Sur la rive gauche du Rhône, à Seyssuel, Stéphane Ogier a trouvé « l’âme sœur » de Côte rotie, située à 2,5 km à vol d’oiseau. « Le fleuve forme un angle à 90 ° qui fait revenir les coteaux de Seyssuel sur une très belle exposition Sud-Sud Ouest », présente le vigneron installé depuis 1987 à Ampuis, sur la rive droite, avec des vignes en Côte rotie, Condrieu et Saint Joseph. Pour l’association Vitis Vienna qu’il préside, la reconnaissance en AOC Vienne-Seyssuel, espérée cette année, sera « la réparation d’un oubli de l’Histoire ». Car à l’époque où les AOC ont été créées, ce secteur était à l’abandon : personne n’en a réclamé pour lui.
Il y a plus de vingt-cinq ans, c’est sur l’intuition de trois vignerons – Pierre Gaillard, Yves Cuilleron et François Villard- que commence à renaître le vignoble de Vienne, réputé à l’époque romaine. Ces pionniers y replantent des vignes et créent une société commune : « Les vins de Vienne ». La qualité est là, et d’autres leur emboîtent le pas. D’autant que ces coteaux hors AOC et IGP offrent des opportunités de développement aux jeunes. « A l’époque en Côte rotie, il y avait beaucoup de terrains disponibles mais peu de droits de plantation à cause de la forte demande : nous étions limités à 800 m²/an, retrace Stéphane Ogier. A contrario en vin de France, les jeunes pouvaient planter jusqu’à 7 ha. »
En 2004, il participe à la création de l’association Vitis Vienna avec tous les vignerons ayant planté dans le secteur – surtout de la syrah, un peu de viognier. Elle compte aujourd’hui vingt-cinq domaines adhérents pour une soixantaine d’hectares. Et le vignoble de Vienne-Seyssuel continue d’attirer des vignerons, notamment pour le coût du foncier plus abordable qu’en Côte rotie où il atteint 1,5 million €/ha…
« Il y a dix ans, l’association a entamé les démarches en vue de la reconnaissance en AOC Côtes du Rhône, reprend son président. Vu l’engouement pour ce secteur, il y a une certaine urgence à poser un cadre. Le risque serait de voir arriver des gens ayant une idée différente du métier, ou qui planteraient des vignes sur les terres agricoles du plateau alors que ce sont les coteaux qui sont qualitatifs. Et en tant qu’association, nous n’avons aucun pouvoir de contrôle. »


L'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO) a sorti le zonage l'été dernier, réparti sur trois communes iséroises : Vienne, Seyssuel et Chasse sur Rhône. « Il englobe plusieurs centaines d’hectares à beau potentiel mais tout ne sera pas plantable car certaines zones sont soumises à des réglementations environnementales trop contraignantes », indique Stéphane Ogier, qui imagine que l'appellation ne dépassera pas les 100 ha. « Ces contraintes urbanistiques limitent les espoirs de développement mais ne remettent pas en cause l’obtention de l’AOC, poursuit-il. On l'espère pour le millésime 2025. Et ce n’est qu’une étape vers la reconnaissance en cru. »
Ni lui ni les autres vignerons de Vitis Vienna n’en ont besoin pour vendre leurs vins, qui peuvent aujourd’hui revendiquer l’IGP Collines rhodaniennes. « Presque tous ont des vignes sur la rive droite et trouvent des similitudes avec Côte rotie dans la finesse des tanins, la complexité, la longueur, le côté floral… », décrit Stéphane Ogier. Dans l’expression du vin comme dans son prix, il positionne Seyssuel « plus près de Côte rotie que de Saint Joseph ». Et depuis vingt ans, le succès de sa cuvée « l’âme sœur », produite à Seyssuel, ne se dément pas : « je n’en ai jamais assez », confie le vigneron.