Agir plutôt que subir », c’est le mantra de Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui a mis la confédération nationale des caves particulières « en mode commando et sauvetage » pour aider la filière vin à ne pas sombrer face à l’avis de gros temps qui menace. Il faut dire que la mer continue de gonfler, avec une forte augmentation des défaillances ce début 2025. Pour la survie économique de la filière vin, « j’ai le sentiment que tout va se jouer entre maintenant et les vendanges » avance Jean-Marie Fabre, notant que « la période de fin février à début septembre est le moment où le besoin de trésorerie est le plus fort dans nos entreprises » avec les investissements dans la conduite culturale du vignoble (GNR, phytos, main d’œuvre…) et dans le conditionnement des vins précédemment produits (matières sèches, embouteillage, logistique…).
Face à un marché compliqué, le vignoble ne doit pas être empêché dans son fonctionnement pour le président des Vignerons Indépendants, et ce même si les entreprises manquent de trésorerie. Pas de solution miracle, mais une mobilisation des prêts garantis de restructuration de la dette (plafonnés à 200 000 € jusqu’à 12 ans), voire le recours à une procédure de sauvegarde (selon les cas). « Nous sommes empêchés d’avancer par le poids de ce que l’on doit. Si l’on se déleste de ce qui nous tient au fond de l’eau, cela nous permet de remonter, de garder la tête hors de l’eau et de venir rechercher les poids après » résume Jean-Marie Fabre.


Concrètement dans ce plan de sauvetage, le dispositif gouvernemental de prêts de consolidation est central : « au-delà des fonds d’allégement des charges et des fonds urgence, les prêts de consolidation sont l’outil pivot qui doit faire basculer les entreprises de vignerons du côté de la stabilité et de la pérennité » espère le vigneron de Fitou (Aude). Avec l’ouverture ce 17 avril par FranceAgriMer de la téléprocédure pour la prise en charge des commissions de garantie (une caution assurée par BPI France), le dispositif doit être désormais pleinement opérationnel.
Tir à corriger
Du moins à un effet de bord près… « Ne pas avoir perdu 50 % des fonds propres est une condition d’accès qui est bloquante pour beaucoup d’entreprises. Elles sont éliminées sur ce critère alors qu’elles sont la cible de l’outil » rapporte Jean-Marie Fabre, évoquant des retours des réseaux bancaires et des vignerons pour estimer que ce seuil est « un gros frein » alors que le vignoble est impatient de recourir à cet outil financier. « Si on ne met pas en place un critère d’accès différent, ce ne sera pas un outil utilisable et ça restera une annonce » prévient le vigneron languedocien. Qui se veut optimiste alors que la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, et son cabinet ont indiqué leur mobilisation pour trouver rapidement un autre critère permettant d’embarquer les entreprises refoulées. « Le diable se cache dans les détails, ce point nous avait échappé » reconnaît Jean-Marie Fabre, qui appelle à « lever l’écueil pour utiliser cette bouée de sauvetage ».


Autre levier pouvant être mobilisé par les entreprises viticoles concernées : l’ouverture d’une procédure de sauvegarde auprès du tribunal. On a beau le dire, le répéter et le rabâcher encore et encore, cet outil de gestion n’est pas une faillite personnelle pour les dirigeants de domaines viticoles, mais un levier professionnel d'anticipation pour la restructuration des finances et la réorientation des stratégies. « Ce n’est pas un échec, c’est une procédure offrant une respiration à l’entreprise tout en restant maître » résume Jean-Marie Fabre, précisant qu’elle « permet de poursuivre l’activité et de maintenir l’emploi tout en apurant le passif sous la protection du tribunal pour réorganiser l’activité et éviter d'être acculé à la cessation de paiement où l’on ne contrôle plus rien » avec l’ouverture d’un redressement judiciaire.
Très sollicitée par ses membres, la confédération des Vignerons Indépendants s’organise pour diffuser à ses adhérents les éléments permettant de comprendre ces procédures collectives. « Les entreprises sont à un moment charnière où elles peuvent basculer dans les difficultés. L’outil pivot est le prêt de consolidation, s’il évolue correctement, et, pour certaines, il sera pertinent d’ouvrir un plan sauvegarde en écartant temporairement toutes les créances » récapitule Jean-Marie Fabre, qui cite Winston Churchill : « mieux vaut prendre le changement par la main avant qu'il ne nous prenne par la gorge ». Pas de promesse de sang et de larmes, mais « agir plutôt que subir ».