a crise viticole s’accentue avec des procédures collectives et plans sociaux qui se déclarent et menacent les entreprises du vignoble : quel est votre constat de la situation et quelles sont les solutions que vous pouvez apporter ?
Carole Delga : La filière viticole est particulièrement sous pression, que ce soit avec les impacts du changement climatique sur la production, la transformation des habitudes de consommation et maintenant le retour des menaces commerciales de Donald Trump… Dans ces moments de déstabilisation, il ne faut pas s’immobiliser et rester paralysé. Au contraire, nous devons rester offensifs, continuer à défendre nos produits et en particulier nos vins à l’export. C’est tout l’objectif de notre contrat de filière, qui est désormais opérationnel, avec 15 mesures très concrètes pour soutenir l’activité et les emplois de ce secteur important pour notre économie. Je pense notamment au nouveau dispositif pour accompagner les territoires viticoles qui souhaitent s’engager dans une stratégie d’adaptation au changement climatique et de résilience économique. Trois projets sont déjà sélectionnés et suivis dans le Lot, l’Armagnac et l’Aude. Au total, ce sont 5 millions d’euros de plus de plus que nous engageons spécifiquement pour la filière jusqu’en 2026.
Face aux menaces géopolitiques, frappant déjà l’Armagnac en Chine, comment soutenir l’export ? Avec la promotion vers de nouvelles destinations ?
Tout à fait. Nous devons conquérir de nouveaux marchés et adopter une posture dynamique, voire même offensive sur le grand export, en continuant son développement sur le continent américain qui est un marché significatif, mais également sur d’autres continents qui peuvent être de potentiels acheteurs. Pour répondre à ces défis liés à l’exportation et au risque de surtaxes des produits, notamment en Chine et aux Etats-Unis, la région a décidé d’accompagner la filière sur toutes les productions du territoire de l’Armagnac afin de diversifier son modèle économique et assurer sa pérennité. En effet le projet "Ambition Armagnac 2030" piloté par le Bureau National Interprofessionnel de l’Armagnac (BNIA) a été sélectionné lors de l’assemblée plénière du 19 décembre dernier pour accompagner la filière sur toute la chaine de production, aussi bien sur la plantation et le renouvellement des cépages, jusqu’à la question de la commercialisation et du grand export. Ce territoire de l’Armagnac bénéficie d’un dispositif exceptionnel pour pouvoir être sur l’installation, la production et la recherche de nouveaux marchés. Nous allons également nous appuyer sur l’Observatoire économique et stratégie prospective qui vient d’être crée lors de l’acte II du contrat de filière, et qui va permettre d’identifier de nouveaux marchés offrant des perspectives de croissance et ainsi d’adapter les productions.
Où en est le dossier de la marque Sud de France pour l’étiquetage des vins ? Avez-vous des demandes au gouvernement pour en finir avec cette interdiction annoncée ?
Nous attendons que l’ensemble des recours soient purgés et continuons dans l’intervalle à travailler avec la profession pour soutenir la promotion et la commercialisation des vins régionaux sur les marchés national et international. Je m’associe pleinement au courrier envoyé en fin d’année par les professionnels de la filière à la nouvelle ministre de l’Agriculture, Annie Genevard. C’est pourquoi même sans étiquetage, Sud de France-l’Occitanie* va continuer à se développer, car elle a démontré depuis près de deux décennies toute son efficacité pour les entreprises, notamment à l’international. C’est aujourd’hui une marque de reconnaissance de nos produits et un gage de qualité pour les consommateurs et les distributeurs, avec plus de 15 000 produits référencés et plus de 2000 adhérents.
Le changement climatique pèse sur la rentabilité des domaines, des excès d’eau de Gascogne aux sécheresses du littoral méditerranéen : quel est votre plan d’action pour adapter la filière vin à la nouvelle donne et conserver des vignobles en production ?
L’enjeu est de faire reconnaitre ces spécificités propres à notre territoire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous avons amorcé une première étape à l’automne dernier en lançant un appel collectif, l’appel de Bages, au gouvernement et à la Commission Européenne pour que des décisions réglementaires et financières soient prises en urgence afin de répondre à la sécheresse sur nos territoires les plus fragiles, comme l’Aude et les Pyrénées-Orientales. Nous avons aussi lancé l’étude Aquadomitia 2 pour réfléchir à une extension du réseau hydraulique régional jusqu’aux Pyrénées-Orientales. Cela ne pourra pas être la solution ultime et il faut d’ores et déjà sécuriser l’approvisionnement en eau des agriculteurs et viticulteurs avec des forages, la création de retenues collinaires, la réutilisation des eaux usées…
C’est une panoplie de solutions qui doit être déployée et nous sommes fer de lance en Occitanie sur cette question de l’eau. Au total nous y consacrons 40 millions € cette année. Nous avons aussi réussi à mobiliser 15 millions € pour mettre en place, à partir du printemps, une nouvelle aide à la trésorerie pour les exploitations touchées par les catastrophes climatiques. Enfin j’ai souhaité que nous nous saisissions du travail sur la future Politique Agricole Commune (PAC) pour faire reconnaitre la spécificité de notre agriculture méditerranéenne, une agriculture qui a besoin d’eau, où l’élevage doit reprendre sa place dans la lutte contre l’appauvrissement des sols et les effets du réchauffement climatique. C’est tout le sens du plaidoyer pour la nouvelle PAC que nous venons d’adopter en Occitanie et autour duquel nous allons travailler à fédérer et porter la voix des territoires les plus fragiles.
* : Le nouveau nom de la marque collective.