rus bourgeois exceptionnellement poursuivis et désormais relaxés ! Rendant son délibéré ce jeudi 27 mars, la quatrième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux juge que les avances de trésoreries de 1,3 million d’euros réalisées par Patrick Meynard entre sa société bénéficiaire (la SARL L. Meynard et fils, spécialisée dans le clissage : la fabrication de filets décoratifs pour les bouteilles de vin) et ses domaines déficitaires (châteaux Lalaudey et Pomeys, SCEA de 25 hectares de respectivement cru bourgeois supérieur et cru bourgeois en AOC Moulis-en-Médoc) n’ont lésé personne, comme il en est l’unique actionnaire et bénéficiaire : il est donc relaxé « du chef d'abus de biens sociaux ». Faisant suite à une lettre anonyme dénonçant en 2016 « la gestion hasardeuse » de la SARL s'affaiblissant par ses transferts au bénéfice de la SCEA. Et avec des commandes de vin devant équilibrer les comptes entre les deux entreprises, mais n'étant qu'un jeu d'écriture selon le dénonciateur.
Après 9 années d’instruction, l’enquête judiciaire a abouti à 6 chefs d’accusation centrés sur les modalités d’avance de trésorerie de 1,3 million d’euros provenant de la holding de Patrick Meynard (non déficitaire) et de la SARL L. Meynard (rentable avec 3 millions € de chiffre d’affaires) pour éponger les déficits chroniques de la SCEA Lalaudey et Pomeys (poursuivie pour recel, qui a été relaxée). « Si la matérialité des soutiens financiers de la SARL et de la holding à la SCEA est établie », le tribunal note dans son jugement que la SCEA avait bien réservé des bouteilles pour la SARL (les stocks ayant été contrôlés par le fisc et les douanes) et qu’« il n’est pas démontré de dégradation de la situation financière de la SARL » : « l’ensemble de ces éléments conduisent le tribunal à retenir que les soutiens de trésorerie, dont M. Meynard a fait bénéficier la SCEA, ne peuvent recevoir la qualification pénale d’abus de biens sociaux ».
Patrick Meynard est cependant condamné pour « les délits de défaut de tenue d’une assemblée générale, et de présentation de comptes exacts » juge le tribunal, ajoutant que Patrick Meynard, « qui quoiqu’il s’en défende, avait, par son ancienne profession d’expert-comptable, une connaissance approfondie des règles comptables, et des obligations incombant, en la matière, au dirigeant de société qu’il est devenu par la suite ». Patrick Meynard est aussi condamné pour avoir émis en tant que gérant une facture de la SCEA portant sur 83 333 € HT de prestation d’assistance à maîtrise d’ouvrage à Andernos, sur le bassin d’Arcachon, alors que le domaine viticole n’a pas de telles activités dans ses statuts. Le tribunal le condamne pour avoir en conséquence présenté des comptes inexacts et signé des faux* à « 6 mois d'emprisonnement avec sursis 30 000 euros d'amende et privation du droit d’éligibilité pendant deux ans ».


Patrick Meynard est désormais « relaxé de l’infraction principale pour laquelle il est poursuivie depuis 10 ans » analyse maître Sylvain Galinat, sa défense. « Il n’y a pas eu d’abus de biens sociaux sur la gestion des sociétés viticoles » poursuit l’avocat bordelais, rappelant qu’« on lui reprochait d’avoir fait des opérations pénalement répréhensibles pour entretenir l’activité d’une structure déficitaire, mais ce n’était pas possible de considérer qu’il y avait une faute pénale. Il a consacré du temps, de l’énergies et une grosse partie de ses fonds personnels. Lui reprocher d’aider une structure viticole, c’était incompréhensible sur le plan pénal. Et sur le plan viticole avec la crise actuelle » qui n’épargne pas les crus bourgeois du Médoc. Pour maître Sylvain Galinat, la condamnation porte sur une action en dehors du champ, alors que l’administration fiscale avait déjà imposé une pénalité de 80 % sur la facture litigieuse que Patrick Meynard avait accepté. Il n’y aura pas d’appel indique l’avocat, malgré la sanction sévère retenue sur la facture immobilière : l’inéligibilité étant en la matière une disposition obligatoire, mais qui n’affecte que les scrutins de la République, pas les élections professionnelles.
Circonstance aggravante
Lors de l’audience ce 23 janvier, les interpellations du tribunal n'avaient pas évoqué le fait que Patrick Meynard soit depuis 2023 le président du Conseil des Vins du Médoc et de l’AOC Moulis-en-Médoc (qu’il avait déjà présidé de 2016 à 2019). Les interrogations de la juridiction se sont focalisées sur la précédente carrière d’expert-comptable et de commissaire aux comptes qui semble avoir alimenté la mobilisation du parquet. Patrick Meynard se défendait en rappelant qu’il a arrêté cette carrière il y a longtemps, en 2005 au rachat de la SARL L. Meynard (avant d’acquérir Lalaudey en 2007 et Pomeys en 2008). Ce qui n’avait pas convaincu le parquet, loin de là. « À la quatrième chambre, nous voyons de tout » lançait la procureure Marie-Noëlle Courtiau-Duterrier, qui indiquait que « quand un jeune entrepreneur autodidacte fait la confusion entre lui-même et les différentes sociétés qu’il a montées, il m’est arrivé de plaider la relaxe et d’être suivie. Mais quand un expert-comptable de formation, qui a été, cerise sur le gâteau, commissaire aux comptes, vous dit à la barre qu’il ne comprend pas l’abus de biens sociaux s’il prend dans la société A et le met dans la société B comme il est l’actionnaire unique. Les bras m’en tombent. »
Une vision du dossier qui n’a pas convaincu le tribunal, la procureure demandant dans ses réquisitions que la SCEA écope de 80 000 € d’amendes et que Patrick Meynard soit condamné à un an de prison avec sursis, de 50 000 € d’amendes assortis d’une interdiction de gérer pendant 5 ans et d’une interdiction d’activité professionnelle dans le domaine viticole. Contacté, le parquet indique à Vitisphere qu’il ne fera pas appel de la décision.
Pertes structurelles
Lors de l’audience, Patrick Meynard déclarait son incompréhension et répétait que s’il avait utilisé les bénéfices de sa SARL pour son propre profit, il ne serait tout simplement pas poursuivi. Que la SCEA Lalaudey et Pomeys soit « structurellement déficitaire en exploitation, je ne le conteste pas » déclarait à la barre Patrick Meynard. « La SCEA ne présente pas de rentabilité » répliquait le président de la quatrième chambre, Cyril Vidalie. « Comme toutes les SCEA. Sa valeur, c’est son terrain » plaidait maître Sylvain Galinat, qui relevait qu’à son achat en 2007, la SCEA coûtait 900 000 € pour les vignes et les bâtiments, mais qu’en 2017 une proposition de rachat s’élevait à 4 millions d’euros témoignant de la montée en gamme des crus bourgeois de Patrick Meynard.
Mais les châteaux Lalaudey et Pomeys restent « sous perfusion » pointait le président du tribunal après qu’il ait été fait état de versements toujours actifs de la SARL vers la SCEA (désormais encadrés par une prise de participation). « On ne le nie pas » répondait Patrick Meynard, qui expliquait que sa SCEA était trop endettée dès le départ. « Elle aurait dû déposer le bilan » répliquait le président. « Pour être récupérée à bas prix par un partenaire bancaire qui l’aurait revendu ? » s’étranglait maître Sylvain Galinat. « Regrettez-vous de ne pas avoir signé l’offre d’achat à 4 millions € quand vous l’aviez eu ? » relançait le président. « Oui je le regrette. C’était l’année du gel, je croyais que ce négociant voulait profiter de la situation » reconnaissait Patrick Meynard.
* : Les chefs d’accusations sont précisément pour le gérant de SARL la présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler la situation de la société, le non-établissement de l’inventaire, des comptes annuels ou du rapport de gestion, faux et altération frauduleuse de la vérité par un écrit, usage de faux en écriture, blanchiment en aidant à la justification mensongère de l’origine des biens ou revenus.