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"Dans le vin nous vivons non pas une crise de surproduction, mais plutôt une crise d’inadaptation à la demande"
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Michel Chapoutier
"Dans le vin nous vivons non pas une crise de surproduction, mais plutôt une crise d’inadaptation à la demande"

Validant le marketing de l’offre pour les grands vins, Michel Chapoutier appelle la filière à se demander ce qu’attend le consommateur de ses vins selon le marketing de la demande en se donnant les espaces de liberté le permettant : c’est-à-dire sans contraintes excessives pour être compétitive et innovante sur l’entrée de gamme.
Par Alexandre Abellan Le 18 mai 2025
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Déjà chevalier de l’ordre national du Mérite depuis 2004 et de la légion d’honneur depuis 2010, Michel Chapoutier a été chevalier puis officier du Mérite Agricole en 2014 et 2019 avant d’en avoir la plus haute distinction ce 13 mai. - crédit photo : Xavier Remongin /agriculture.gouv.fr
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ecevant ce 13 mai le titre de commandeur du Mérite Agricole des mains de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, le vigneron-négociant Michel Chapoutier a partagé à Paris un discours en forme de bilan œcuménique pour l’avenir de la filière vin. « Finalement, en 35 ans de syndicalisme agricole (si je peux l’appeler ainsi) j’ai vu une filière évoluer où tous les négociants sont devenus producteurs et ou 80 % des vignerons sont devenus négociants » note le président depuis 2014 de l’Union des Maisons & Marques de Vin (UMVIN), saluant une convergence des visions de la filière en rupture « avec le syndicalisme des années 1960-1970, nourri par la lutte des classes, [qui] a heureusement disparu de notre filière, (j’oserais même dire que nous le retrouvons plus facilement chez des personnes de l’administration française que chez nos amis de la production). »

Notant que désormais « parler de pragmatisme économique et de marché n’est plus tabou », Michel Chapoutier salue la vista de la filière vitivinicole : « le vin a su prendre un leadership. En effet, ce fut la première filière qui apprit à rémunérer la qualité prioritairement à la quantité. C’est vrai qu’à l’origine, cette distinction se faisait sur le degré alcoolique. Point important et presque dramatique, car aujourd’hui, dans l’inconscient collectif, le degré alcoolique reste toujours inconsciemment un dogme. » Une recherche de maturité et de richesse par l’alcool qui pèse désormais lourd dans le désamour du vin pour le membre de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) qui ne craint pas de lancer une cuvée rouge à servir frais ou de proposer de réhydrater les vins pour en diminuer l'alcool plutôt d’opter pour la désalcoolisation* pour rendre les jus plus digestes face au changement climatique.

Nous pourrions nous demander :  mais que veut le consommateur ?

Le dogme du degré alcoolique ? « C’est pour cette raison que les boissons fraiches et moins alcooleuses prennent progressivement le marché des vins, surtout du vin rouge qu’on se refuse toujours à boire frais » poursuit Michel Chapoutier, ajoutant que « c’est pour cette raison que dans le vin nous vivons non pas une crise de surproduction, mais plutôt une crise de sous consommation ou d’inadaptation de certains de nos vins à la demande. » Reconnaissant que « notre filière a trop souvent pris la mauvaise habitude de produire puis après de se demander qui va acheter le produit », le négociant rhodanien pointe que « nos vins AOC ne sont-ils pas là pour proposer une photo des terroirs par le marketing de l’offre ? Et cette philosophie marche… Oui… mais pour nos grands vins. »

Ne semblant pas être un fan de la premiumisation à tout crin, Michel Chapoutier défend une vision pyramidale de l’offre des vins français : où le sommet doit s’appuyer sur une base solide et étendue. « À vouloir proposer l’ascenseur social pour tous : on a offert à nos collègues de l’Europe du sud des socles entiers de notre production » constate-t-il, appelant à faire « attention face au nouveau déploiement des vins de France, n’allons pas les gêner à nouveau, en créant des contraintes sous prétextes qu’ils se vendent souvent plus chers que certaines AOP régionales. » Le négociant pointant que « l’ascenseur social a été trop souvent un piège pour des AOP régionales : leur imposant les mêmes contraintes que les crus, au lieu de leur offrir une souplesse d’adaptation au marché. L’AOP régionale est le poumon des AOP viticoles françaises, et pour cela il faut lui donner de l’air. »

Plaidoyer pour le collectif

En termes de bouffée d’air, Michel Chapoutier défend l’implication collective comme hygiène personnelle. Comme il aime le relater, le négociant a rejoint une entreprise familiale en difficulté en 1986 avant de la reprendre à son grand-père, Marc Chapoutier, en 1990 : « et me voilà très riche en dettes » plaisante-t-il dans son discours du 13 mai. S’il devient la même année le plus jeune vigneron noté 100/100 par le critique américain Robert Parker, « il faut sauver la boite et donc tout compter… » rapporte Michel Chapoutier, relatant qu’« un jour [mon épouse] Corinne me dit : à compter tes sous ou tes dettes, tu vas devenir con… Si tu ne l’es pas déjà. Ainsi, afin d’essayer de retarder un peu cette échéance ou déchéance, je décide de me consacrer au collectif. Là c’est plus une thérapie pour ne pas me faire manger par l’entreprise familiale, par l’ogre familial. »

Alors que la filière vin semble faire face à une crise des vocations pour renouveler ses représentants personnels, Michel Chapoutier partage son constat : « quelle belle thérapie : donner du temps au collectif. Oui, donner et non pas prendre. » Président depuis 2014 de l’UMVIN et depuis 2021 du réseau en charge du label Vignobles et Découvertes, Michel Chapoutier a précédemment présidé l’Union des Maisons de Vins du Rhône (UMVR, 2005-2014) et l’Interprofession des Vins de la Vallée du Rhône (Inter Rhône, 2014-2020). « Finalement donner du temps à cette famille des vins et spiritueux m’a permis d’apprendre beaucoup plus que ce l’école proposait d’apprendre… Bon c’est vrai que je ne me suis pas éternisé dans un processus d’étude » plaisante le titulaire d’un brevet de technicien supérieur d’œnologie (obtenu à Mâcon, Saône-et-Loire).

Ce sera aussi par les casse-croûtes et les canons que nous éviterons les guerres 

Espérant qu’« il est temps d’espérer que les jeunes  découvrent la richesse du collectif et du plaisir de donner et partager », Michel Chapoutier pointe qu’« à cette époque de la clôture du premier quart du vingt-et-unième siècle, il est temps d’espérer que les jeunes générations s’intéressent à notre filière en tant que consommateurs, car ce sera aussi par les casse-croûtes et les canons, nos canons à nous, que nous éviterons les guerres » Dans son discours, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard salue un personnage « visionnaire et audacieux, créateur de crus d’exception comme de vins accessibles, explorateur de terroirs, mais aussi humaniste, philanthrope, vous incarnez une figure rare : celle d’un homme qui fait dialoguer la tradition et l’avenir, l’exigence de qualité et celle de solidarité ».

 

* : « C’est pour cette raison qu’on ne réhydrate pas un vin pour réduire son degré mais qu’on utilise des méthodes soustractives désastreuses au niveau de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) » glisse Michel Chapoutier.

 

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Tous les commentaires (7)
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Grami Le 27 mai 2025 à 21:21:38
Tout ce que dit monsieur Chapoutier peut être fait avec des vins sans indication géographique ! Toutes ces innovations, ces adaptations aux nouveaux modes de consommation peuvent être mis en œuvre avec ce créneau là ! Sauf que le négoce dont il est le patron préfèrerait utiliser les signes de qualité mis en place par les vignerons qui ont fait la preuve de leur sérieux et de leur rigueur et qui font la richesse de l'agriculture française pour en utiliser la réputation pour tenter tout un tas d'expériences (comme il y a quelques années avec les babv) et tout ruiner en rien de temps ! La réhydratation des mouts, joli nom pour masquer une fraude qui a été combatue par les vignerons au siècle dernier, l'histoire se répète et personne n'en retient rien ! Attention à tous ces beaux parleurs qui endorment nos politiques et leur font passer des vessies pour des lanternes....
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Ali Le 20 mai 2025 à 21:17:11
Ce grand bonhomme est dans le vrai, Michel Chapoutier pose les bonnes questions, c'est le reflet de la société française, on emmerde les gens qui travaillent, qui innovent ou qui remettent les choses en question, se cacher derrière les habitudes ou un statut est toujours mauvais à long terme, mais je ne pense malheureusement pas que la société française soit près au grand soir pour se retrousser les manches, travailler et redresser ce pays, mais quel panache du Monsieur, tout le monde n'appréciera pas ,mais pour ma part j'adore
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VignerondeRions Le 19 mai 2025 à 18:35:03
On me dit dans l'oreillette que quand il siège à l'INAO, il ne tient pas ce discours et ses actes ne sont pas du tout raccord avec le texte ci dessus. C'est peut être simplement cela le problème de la viticulture d'aujourd'hui. DIRE c'est bien, FAIRE c'est mieux.
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ALAIN Le 19 mai 2025 à 18:10:08
merci monsieur Chapoutier pour le réalisme de vos propos. Le principe de respecter les consommateurs en réadaptant nos vins à la demande est essentielle pour intéresser et capter des néo-consommateurs...ces "nouveaux vins" sont des clefs que nous avons trop longtemps négligées. ce sont les vins qui doivent aller vers les consommateurs et non plus l'inverse. l'idée de la réhydratation devra franchir les difficultés administratives des interprofessions.
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Albert Le 19 mai 2025 à 13:05:59
Ce qu'attend, ce que demande le consommateur ? .. est-ce que cette formulation un peu réductrice est si pertinente ? .. je serais tenté de prétendre qu'on vise uniquement la consommation au quotidien, soit celle qui n'a rien à voir avec la consommation "plaisir", celle de l'amateur.trice ! .. dans le premier cas, l'amont (production et négoce) se doit nécessairement de prendre en compte les attentes de la clientèle, dans le second cas, c'est la liberté totale d'action du.de la producteur.trice qui s'impose évidemment.
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Renaud Le 18 mai 2025 à 21:26:34
Merci de cette bouffée d'air. Et interessant le passage du personnel au collectif afin de ne pas devenir « vieux con ». Il y a de la graine à prendre à Bordeaux. Quelques Marquis prennent encore des mandats pour leur compte et non pas celui de collectif. On voit le résultat ! Cet article aura t il un impact ? Car quand le sage montre le ciel l'imbecile regarde le doigt?.
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max le caviste Le 18 mai 2025 à 11:44:28
je suis tout à fait d accord pour "rehydrater" le vin nous fait de la réduction avec les alcools (cognac,whisky, rhum...)pourquoi ne pas le faire avec le vin l indice carbone sera meilleur que la désalcoolisation.....
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