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Cave coopérative cherche viticulteurs bordelais pour sortir de la crise, pas sérieux s’abstenir
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Entre-deux-Mers
Cave coopérative cherche viticulteurs bordelais pour sortir de la crise, pas sérieux s’abstenir

Si la crise viticole n’en finit pas à Bordeaux, l’histoire de son vignoble reste encore à écrire par et pour ses opérateurs. C’est le message de mobilisation collective portée par Thomas Solans, 40 ans, le nouveau président de la cave coopérative de Rauzan (240 adhérents pour 3 200 hectares de vignes) qui tient ce 26 mai une réunion publique sur le site de Nérigean pour recruter de nouveaux adhérents et se projeter vers l’avenir
Par Alexandre Abellan Le 22 mai 2025
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Thomas Solans a succédé à Denis Baro cette fin mars, l’ex-président de Rauzan pendant 25 ans conservant ses mandats représentatifs à Producta, Terre de Vignerons et Coop Nouvelle Aquitaine. - crédit photo : Alexandre Abellan (archive Vinitech 2024)
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uccédant à Denis Baro en poste depuis 25 ans, vous prenez la présidence de la cave de Rauzan où vous êtes administrateur depuis 7 ans, finalement dans la continuité de votre père, Bernard Solans, autre figure du syndicalisme coopératif girondin. Est-ce le signe qu’une nouvelle génération veut porter un projet d’avenir pour les vins de Bordeaux, qui y croit ?

Thomas Solans : Comme coopérateur dans la vigne et l’élevage bovin, j’ai toujours été très impliqué dans le monde coopératif, comme administrateur auprès de Coop de France Nouvelle Aquitaine et d’Euralis. Je veux matérialiser l’envie de faire vivre l’appellation Bordeaux et donner un sentiment d’espoir. Même si c’est dur, et je subis techniquement et physiquement les difficultés quotidiennes, j’ai envie de croire dans le métier. Je n’ai pas envie que tout ce que je construis depuis mon installation en 2008 s’arrête. Il est facile de dire que l’on doit reconstruire dans la difficulté, mais le défi qui me plait dans tout ça est de réussir à garder l’esprit d’équipe. Nous avons 240 adhérents aujourd’hui (pour 3 200 hectares de vignes sur la dernière récolte), nous devons leur permettre de vivre de leur métier demain.

 

Dans le contexte de crise viticole actuelle, comment se porte la cave de Rauzan économiquement ? Qu’il s’agisse de ses commercialisations ou de sa rentabilité, sans oublier ses acomptes…

Nous avons une stratégie de segmentation. Une partie de notre production est plutôt bien vue sur le marché et répond à une certaine demande : crémants, moelleux, Bordeaux Supérieur, une partie de nos rosés et blancs. Ce qui nous pèse le plus, comme pour nos confrères, ce sont les rouges. C’est la première production de nos adhérents avec 2 500 ha de vignes rouges (à 60 % du merlot).

Ce qui nous met le plus dans la difficulté, ce sont les temps de retiraison des produits. On peut avoir vendu la production, mais les volumes ne partent pas. Le négoce stocke beaucoup moins et s’il n’a pas de date pour ses expéditions, il n’y a pas de retiraison. C’est la retiraison qui acte la facturation à 60 ou 90 jours, ce qui pénalise nos trésoreries.

Concernant les acomptes, la rémunération est mensuelle. Elle est plutôt en baisse, étant matérialisée par la baisse du coût de valorisation des millésimes 2022 et 2023, ainsi que les charges sur la coopérative, qui sont maîtrisées à l’hectolitre par une politique de sobriété et des volumes constants et satisfaisants en termes d’apport.

 

L’Entre-deux-Mers est actuellement au cœur d’une campagne d’arrachage aussi massive que visible. Vous cherchez de nouveaux adhérents avec une réunion publique ce 27 mai : est-ce pour maintenir les volumes ou limiter la casse et la réduction du diviseur de coût ?

C’est un peu tout ça à la fois. Nous avons 600 000 hectolitres de cuverie. S’il y a beaucoup de stockage, nous avons une capacité à vinifier 200 000 hl. On sait que l’on n’y reviendra pas, mais nous avons un outil dimensionné et qualitatif avec des équipes formées pour avoir la capacité de répondre aux viticulteurs qui se posent des questions. Parce qu’ils n’ont plus un outil adapté de vinification et que l’on élimine des contraintes et normes. Parce qu’ils veulent se rapprocher d’une coopérative et récupérer une partie des vins pour commercialiser sous leur nom de marque.

L’apport peut être partiel, nous ne sommes plus à la grande époque de la coopération où il fallait apport total. L’arrachage pousse à chercher de nouveaux adhérents. Ainsi que la pyramide des âges : des personnes souhaitent s’installer, nous avons une charte d’installation des jeunes vignerons (aide au foncier, avances de trésorerie, prime vignoble aux jeunes installés…). Il est toujours bizarre de parler d’installation dans ce contexte, mais les domaines sont des entreprises à reprendre comme les autres.

 

Au-delà de la réduction des coûts de vinification et de l’allégement du stock de vin à la propriété, l’enjeu pour les domaines viticoles reste la création de la valeur ajoutée pour un vignoble de plus en plus en difficulté, meurtri pas le désespoir et les suicides…

C’est la valeur ajoutée qui crée la rémunération. Je souhaite que demain il puisse y avoir un prix d’orientation, une loi Egalim permettant de prendre en compte le coût de revient dans la création des prix, la création d’une Organisation de Producteurs (OP) pour créer de nouveaux rapports de force… S’il y avait 1,2 € de vin par bouteille de vin vendu et pas de bouteille à 1,2 €, la filière se porterait mieux : on serait sur une base de 1 400 € le tonneau, je ne crois pas que ce serait beaucoup. Mais une fois que j’ai dit ça, je n’ai pas dit grand-chose. On parle aussi de travailler le profil produit avec une offre no-low, de la désalcoolisation… Nous le faisons prudemment, comme nous sommes très orientés vin AOP. Et nous cherchons de la valorisation par la cave et ses outils de commercialisation et d’embouteillage en collectif (Terre de Vignerons et Producta).

 

Face aux chutes des ventes et des apports ces dernières années, d’autres caves rentrent en procédures collectives, ferment des sites ou annoncent des plans sociaux. Qu’en est-il pour Rauzan ?

La réunion publique se tient à Nérigean, notre plus petit site, qui vinifie 5 à 10 000 hl de vins rouges. Nous voulons renforcer notre positionnement sur le secteurs de l’Ouest de l’Entre-deux-Mers. Quand cette cave a été créée en 1936, il y avait des coopératives partout au service du territoire. Si demain Nérigean est supprimée, il n’y aurait plus de cave de vinification sur cette zone et on continuerait de dégrader le service apporté aux viticulteurs. Nous avons un rôle à jouer.

Rauzan est une entreprise du territoire de l’Entre-deux-Mers marquante et parlante. Nous avons 50 collaborateurs et un impact important sur le territoire et ses entreprises. Il n’y a pas de plan social : mais des départs à la retraite non remplacés, des modulations de poste… Nous maîtrisons nos charges. Il n’y a pas eu de plan d’investissement depuis 2019.

Comme toute entreprise, s’il y a une dégradation des surfaces ou des volumes, on devra revoir notre fonctionnement. L’audit régional de la coopération viticole est en cours. Nous sommes un acteur qui doit continuer à marquer l’histoire des vins de Bordeaux, je ne veux pas louper ce virage. Note réunion à Nérigean rappelle notre ancrage territorial pour accompagner les vignerons. Nous sommes en capacité d’en accueillir.

 

Quels sont les profils de nouveaux adhérents que vous cherchez ? Y-a-t-il critères rhédibitoires ?

Nous n’avons pas de limite. Nous ne voulons juste pas être la bouée de secours avec une adhésion pour une année. La coopération, c’est un engagement quinquennal avec une année probatoire, une adhésion et un appel de parts sociales. On ne déroge pas à la règle, ce n’est pas du one-shot.

Ce qui est important, ce sera l’état du vignoble : qu’il soit tenu et respecte le cahier des charges de l’AOC. On regardera ensuite en fonction de la typologie et de la motivation de l’exploitation. La cave coopérative n’est pas un acheteur comme un autre. Il y a des valeurs coopératives auxquelles je suis attaché. J’apprécie l’implication dans la vie coopérative, avec des adhérents impliqués dans les actions commerciales, qui rencontrent les clients et sont présents lors des animations.

 

Vous avez présidé les Jeunes Agriculteurs de Gironde et porté des messages forts sur la baisse des cours du vin en vrac en dessous des coûts de production dès 2015. Dix ans après, les prix sont encore plus bas et l’on n’installe quasiment plus de jeunes dans le vignoble. Comment inverser la tendance ?

Je remonterai plus loin. En 2006, notre slogan était "notre SMIC à nous : 1 000 € le tonneau". Nous étions à 60 hl/ha. Nous ne sommes toujours pas à 1000 €/tonneau et les rendements tournent à 50 hl/ha. Pour réussir une installation, il faut regarder le bien-être de l’exploitant pour bien vivre de son métier tout en étant épanoui. Il faut trouver l’équilibre entre une surface permettant de tirer un revenu suffisant et permettre d’organiser sa vie. La viticulture est un métier de passion, mais il ne faut pas en être l’esclave. Notre inquiétude est la réduction du nombre de transmissions familiales. L’installation pourrait être progressive, avec un modèle mixte de salariat et partenariat pour les exploitants.

 

Vous présidez également le Vinopôle, où vous portez des essais de modèles viticoles de rupture. Pour l’avenir, faut-il tout revoir dans l’encépagement, innover dans le profil produit et revenir à de la polyculture ?

Ce sont des sujets travaillé à la cave de Rauzan. Notre fil conducteur sur l’encépagement de demain se fait en lien avec nos services commerciaux et techniques, avec des essais de Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA), des cépages résistants, de nouveaux cépages dans le cahier des charges… Nous testons des profils produits, en étant très à l’écoute de nos clients pour tester la maturité du marché et se distinguer d’autres structures. Innover en temps de crise peut faire peur, mais si l’on n’innove pas, on se met aussi en danger.

 

Il y a eu ces dernières années un virage agroécologique très fort dans le vignoble, qui ne semble pas payer autant qu’il coûte. Est-ce que Rauzan continue de miser sur les labels type bio, Haute Valeur Environnementale (HVE)…

Il ne faut pas caricaturer. On a oublié lors du changement de modèle d’expliquer aux viticulteurs comment maintenir leurs performances. Ce n’est pas si simple de dire que c’est parce que l’on est en HVE ou en bio que l’on ne fait pas les rendements. Je n’ai jamais autant produit que depuis que je suis en bio. C’est avant tout une approche agronomique. Et ce sont de approches différenciantes. Rauzan a fait le choix du label Vignerons Engagés et nous n’avons aucun regret. Nous avons 600 ha de bio sur la cave coopérative. Ce n’est pas facile, mais on travaille pour répondre aux enjeux.

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Tous les commentaires (2)
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Zorro Le 25 mai 2025 à 20:11:01
En général les caves ne vont pas trop mal vu le contexte, par contre je crois qu'elles ne prennent pas conscience de la situation des apporteurs, qui sont la variable d'ajustement. Je crains très fort que tout s'écroule sans crier gare, tous les ingrédients sont la, âge des apporteurs, non rentabilité chronique, aucun signe d'une reprise, réserve financière à sec. L'État des Lieux n'est pas brillant, et pour le moment on fait comme si de rien n'était.
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Albert Le 22 mai 2025 à 20:57:08
Au lieu de vous enliser avec l'AOC Bordeaux, pourquoi ne pas tenter de réorienter la production sur le cahier des charges IGP Atlantique (tout aussi évocateur que " entre deux mers ") ce qui vous permettrait une meilleure réactivité pour notamment adapter l'encépagement ? .. Pour moi, le gros problème est que l'image renvoyée par l'étiquette "Bordeaux" est celle d'un temps révolu (petite bourgeoisie des boomers), l'image est bien fanée ..
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