a diversité génétique des vignes ne devrait plus être une belle endormie dans les multiples conservatoires de cépages à travers la France. Depuis quelque temps déjà, des pépiniéristes proposent aux vignerons des sélections massales issues de ces conservatoires. Mais depuis cette année, ce matériel végétal est distribué sous marque Entav Diversité, afin de lui donner plus de visibilité et d’augmenter sa diffusion.
« C’est le matériel le plus divers au monde. Il pourrait aider à répondre aux défis climatiques et sanitaires des vignerons », pronostique David Amblevert, pépiniériste et vice-président de l’IFV.
Paul-Antoine Suzzoni, gérant du Clos Culombu, 65 ha à Lumio, en Corse, a eu connaissance de cette nouvelle offre en échangeant avec des pépiniéristes. Il va bénéficier de plants de niellucciu et de sciaccarellu issus du Centre de recherche viticole insulaire (CRVI) de San-Giuliano, l’un des conservatoires partenaires de la marque Entav Diversité. Les greffons ont été récoltés aléatoirement dans le conservatoire, avant d’être confiés à la pépinière Mercier. D’ici peu, le vigneron corse se fera livrer de 2 000plants de niellucciu qu’il plantera dès ce printemps. L’an prochain, il recevra des sciaccarellu.
« Les clones actuels ont été sélectionnés pour produire sous un climat qui n’est plus celui que nous connaissons, rappelle Paul-Antoine Suzzoni. Aujourd’hui, on cherche des sciaccarellu toujours colorés mais dont les baies ne flétrissent pas en fin de maturation, et avec un degré potentiel un peu plus faible. Pour les niellucciu, on recherche des grappes plus lâches, qui seront moins sensibles à la pourriture causée notamment par la pyrale. »
À Narbonne, dans l’Aude, le propriétaire et négociant Gérard Bertrand cherche à diversifier le carignan, son cépage emblématique. « Il existe peu de clones de carignan et ils sont tous productifs et peu adaptés à nos vins à forte valeur ajoutée, pour lesquels nous recherchons un goût de terroir prononcé », souligne Bastien Gaillardon, responsable R & D de l’entreprise.
Au printemps 2026, il plantera un demi-hectare de carignan au Château de Villemajou, la propriété historique de Gérard Bertrand. S’y côtoieront deux sélections massales : l’une d’une dizaine d’accessions – ou variants –, issue du conservatoire de la chambre d’agriculture de l’Aude et bénéficiant de la marque Entav Diversité, l’autre forte d’une trentaine d’accessions issues d’une sélection massale de vieilles parcelles du château. « Nous allons observer le comportement de ces différents plants de vignes au fil des années, indique Bastien Gaillardon. Et, qui sait ? participer à améliorer la qualité variétale du carignan. »
À Chasselay, dans le Beaujolais, Franck Décrenisse profite déjà depuis plusieurs années de la diversité génétique exceptionnelle du gamay. Et pour cause : c’est dans son domaine du Petit Fromentin qu’est implanté le conservatoire national de ce cépage, géré par la Sicarex Beaujolais, un autre partenaire de l’offre Entav Diversité.
Le viticulteur exploite cette parcelle d’1,5 ha au même titre que le reste de son domaine de 17 ha de vignes. Une joyeuse mixité s’y exprime, avec des plants « aux feuilles grandes ou petites, à la pousse droite ou au port retombant, aux baies rondes ou ovoïdes… » En tout, ce conservatoire compte un millier de variants du gamay. Pour le meilleur, selon Franck Décrenisse, qui constate que « dans l’ensemble, cette parcelle a une meilleure résistance aux aléas climatiques que le reste du domaine ».
Depuis 2019, le conservatoire vend chaque année environ une centaine de fagots de sarments de cette parcelle, à des pépiniéristes qui les multiplient. « Actuellement, un viticulteur peut obtenir une sélection massale avec au maximum quelques centaines de plants différents issus de cette parcelle, précise Taran Limousin, ingénieur au pôle Beaujolais-Savoie de l’IFV, chargé du conservatoire. Mais l’offre reste limitée, alors que la demande se développe. »
Franck Décrenisse a accueilli le conservatoire du gamay « afin de sauvegarder la biodiversité, sans aucune idée de ce qu’on obtiendrait. Aujourd’hui, je suis heureux à double titre : il y a toujours au moins une partie des raisins qui mûrit bien, et j’obtiens chaque année un vin d’une grande complexité ». Cette viticulture lui donne toutefois du fil à retordre. « Certains plants de gamay sont incompatibles avec certains porte-greffes. Or, on ne s’en aperçoit qu’au bout de quelques années. »
De telles incertitudes incitent Guillaume Careil, gérant des pépinières Viaud, dans le Val de Loire, à rester prudent. « Il y a assurément un super patrimoine génétique dans les conservatoires, mais sélectionné uniquement pour sa biodiversité. Je ne cache pas ce bémol à mes clients qui veulent des sélections Entav Diversité. »
Une quinzaine de conservatoires, hébergeant au total une cinquantaine de cépages, diffusent pour la marque Entav Diversité des greffons d’une grande diversité génétique et garantis indemnes de viroses.Ces bois sont sélectionnés lors de prospections piétonnes, puis greffés par des pépiniéristes disposant de la licence Entav by IFV & Inrae. À noter que ces plants coûtent plus cher que les plants certifiés, et entrent dans la catégorie standard. À ce titre, leur plantation ne bénéficie pas de l’aide à la restructuration. La liste des partenaires qui diffusent l’offre Entav Diversité et celle des cépages disponibles sont consultables sur le site www.partenaires-selection-vigne.fr.