ette rentrée, la place de Bordeaux spécule sur le volume de la vendange 2014 reconnaît Philippe Hébrard, le directeur des caves de Rauzan et Grangeneuve, fusionnées depuis 2008 et situées au cœur du vignoble de l'Entre-deux-Mers. « Nous venons de connaître un mois de sécheresse après un été pluvieux... Cette année on ne fera pas le plein, on révise les rendements à 55 hectolitres par hectares en blanc, à 50-55 hl/ha en cabernet franc, on attend de voir le merlot » explique l'œnologue. Source de réconfort, les vendanges pour les bases de crémants de la coopérative ont débuté ce 4 septembre, évitant de justesse la vague de pourriture acide qui a secoué l'Entre-deux-Mers. Au final, les caves de Rauzan espèrent produire 177 000 hl ce millésime, contre 120 000 hl en 2013. Une hausse de 47,5 % qui est un retour à la normale et ne fait pas oublier les difficiles vendanges de 2013, marquées par la coulure du merlot et la grêle du 2 août (650 hectares de la cave coopérative ont été touchées).
Une vendange qui fait aussi des caves de Rauzan la « première unité de vinification en France de vins d’AOC », soit « un outil industriel » à l'échelle de la filière concède Philippe Hébrard. Désormais limitée dans sa croissance par son bâti, la cave de Rauzan (fondée en 1933) a un potentiel de vinification et stockage de 500 000 hl (avec 10 cuviers et un parc de 5 800 barriques). L'occasion de développer la cave de Grangeneuve, qui vient d'ouvrir un site de thermovinification et fait office de porte d'entrée à de nouveaux adhérents (Rauzan en compte 300). « Nous ne perdons pas de surfaces » souligne Philippe Hébrard, « nous sommes bordés à l'Est par une frange de caves coopératives, où il y a peu de développement naturel, mais du côté de Bordeaux nous avons vocation à être attractifs ». Le soutien dans l'achat de foncier séduit ainsi les vignerons établis comme les jeunes souhaitant s'installer, tandis les surfaces moyennes des exploitations de la cave augmentent (de 9 hectares en 2008 à 12 aujourd'hui).
Comptant cette année 3 200 hectares de vignes, le vignoble des caves de Rauzan est dominé par les cépages en rouge (à 83 %, se ventilant en 60 % de merlot, 30 % de cabernet sauvignon et 10 % de cabernet franc), avec seulement 17 % de blanc (50 % de sauvignon blanc, 40 % de sémillon, 5 % de sauvignon gris et 5 % de muscadelle/colombard). Face à la dominance historique du merlot en rouge et du sémillon en blanc dans le vignoble bordelais, la coopérative a lancé des mesures incitatives pour favoriser les autres cépages : apports en caves rémunérés 15 % de plus et prise en charge du coût de plantation pour les ceps de cabernet sauvignon, colombard, sauvignon blanc et gris. Un investissement viticole en écho au mot d'ordre commercial de la coopérative : faire dans la diversité de gamme.
Spécialisées dans les AOC Bordeaux (du rosé aux blancs en passant par les crémants et le claret*), les caves de Rauzan souhaitent en effet « apporter aux marchés les choses que l'on ne trouve pas ailleurs, il n'y a pas d'autre baguette magique pour valoriser les prix... » explique Philippe Hébrard, préférant « les niches face aux gros volumes qui sont un écoulement, où le vigneron ne se rémunère pas ». Avec 40 marques et 45 châteaux, les caves de Rauzan commercialisent 20 % de leurs volumes en bouteilles (pour 40 % du chiffre d'affaires), dont 60 % à l'export, principalement dans les pays tiers (la marque Duprais est le premier vin de Bordeaux vendu en Russie, la marque Augey arrive en deuxième position aux Etats-Unis).
Sur l'année se finissant au 31 août 2014, le chiffre d'affaires des caves de Rauzan s'élevait à 29,5 millions d'euros.
* : la production des caves de Rauzan est dominée par le Bordeaux rouge (100 000 hectolitres), contre 15 000 hl de Bordeaux supérieur rouge (la coopérative produit même 15 à 20 hl de Bordeaux supérieur blanc).
[Photo : Philippe Hébrard ce 18 septembre dans un cuvier de Rauzan]