’autres productions que le vin peuvent-elles être des voies de retour à la rentabilité pour le vignoble français ? Ou tout du moins permettre de réguler efficacement l’offre en vins ? C’est l’orientation qu’a prise la table ronde clôturant ce vendredi 17 janvier l’assemblée générale du groupe UDM (Union des distilleries de la Méditerranée). « Comment peut-on stabiliser cette offre face aux énormes fluctuations de productions que nous connaissons ? », pose ainsi Fabien Castelbou, vice-président des Vignerons coopérateurs d’Occitanie.
Rappelant que ces fluctuations de récolte ont pu atteindre jusqu’à 3 millions d'hectolitres pour la région Occitanie ces trois dernières années, Fabien Castelbou souligne « les pertes de parts de marché qu’occasionnent les faibles récoltes ». Pour le coopérateur héraultais, ces marchés sont généralement perdus définitivement et génèrent ensuite une surproduction avec le retour à une récolte normale l’année suivante.
C’est précisément pour répondre à ce jeu de yo-yo que les co-produits de la vigne peuvent représenter une solution, « car dans les faits c’est 5 % de la récolte qui crée les déséquilibres du marché », enchaîne Fabien Castelbou. En régulant rapidement chaque année l’impact de ces 5 %, « nous éviterions la perte de la valeur des 95 % restants, qui sont nos vins sur nos marchés », tranche-t-il.
La production de moût concentré rectifié (MCR) apparaît comme un levier potentiel pour cette régulation. « Pourquoi ne pas faire du MCR un produit valorisant pour le raisin ? C’est d’autant moins de vin produit pour réguler le marché », enchaîne le directeur de la filiale espagnole de GrapSud et UDM Gardovial, spécialisée dans la production de MCR et de sucre de fruits. Le président du syndicat des vins à IGP Pays d’Oc Jacques Gravegeal va dans le même sens en soulignant la « fraude légale » que représente la chaptalisation en France, « soit un million hl de jus en France et 20 millions hl à l’échelle de la production vinicole européenne ». Et de glisser au passage un tacle aux membres de la filière, la Champagne au premier rang, « qui choisissent de privilégier la filière de la betterave et son sucre bon marché plutôt qu’utiliser du MCR d’origine viticole ».
Pour le directeur de Gardovial, le problème n’est actuellement pas pris dans le bon sens par une filière viticole « qui fait ses comptes à l’envers en décidant de l’orientation de sa production selon les fluctuations des prix finaux, alors que c’est le contraire qu’il faut faire ! ». Bernard Navarro suggère ainsi de décider fermement de ces ventilations en amont, quelles que soient les variations de prix des produits finaux, pour assurer une régulation cohérente de l’offre de vins.
Fabien Castelbou veut voir toutes les pistes de co-produits considérées pour agir sur la linéarité de l’offre vins, « mais le MCR et le biocarburant sont les deux axes présentant les meilleures perspectives », pose-t-il. La voie du MCR doit absolument faire l’objet d’une planification avant récolte « pour l’alimenter en continu chaque année, via un organe de gestion globale à imaginer », quand celle du biocarburant peut être ajustée après récolte. Des freins réglementaires restent néanmoins à lever concernant cette orientation biocarburants « en collaboration avec les services de l’état pour une bonne gestion du pilotage de la production ».
Les distilleries se situent donc au carrefour de ces co-productions du vin, mais le président de leur fédération nationale, Frédéric Pelenc, prévient tout de même que si les co-produits peuvent en effet se révéler comme des leviers efficaces de stabilisation du marché du vin, il ne faut pas oublier que leur rémunération restera limitée. « Même pour un alcool de bouche unitairement très bien rémunéré, il faut 100 hl de vin pour produire moins de 10 hl d’alcool fini, ne générant donc pas un revenu élevé au producteur pour le vin fourni », développe-t-il. Jacques Gravegeal considère que ces co-produits doivent être considérés à part entière dans une nécessaire stratégie de hiérarchisation globale des composantes du vignoble. Cette ambition passe néanmoins par un travail conjoint sur l’offre avec des pays majeurs comme l’Italie et l’Espagne. Le chemin peut paraître long.