lap de fin pour Les Vins De Bordeaux (LVDB) et ses ventes de vins d’appellations bordelaises, mais aussi d’IGP Atlantique et de vins de France (sans indication géographique). Ce 20 février, la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris « ordonne à la société LVDB de procéder à la radiation du nom de domaine » lesvinsdebordaux.com et de ne plus l'exploiter (sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compte), un jugement assorti de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et 10 000 € de dépens pour les parties civiles, l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO) et le Conseil interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB).
Ayant lancé la procédure en avril 2022, les deux requérants dénoncent avec ce site litigieux « un acte illicite d'appropriation de l'appellation d'origine » pour « un site commercial qui ne vend pas uniquement du vin bénéficiant de l'appellation » avec un « usage commercial exploitant et affaiblissant la réputation de l'appellation d'origine », qui « constitue une usurpation de l'appellation et est de nature à induire le consommateur en erreur sur l'origine des produits présentés ». Une poursuite hypocrite pour Erwan Combet, le président de LVDB et de l’agence de création de sites web EC-CD (basée à Pessac, Gironde), qui confirme à Vitisphere que le site Lesvinsdebordeaux.com ne sera prochainement plus utilisable, les 80 propriétés l’utilisant pour leurs ventes étant redéployées sur d’autres plateformes*. « Cette décision [de justice] est illogique et un peu ridicule. Les vins IGP Atlantique sont les deuxièmes ou troisièmes vins de propriétés bordelaises » estime Erwan Combert.
LVBD : -1, CIVB : 0
Une expertise juridique retoquée par le tribunal. « Le fait pour cet opérateur, qui commercialise des vins protégés par une AOP, d'utiliser celle-ci pour désigner un site ne vendant pas exclusivement des vins de cette appellation caractérise une usurpation, ainsi qu'une tromperie » juge la juridiction, concluant que « cette pratique est susceptible d'induire en erreur le consommateur quant à la véritable origine du produit ». Confirmant également un affaiblissement de l’appellation**, le tribunal déboute le CIVB de ses demandes de concurrence déloyale entre la plateforme LVDB et son propre site institutionnel bordeaux.com « apparaissant, de fait, en second dans la liste de référencement internet » note la juridiction. Erwan Combret se présentant comme un expert du référencement web, à défaut de réglementation des Indications Géographiques. Dans ses conclusions, LVDB pointe que « les deux sites ne sont pas concurrents, celui de la CIVB ne proposant aucun produit à la vente, de sorte qu'aucun détournement de clientèle ou de concurrence déloyale ne pourrait être caractérisé ». Ce que confirme le tribunal : « la société LVDB n'a commis aucune pratique commerciale trompeuse constitutive de concurrence déloyale ».


Interrogé par Vitisphere, le CIVB voit dans cette décision une bonne nouvelle renforçant la protection de l’appellation Bordeaux, conformément à ses missions. « Cette décision en faveur de la protection des AOP est très intéressante » précise l’INAO, listant « en premier lieu, conformément à la jurisprudence obtenue ces dernières années en matière de noms de domaines elle rappelle la non possibilité d’appropriation du nom d’une AOP, y compris par un opérateur commercial de l’appellation, compte tenu de la protection de l’AOP et du caractère collectif de ce droit de propriété intellectuel. En second lieu, elle explicite clairement qu’une telle appropriation constitue une exploitation de la réputation de l’AOP, y compris par un opérateur commercial de l’appellation. Ce point est important car il est souvent invoqué par les parties adverses. » Concernant la vente de vins non-AOP sous cette bannière, l’INAO pointe que la condamnation « est conforme à la jurisprudence et a le mérite de rappeler qu’il est vain de justifier d’une légitimité de provenance ou d’explications apportées par ailleurs sur le site pour écarter une usurpation ».
Un aperçu du site poursuivi ce début mars 2025.
* : L’entrepreneur a lancé un nouveau site, lesvinsbiologiques.com, qui ne vend pas que des vins (on y trouve bières, cidres…), mais commercialise a priori seulement des produits bio (ou en conversion).
** : Si la juridiction estime que globalement « la société LVDB peut utiliser l'AOP Bordeaux pour commercialiser du vin produit conformément au cahier des charges correspondant à cette appellation », le tribunal juge que « l'usage, à la fois comme nom de domaine et pour désigner à titre d'enseigne un site de vente en ligne et son contenu, de l'appellation "Bordeaux" [tient de l’]exploitation de sa réputation, peu important que de nombreux sites utilisent le terme de "Bordeaux" dans leur nom de domaine ou à titre d'enseigne », ce qui « caractérise une utilisation directe de l'appellation protégée pour exploiter sa notoriété immense, ce qui est de nature à affaiblir sa réputation, à plus forte raison lorsque sont commercialisés sur un tel site des vins qui ne satisfont pas au cahier des charges de l'appellation ».