e 14 mai, la Commission européenne propose un ensemble touffu d’évolutions réglementaires devant simplifier la Politique Agricole Commune (PAC). Présenté dans un communiqué comme un « train de mesures ciblant la charge administrative, les contrôles, la mise en œuvre, la réaction aux crises et les besoins d'investissement du secteur », ce projet réglementaire propose au détour de ses 72 pages une évolution notable des dispositifs d’assurance climatique du vignoble. Se trouvant page 38, l’article 76 propose que « pour les cultures permanentes et dans d’autres cas justifiés pour lesquels les méthodes de calcul visées [pour la valeur de référence historique de la production assurée] ne sont pas appropriées, les États membres peuvent évaluer les pertes sur la base de la production ou du revenu annuel moyen de l’agriculteur sur une période ne dépassant pas huit ans, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible ».
Soit la possibilité de calculer sur 8 ans maximum et plus seulement 5 ans la fameuse moyenne olympique (excluant la pire et la meilleure année pour son calcul). Comme le précise la Commission à Vitisphere, « cela concerne les interventions de gestion des risques dans le domaine du développement rural, le contexte étant que, pour certaines cultures/situations, les méthodes de calcul prévues jusqu’à présent dans le règlement (moyenne sur 3 ans ou moyenne olympique sur 5 ans) n’étaient pas tout à fait appropriées pour donner une bonne idée du revenu/de la production de référence par rapport auquel une perte de 2 % est évaluée ».
Cette proposition est une avancée mise en avant par le ministère de l’Agriculture dans un communiqué : « en matière de gestion des risques, la France salue la réponse de la Commission à une de ses demandes de longue date, portée par les représentants agricoles : la possibilité d’allonger la période de référence pour le calcul de la moyenne olympique, qui est déterminante pour le calcul des pertes des outils de gestion des risques, et en particulier pour le déclenchement de l’assurance multirisques climatiques. » Pour le cabinet d’Annie Genevard, « il s’agit d’une réponse apportée à une demande forte de la ministre, afin que l’outil assurantiel puisse mieux prendre en compte l’impact du changement climatique et améliorer la confiance des producteurs dans cet outil, avec l‘objectif d’étendre encore la couverture du risque dans notre pays ».


Une finalité partagée par le vignoble depuis des années (en témoignent ces archives ici en 2022, là en 2023 ou ailleurs en 2024), mais demandant d’autres moyens : « il est important pour nous que ce point soit modifié, mais non pas en allongeant [la durée de référence] qui ne suffira pas. Il faut sortir les années d’aléas du calcul » résume Jean-Marie Fabre, président des Vignerons Indépendants de France. Saluant une bonne initiative de Bruxelles de faire bouger la référence historique pour redonner de l’intérêt à l’assurance Multirisque Climatique (MRC), le vigneron de Fitou (Aude) demande désormais à la Commission, au Conseil et au Parlement d’aller au bout en ne prenant en compte que les années de pleine production, sans aléas climatique, comme référence : « il n’y a qu’en agriculture que l’on assure la valeur d’un bien selon l’effet de sinistres passés. Quand on assure sa maison, la prime assurance est calculée sur la valeur d’origine, pas sur celle après le sinistre. Pour assurer efficacement le vignoble, il faut que ce soit à la valeur nominale hors sinistre. »
« L'allongement de la durée prise en compte pour les années de référence est une bonne nouvelle. L'idéal, à ce stade, serait de garder les 3 possibilités (moyenne fixe 3 ans, moyenne olympique 5 ans et 8 ans) » complète Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs. Le viticulteur de Saint-Mont (Gers) confirme que cette évolution ne suffira pas : « cette mesure n'est pas suffisante et ne donnera pas, à terme, de solution pérenne pour affronter la récurrence des aléas climatiques consécutifs au changement climatique. Il est même urgent, avec les pouvoirs publics et les assureurs, de revoir des nouvelles clauses assurantielles adaptées aux conditions actuelles plus liées au revenu qu'au rendement. »
Alors que des assureurs indiquent que ne prendre en compte que les bonnes années de production ne reflète pas le potentiel de production réel des vignobles face au changement climatique, Jean-Marie Fabre répond que « si l’on considère que les aléas sont la norme, il n’y plus besoin de s’assurer ! Pour avoir l’assiette d’assurés la plus large possible, ce que souhaitent les assureurs, il faut un assurance qui fonctionne. J’entends cette année beaucoup de vignerons me dire qu’ils sortent de l’assurance. Avec moins d’assurés et plus d’aléas, ça sera moins rentable. » Pour que les assurances n’interviennent plus que sur des aléas climatiques ponctuels, Jean-Marie Fabre continue, encore et encore, de pousser pour un plan de prévention des fléaux climatiques les plus récurrents dans chaque région (gel, grêle ou sécheresse selon les cas). « J’ai conscience que les budgets sont serrés. Mais si l’on ne se met pas autour de la table avec l’État, les régions et les fonds européens pour accompagner le vignoble par le financement de sa protection structurelle en amont, le coût sera plus élevé en aval avec la solidarité nationale, les aides, le manque de production… Ça n’a plus de sens de dépenser à fonds perdus de manière conjoncturelle » défend le président des Vignerons Indépendants.
Jean-Marie Fabre pointant qu’« en se protégeant d’un aléas principal, par exemple le gel à Chablis, on peut lisser la production, faire des réserves de Volume Complémentaire Individuel (VCI), remonter sa référence de production historique… Et quand il y a une année inhabituelle de grêle, il n’y a pas de yo-yo dans les ventes et l’assurance intervention. C’est une logique de bon sens dont on ne peut pas faire l’économie. Sinon, des vignerons vont sortir du métier : ils ne pourront plus passer le cap alors que le stress et les difficultés s’accumulent. » Il faut « se donner les moyens, comme s'y sont engagées certaines régions, à mettre en place des outils de lutte préventive » confirme Joël Boueilh.