainsi qu’un pressoir pneumatique pour pouvoir proposer nos services à d’autres viticulteurs et arboriculteurs », indique Marion Derycke. Le tour était joué ! Depuis 2022, Aymeric Van Gelderen profite des vendanges pour presser ou soutirer du chai de Saint Ahon l’équivalent de 1000 litres de moût fruité et sucré. Le plus souvent du merlot. Une fois clarifié, ce moût est livré dans un cuvon à la cidrerie. Il y est aussitôt pasteurisé et conditionné dans des bouteilles de 33 cl, « le format qui convient le mieux à l’oenotourisme, à notre épicerie, et à nos restaurateurs » explique Alice de Courcel. « A la demande de nos clients, nous proposons également du 25 cl, du 1L, et à partir de cette année, des cubis de 3 ou 5L. Nous pouvons aussi étiqueter et mettre en carton », complète Marion Derycke.


Sept autres vignerons bénéficient désormais de la prestation impulsée par Saint Ahon. Parmi eux, Philippe Betschart, propriétaire du château Graves de Viaud, à Pugnac, rencontré par Jérémy Rouxel dans le cadre de l’association Green Market de Bordeaux. « Le jus de raisin me permet de compléter ma gamme avec un produit sans alcool qui se vend très bien sur les marchés, dans les épiceries, et chez les cavistes à l’étranger », témoigne-t-il. Comme la cidrerie HIC, le jus des Graves de Viaud peut être labellisé bio. « Demeter me demande simplement de rester sur place pour la pasteurisation, ce que je fais avec plaisir », indique Philippe Betschart. « Travailler en bio sur du pur jus est ce que nous préférons mais si un client préfère acidifier ou faire du mélanger du raisin avec de l’eau, nous nous adaptons », assure Marion Deryck. Le vigneron a comme ses confrères de Blanquefort choisi du merlot pour son premier essai. Mais lui ne cherche pas une grande sucrosité. « Je souhaite garder de l’acidité et j’ai utilisé les mêmes raisins en légère sous-maturité que ceux qui m’ont servi pour vinifier mon clairet pétillant et mon rouge à boire frais », détaille-t-il.
Philippe Betschart renouvellera l’opération ce millésime. « Si tout se passe comme prévu, que la cidrerie HIC propose bien de la gazéification et que mon acheteur japonais me confirme sa commande, je livrerai même 1000 litres de jus en plus pour faire du pétillant. » Alice de Courcel attend aussi ce nouveau produit. « Nos clients aimaient celui que nous leur proposions avant et nous en redemandent » assure-t-elle. Marion Derycke est prête. « Nous avons pu investir 150 000€ dans du nouveau matériel grâce à des financements européens et régionaux. »
A ce jour, la diversification dans le jus de raisin ne permet pas aux vignerons de se dégager plus de marge que sur le vin. Entre le prix de la prestation, compris entre 1,3 et 1,5€/L de jus, bouteille comprise, et le coût de production du raisin, Philippe Betschart dit ne finalement « pas gagner grand chose avec une revente à 5,90€ en prix public à 5,5% de TVA ou entre 3,9 et 4,3€ en prix pro. Mais c’est de la vendange qui sort et de l’argent qui rentre rapidement. En octobre, je suis sûr d’avoir tout vendu », analyse-t-il, réfléchissant à monter en gamme en retravaillant son marketing et en complétant son offre avec un jus de cabernet et un autre de sauvignon. Ayant été gérante d’une agence de communication, Marion Derycke pourra l’épauler dans ce projet.
Les cidriculteurs ne sont pas que de simples prestataires pour le château Saint Ahon. Reconnaissant un « coup de cœur humain et professionnel » pour Marion Derycke et Jérémy Rouxel, Alice de Courcel propose les produits HIC dans sa boutique et a dévoilé en début d’année un jus mi pommes mi raisins issu de 50% de pommes achetées par la cidrerie à un arboriculteur de l’Entre-deux-Mers et de 50% de raisins cultivés à Blanquefort. « Au château, il ne nous reste déjà plus que 80 bouteilles de 33 cl sur les 400 de départ. Cette collaboration marche aussi très bien en restauration. Elle est partie pour durer » se réjouit Alice de Courcel.
Philippe Betschart murit aussi d’autres projets avec l’équipe d’HIC. « Comme je travaille en agroforesterie et que beaucoup de mes fruitiers vont entrer en production, nous réfléchissons par exemple à acheter un déshydrateur ensemble. En discutant nous nous rendons compte que nous partageons beaucoup de problématiques » témoigne le viticulteur.