n tant que praticien aguerri du sujet, quelle est votre vision du débat national sur le vin et la santé ?
Maître Olivier Poulet : Le problème de la consommation d'alcool en France est que l'on est dans une culture de l'anathème de la part des hygiénistes. Dire que l'alcool est responsable de 41 000 morts par an, c'est montrer du doigt les milliers de personnes qui travaillent dans ce secteur et les traiter d'assassins. Une vraie politique d'information sur les dangers et d'éducation [sur la consommation] serait préférable. Et de préférence sans rejeter dédaigneusement toutes les actions des producteurs s'agissant de la mise en avant de la modération.
Depuis 1991 et son entrée en vigueur, la loi Évin connaît-elle récemment des évolutions dans son application par les juridictions ?
Les dernières décisions montrent un durcissement de l'analyse des juges. Ils s'attachent au strict respect des thèmes autorisés d'une part et ils rejettent l'idée d’autre part que si la publicité pour les boissons alcoolisées reste autorisée, cela signifie que d'une certaine façon l'incitation est possible, dans certaines réserves. Maintenant, les juges bannissent toute idée d'incitation, qu'elle soit limitée et responsable ou pas.
Les dossiers sur la communication sur les réseaux sociaux rebattent-ils les cartes où sont-ils dans la lignée des cas habituels ?
Oui ces dossiers rebattent les cartes vers une plus grande sévérité. Par exemple, on pouvait représenter une dégustation lors d'un pique-nique en illustration du mode de consommation. Ce que la décision Meta de décembre 2023 rend impossible.
Les critiques dans la filière vin sur les effets délétères pour la communication et la consommation de cette loi Évin vous semblent-elles justifiées ?
J'ai toujours considéré que la loi Évin n'empêche pas la communication, mais l'encadre et oblige à plus de créativité. Donc pour moi il n’y a pas d'effet délétère sur la communication. Quant à la consommation, celle-ci baisse depuis les années 1960, donc bien avant la loi Evin. Et depuis 1991, la chute de la consommation garde le même rythme. Très honnêtement, je ne pense pas que la loi Évin change quoi que ce soit à la consommation, notamment pour les personnes ayant une consommation excessive. En quoi une personne qui boit trop est-elle freinée par l'encadrement de la publicité ? De même une femme enceinte renonce-t-elle vraiment à boire en voyant le petit logo sur les bouteilles ? Si les hygiénistes veulent faire leur travail, alors qu'ils communiquent vraiment sur les dangers de la consommation.
Comment voyez-vous les demandes de renforcement de la loi Évin par les associations et parlementaires hygiénistes à proximité des écoles et sur internet ?
Encore une fois, c'est un faux débat. Ces renforcements de la loi Evin n'auront aucun effet réel. Mais ce qui m'inquiète vraiment, c'est que je vois poindre une volonté de mettre l'alcool sur le même plan que le tabac. Avec une vision axée uniquement sur une problématique de santé publique sans prendre en compte la vraie dimension culturelle. Qui existe bel et bien, quoi qu'en pensent les hygiénistes. Et cela me conduit à penser que si on s'inspirait des pays où une vrai politique d'éducation est mise en place, on aboutirait à de vrais résultats. Passons du "dry january" à une consommation intelligente de produits de qualité.