Je conteste fermement les faits qui me sont reprochés, étant nullement d’accord avec le jugement rendu en première instance » indique à Vitisphere le négociant bordelais Samuel Praicheux, qui indique avoir interjeté appel du jugement rendu par la quatrième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux ce 10 mars : 8 mois de prison avec sursis et 10 000 € d’amendes pour lui, ainsi que 30 000 € pour son négoce Simisy (connu sous la marque The Spirits Company, en liquidation depuis fin 2024). De lourdes peines pour « mise en vente, vente ou détention commerciale de marchandises dont l'identification était altérée », « contrefaçon par importation dans le marché européen de produits marqués, sans l’autorisation du propriétaire » et « préjudice d’image résultant du délit de contrefaçon » pour la réexportation illicite et le décodage des cognacs JAS Hennessy et des champagnes MHCS (Dom Pérignon, Krug, Mercier, Moët & Chandon, Ruinart et Veuve Clicquot Ponsardin, appartenant au groupe LVMH).
Ouverte par une plainte des marques Moët Hennessy en 2016 (suite à la vente de 1 500 bouteilles de Dom Pérignon 2004 à 129 € lors de la foire aux vins de Lidl), l’affaire est contestée depuis l’origine par Samuel Praicheux. Le négociant parle « d'acharnement de la part du groupe LVMH » lors de l’interrogatoire de première comparution en 2018, dénonce « la débauche de moyens techniques mis en œuvre contre lui et sa société pour les acculer à la faillite » après sa mise en examen en 2021, lance « LVMH veut faire de moi le Pablo Escobar des vins et spiritueux ! » lors de l’audience du 20 janvier dernier au tribunal de Bordeaux. À écouter Samuel Praicheux, il n’est que trader, faisant simplement le lien entre opérateurs pour réexporter des lots sur le marché parallèle en respectant la liberté de commerce. Mais pour LVMH, les réexportations en Europe sans autorisation de bouteilles destinées au marché extracommunautaire sont condamnables comme elles reposent sur le décodage des emballages. Comme l’explique dès le dépôt de plainte Moët Hennesy, « une telle suppression empêchait toute traçabilité des bouteilles, pouvait s'avérer dangereuse si un lot devait être rappelé et permettait de réimporter en Europe et en France des bouteilles destinées à un autre marché où les règles d'étiquetage étaient différentes » (notamment le logo femme enceinte).


Dénonçant également un système de réexportation d’ampleur (3,8 millions d’euros de bouteilles LVMH revendues entre janvier 2014 et mars 2017), Moët Hennessy a convaincu la juridiction bordelaise, qui est entrée en voie de condamnation dans son jugement « sur le délit d’exposition, mise en vente ou détention commerciale de marchandises dont l'identification est altérée » car « les chiffres composant le code d'identification apposé sur l’étiquette ou gravés sur le corps d'une bouteille de champagne font partie des signes que l’article L. 217-2 du code de la consommation, alors applicable, interdit de supprimer, masquer, altérer ou modifier » et que ces interdictions « ne s'appliquent pas au seul auteur de l’altération, mais à toute personne qui, sciemment, a exposé, mis en vente, vendu ou aura été trouvée détentrice dans des locaux commerciaux de marchandises portant le signe altéré ». Le délibéré pointe qu’« il ressort des pièces de la procédure que de nombreuses factures ont été adressées par la société Simizy à ses clients faisant référence à des produits "decoded" », que le négoce « avait effectué des ventes avec la mention "décodés" ou "codes-barres découpés" » et qu’« il ressort de la lecture de plusieurs courriers électroniques que Samuel Praicheux était parfaitement conscient de l’irrégularité des ventes de lots décodés ».
Concernant « le délit de contrefaçon par importation dans le marché européen de produits marqués, sans l’autorisation du propriétaire », la juridiction relève que « la commercialisation au sein du territoire européen de produits "décodés" fournissait à elle seule, un indice fort d'importation parallèle contrefaisante, l’intérêt, du procédé étant de rendre impossible l’identification de la source d'approvisionnement des produits » alors qu’« en sa qualité de professionnel du négoce international de vins et d'alcools, Samuel Praicheux ne pouvait raisonnablement ignorer qu'était requise l’autorisation des propriétaires des marques pour l'importation et la commercialisation au sein de l'Union européenne, de produits en provenance du marché extra-communautaire ».


Pour « le préjudice d’image résultant du délit de contrefaçon », le tribunal relève « des conditionnements incompatibles avec l’image de luxe du produit -sans étui et avec un film plastique recouvrant la coiffe » impliquant que le négociant « a dégradé de manière certaine la valeur distinctive et attractive des marques des parties civiles, de sorte qu’elles ont subi un préjudice direct ». D’autant plus que « ces produits ont été commercialisés via des circuits de distribution inadaptés aux produits de luxe comme l’enseigne Lidl ».
Contacté, LVMH ne souhaite pas commenter ce dossier.