ous organisez ce 18 janvier de 8h30 à 11h une table-ronde à la mairie de Saint-Genies-de-Malgoirès entre les députés du Gard et les viticulteurs d’Occitanie à la mairie pour alerter sur la situation du vignoble : il y a péril en la demeure ?
Freddy Paulet : Les 6 députés du Gard seront en principe présents. Nos collègues vignerons de l’Hérault et de l’Aude se déplaceront, il y aura du monde, c’est dire le niveau de difficulté partout en Occitanie. L’an dernier, on a réuni tous les députés du département pour commencer à tirer la sonnette d’alarme et leur dire à quelle sauce nous allions être mangés. La situation annoncée, on est en plein dedans. Face au climat et au mildiou on s’est démenés pour arriver au bout vendanges : on a acheté des phytos et du fuel, on a mis des intrants pour ne même pas récupérer la mise de fond. C’est terrible. Alors que l’on a investi sur 5 ans : les crédits sont là et les employés aussi, mais on n’a plus de revenus.
On nous annonce des prix d’achat du vin qui sont dérisoires. Le marché est atone. Le négoce laisse tourner la montre dans l’attente de la grande braderie de mars. Aux vendanges on nous proposait d’acheter le vin de table à 50-60 €/hl. On nous propose un tarif espagnol ! On parle aujourd’hui de propositions à 80-85 €/hl pour du Pays d’Oc haut de gamme. Dans un mois, ça tombera à combien, 65 €/hl ? On n’a plus de revenus, le vin se vend moins cher que de l’eau minérale ! On nous fait baisser les prix, mais ça fait seulement plus de place aux vins espagnols et italiens. Qui n’ont pas les mêmes charges, les mêmes phytos, les mêmes contraintes… Alors que l’on nous a poussé aux certifications bio et Haute Valeur Environnementale (HVE).
Avec l’arrachage définitif en cours, les équilibres entre offre et demande pourraient se rééquilibrer…
L’arrachage ne fera pas plus que le petit millésime. On a récolté 1,2 million d’hectolitres de moins en Languedoc en 2024. Avec une plus petite récolte on a de plus petits prix. La situation est catastrophique. Et ce n’est pas un départ digne d’avoir 4 000 €/ha pour l’arrachage. Si l’on convertit en euros actuels, la première vague d’arrachage à la fin des années 1980 était à 15 000 €/ha. En 2010, on était à 9 500 €/ha*. Pour une vie de travail, 4 000 €/ha n’est pas un départ digne. C’est l’euro symbolique. La viticulture dans nos villages, c’était la base. Bientôt, on n’aura plus qu’une vaste friche des Cévennes jusqu’à la mer. Il ne va rien rester si l’Etat ne prend pas les choses en main. Il va y avoir des drames, des suicides. On a récupéré les propriétés de nos grands-parents et on va tout couler en 2 ans.
Quelles sont vos demandes aux 6 députés RN du Gard : une modification d’Egalim, des aides à la trésorerie, un allégement des taxes sur le Gazole Non Routier (GNR)… ?
Notre première proposition, c’est que les vins qui rentrent en France respectent nos normes de production. L’aberration du système est d’importer des vins espagnols et italiens pour leur mettre des bulles en France qui en font des produits en France. Nous demandons l’harmonisation : qu’ils soient à notre niveau ou que l’on soit à leur niveau, mais que l’on arrête de nous mettre des contraintes supplémentaires.
Ce qu’il nous faut, ce n’est pas un nouveau prêt à taux zéro. On n’arrive déjà pas à rembourser ceux que l’on a… Il faut que l’on nous enlève l’impôt foncier, la Taxe sur le Foncier Non Bâti (TFNB), pas juste un report, une suppression. Il faut que l’on arrête de nous supprimer phytos : on se retrouve dans une impasse. L’anti-oïdium Luna est retiré de la vigne, alors qu’il est encore autorisé en arboriculture et je ne parle même pas des autres pays européens… Autre spécificité franco-française, la Redevance pour Pollution Diffuse (RPD) qui surenchérit énormément les traitements. Le GNR c’est minime, c’est une demande de syndicats. Les phytos ont un coût plus important à la fin de l’année.
En cette période d’élection aux chambres d’agriculture, comment se situe syndicalement votre comité ?
On ne parle pas de ces élections. Notre comité de viticulteurs n’a pas d’étiquette syndicale ou politique. Nous sommes une dizaine de membres actifs sans aucune étiquette. Nous voulons seulement vivre de notre métier. Si demain le vin se vend, vous n’entendrez plus parler de nous.
* : Les archives de FranceAgriMer précisent que la prime dépendait du rendement. Allant de 1 595 €/ha pour un rendement inférieur à 20 hl/ha jusqu’à 13 530 €/ha pour plus de 160 hl/ha, en passant pa 4 620 €/ha à 30-40 hl/ha et 9 460 €/ha pour 90-130 hl/ha.