es rendements qui baissent depuis trois ans. Et voilà que Charles Perez, propriétaire du Mas Bécha, à Ponteilla, dans les Pyrénées-Orientales, se dit qu’il est temps de prolonger la vie de ses barriques au-delà de quatre à cinq millésimes – leur durée de vie habituelle. « En les régénérant, je diminue mes coûts de production », affirme-t-il.
Alors, en 2022, il approche une tonnellerie qui rabote et rebrûle les vieux fûts afin de leur donner une nouvelle jeunesse. Mais il n’est pas convaincu. L’année suivante, il se tourne vers la tonnellerie Tedem, basée à Sauveterre-de-Guyenne, en Gironde, qui a mis au point un procédé thermo-oxydatif appliqué à la vapeur destiné à éliminer du bois les résidus de soufre, désinfecter et dérougir les barriques, tout en reconstituant leur capacité de micro-oxygénation.
Pour son coup d’essai, il teste ce procédé sur six barriques, qu’il remplit d’abord de blancs puis de rouges, en les lavant à l’eau chaude entre les deux vins. Convaincu par le résultat, il fait régénérer quarante barriques en 2024, et dix cette année. « Avec cette méthode, j’espère élever dans mes fûts quatre millésimes supplémentaires. Au-delà, la puissance boisée deviendra certainement trop faible. » Le coût ? De 200 à 250 € par barrique de 225 litres, transport compris. Aujourd’hui, sur le parc de cent cinquante barriques de Charles Pérez, soixante ont été régénérées après avoir hébergé quatre à cinq crus.
De son côté, Yannick Reyrel, directeur technique du Château de Pressac – 40 ha d’un grand cru classé Saint-Émilion –, fait appel à deux sociétés pour la régénération de ses barriques : Dyogéna, en Gironde, et Tonnellerie du Sud-Ouest (TSO), à Gaillac, dans le Tarn. La première a développé un procédé qui utilise les ultrasons pour dissoudre le tartre et désinfecter en profondeur les fibres du bois. Cela élimine tous les Brettanomyces et autres micro-organismes qui pourraient s’y nicher, ainsi que les résidus de soufre, pour un coût de 40 € à 50 € par barrique. La seconde a mis au point le procédé Double Éco, qui consiste à raboter et à rebrûler les barriques avant de les traiter là aussi aux ultrasons, pour finir. Ce rajeunissement coûte 375 € par barrique de 225 litres apportée par le vigneron ; l’achat d’une barrique rajeunie fournie par TSO, lui, coûte 485 €.
« Les deux procédés sont complémentaires, explique Yannick Reyrel, qui gère un parc de 250 à 300 barriques par millésime, dont la moitié régénérées par l’un ou l’autre de ces prestataires. Avec le process de Dyogena, on extrait des résidus de composés soufrés connus pour donner des tanins secs. Le bois retrouve de la perméabilité en oxygène. Le vin gagne en harmonie. Grâce à celui de TSO, comme on chauffe à nouveau le bois, on s’approche du toasté et de l’apport de vanille d’une barrique neuve. On obtient plus de complexité en couplant les deux techniques. »
Toujours en Gironde, à Morizès, Benjamin Tartas ne jure que par les barriques régénérées de 500 l qu’il a achetées chez Tedem en 2021. Dans ces cinq demi-muids qui lui ont coûté 420 € pièce, ce vigneron élève 25 hl de malbec pendant six mois. « Cela donne des vins pas trop boisés, avec des tanins présents sans être trop prononcés », apprécie-t-il. Déjà régénérées une première fois, ces barriques vont repartir en régénération, après l’élevage de cette année. Une opération qui peut être répétée au moins trois fois, assure le tonnelier. Le concept plaît au vigneron. « J’aime le fait que les barriques puissent durer, explique-t-il. Le bois, c’est un patrimoine. »
En Saône-et-Loire, Fabrice Masse, qui gère les 50 ha du domaine Masse, à Barizey, possède un parc de 700 fûts. Un tiers de ces barriques vient de tonnellerie Condachou, située à Uzerche, en Corrèze, qui les a rénovées après qu’elles ont contenu cinq millésimes, en les rabotant en profondeur avant de les réchauffer. Le procédé a coûté au vigneron 175 € HT par fût de 225 litres.
« Avec ce traitement, la durée de vie des fûts peut être prolongée de cinq à six ans, indique-t-il. Le passage du rouge au blanc ne pose pas de problème. Et on retrouve un côté boisé, vanillé, avec beaucoup de finesse. » Tous les ans, il fait rénover entre cinquante et cent de ses fûts. Et se dit satisfait.