a grince pour certains dans le vignoble pour la mise en œuvre concrète des consolidations de prêts sur 12 ans jusqu’à 200 000 €. « Pour être honnête, on sent une certaine réticence à mettre en place ce prêt » dans les agences bancaires glisse un vigneron girondin intéressé, mais ayant eu la présentation par son conseiller d’un système « très contraignant et très cher » (taux de garantie de 4,8 %, assurance obligatoire, choix des prêts par la banque ce qui implique des frais supplémentaires sur un remboursement anticipé…). La crainte qu’un outil en principe intéressant ne se retrouve pas dans la pratique à cause d’écueils de mise en place ?
« Tous les vignerons qui le souhaitent peuvent rencontrer leurs conseillers bancaires pour mettre la consolidation de leurs prêts s’ils sont éligibles » indique Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, rapportant que les banques se déclarent relativement satisfaites par l’outil : « elles n’avaient pas produit équivalent (sans garantie sur le marché extérieur) pour reconsolider la dette de ceux qui ont un endettement maximum et n’ont pas de trésorerie. Les banques en avaient besoin pour sauver un maximum d’entreprises (hors procédures collectives) ». Et si un vigneron ressent une réticence d’un conseiller bancaire malgré l’éligibilité de son dossier, qu’il remonte ce dysfonctionnement aux fédérations départementales des Vignerons Indépendants conseille leur président national.


« Le dispositif structurel a été construit autour de critères d’éligibilité assez larges, afin de permettre l’accompagnement d’agriculteurs et viticulteurs victimes d’aléas climatiques, ou de changements structurels en matière de consommation. On s’adresse à des exploitants fragilisés qui auraient des difficultés à accéder au crédit sans cette contre-garantie de l’Etat » déclare Jean-Pierre Touzet, le directeur du pôle Agri-Agro, Garantie et Capital développement de Crédit Agricole S.A, pointant l’engagement du réseau bancaire en matière de soutien à la filière vin*. Lancé le dimanche 23 février lors du salon de l’Agriculture avec deux autres réseaux bancaires (Banque Populaire Caisse d’Épargne et Crédit Mutuel CIC), le dispositif est actuellement opérationnel.


Concrètement, « il n’y a pas de frais supplémentaires, il s’agit de conditions classiques par rapport aux frais de dossier et d’assurance habituels » pose le directeur du pôle Agri-Agro. « Que vous soyez agriculteur dans la Somme ou viticulteur bordelais, vous aurez le même taux. Le Crédit Agricole a fait le choix d’une grille de taux nationale pour chaque durée, pour les agriculteurs et viticulteurs. Concernant la durée, ce dispositif permet d’aller jusqu’à 12 ans, offrant un accompagnement supplémentaire en matière de transformation pour la viticulture » indique Jean-Pierre Touzet, précisant « qu’au regard des conditions actuelles des taux, en progression au cours du mois passé, la grille proposée n’a pas évolué à la hausse, rendant ainsi les conditions d’emprunt plus avantageuses. Les taux sont ainsi bien positionnés. » Pour le directeur du pôle Agri-Agro « sur un tel dispositif, le plus important n’est pas uniquement le taux, mais la durée ».
En déploiement
« La durée de 12 ans est d’autant plus adaptée que la viticulture s’inscrit dans le temps long et qu’il faut accompagner la transformation des viticulteurs » souligne David Boutillier, responsable Agriculture et Agro-alimentaire de la Fédération Nationale du Crédit Agricole, pour qui ce dispositif « représente une véritable opportunité, dans le cas d’un arrachage temporaire. Il y a une vraie logique sur 12 ans par rapport au cycle d'exploitation d'un viticulteur. » En somme, « la profession a entre les mains un dispositif unique proposé par l’Etat et les banques, qui plus est dans le contexte budgétaire actuel » analyse Jean-Pierre Touzet, pointant que « les critères d’éligibilité sont objectivement assez larges pour en faire un outil puissant pour la transition et la transformation à la main des viticulteurs, leur permettant d’être acteurs de leur exploitation ». En début de déploiement, le recours au dispositif ne peut pas encore être chiffré, « mais il y a de l’intérêt, cela répond à un vrai besoin des clients » souligne Jean-Pierre Touzet.
Un vigneron languedocien intéressé prend pour sa part son mal en patience, son conseiller lui demandant d’attendre encore : « ça prend du temps. Il faut que tout le monde accorde ses violons. J’imagine qu’ils prennent le temps de réfléchir à qui ils vont prêter de l’argent… »
* : Avec des outils conjoncturels de soutien à l’échelle nationale auprès de ses clients. Fin 2024, ce sont 250 millions € d’allégements de trésorerie qui ont été consentis à la filière agricole au travers d’un prêt court-terme coup dur agri-viti lancé en septembre et l’activation de l’option de souplesse intégrée nativement aux prêts de la banque et permettant un report d’échéances sur une durée de 36 mois.