menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Gens du vin / Comment la filière vin doit se défendre contre l'hygiénisme
Comment la filière vin doit se défendre contre l'hygiénisme
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Vin et santé
Comment la filière vin doit se défendre contre l'hygiénisme

En 2018, la revue britannique "The Lancet" affirmait qu’il n’existe aucun niveau de consommation d’alcool sûr pour la santé, battant en brèche le discours positif lancé par le Paradoxe français. Le docteur Laura Catena a décidé de prendre son bâton de pèlerin pour armer les professionnels contre la désinformation qui est en train d’effacer l’effet de halo autour du vin.
Par Sharon Nagel Le 12 décembre 2024
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Comment la filière vin doit se défendre contre l'hygiénisme
Le Dr Laura Catena a développé un site internet pour que les professionnels et amateurs puissent se défendre contre les attaques infondées contre le vin - crédit photo : Catena Zapata
«

 In Defense of Wine », c’est le nom que le docteur Laura Catena a donné à son site internet lancé il y a quelques mois, et qui fait écho à une tribune dans le New York Times où le critique Eric Asimov a défendu le patrimoine culturel du vin face aux attaques. « La tribune était magnifique, mais Eric Asimov a évité d’évoquer les aspects sanitaires du vin. J’ai donc décidé qu’il fallait le défendre aussi du point de vue scientifique ». A la tête du domaine familial argentin Catena Zapata, Laura Catena partage son temps entre l’Argentine et la Californie, où elle a exercé comme médecin urgentiste pendant 27 ans. « J’ai décidé de lancer mon site parce que je voyais qu’on s’appuyait sur des informations scientifiques erronées pour attaquer ce beau produit qu’est le vin, un produit auquel beaucoup de gens dans le monde sont attachés ».

Une boîte à outils pour professionnels et amateurs

L’idée était de recueillir les études irréprochables sur les effets du vin sur la santé, y compris d’éventuels effets négatifs, afin de « donner les outils à tous ceux qui veulent défendre le vin mais ne savent pas comment s’y prendre ». Dans une tribune parue dans le magazine américain SevenFifty Daily intitulée « Là où les gros titres se trompent sur l’alcool et la santé » (voir encadré pour le texte traduit en intégralité), Laura Catena détaille point par point la vérité scientifique derrière les affirmations colportées par les lobbies anti-alcool.

Il faut dire que le déluge d’articles négatifs publiés dans des journaux grands publics à la réputation sérieuse paraît parfois rédhibitoire. « Les journalistes ne sont pas formés pour rédiger des articles à caractère scientifique et s’en remettent le plus souvent à des référents anti-alcool, qui ne sont pas eux-mêmes les personnes les plus qualifiées en la matière. Leur vision est donc très étroite, ce qui est choquant », pose Laura Catena, qui s’est donné comme mission de répondre aux affirmations erronées publiées dans la presse. Ce n’est pas uniquement le grand public qui est induit en erreur par cette désinformation : « J’ai bien peur que beaucoup de médecins, qui n’ont pas le temps d’approfondir les informations, s’en trouvent influencés ».

Comment en est-on arrivé là ?  

Lorsque le docteur Serge Renaud paraissait à la télévision américaine en 1991 pour présenter le "French Paradox", il s’en est suivi un engouement sans précédent en faveur du vin rouge en particulier. « Le French Paradox a créé un effet d’émulation – je consomme du vin parce que tout le monde en consomme – mais aujourd’hui cette tendance s’est inversée », déplore Laura Catena, diplômée des universités prestigieuses de Stanford et de Harvard. Derrière cette inversion de tendance, plusieurs facteurs sont à l’œuvre : « Je pense qu’on assiste à une certaine correction. Peut-être y avait-il une réaction exagérément positive au French Paradox, où les gens estimaient qu’ils pouvaient boire autant qu’ils voulaient, puisqu’il y avait des effets bénéfiques. Le Covid a également encouragé une consommation excessive ». De façon plus sournoise, l’argent est le nerf de la guerre : « Tous ces organismes de recherche ont épuisé leurs moyens financiers. La lutte contre le tabac est terminée, ils ont besoin de fonds. S’ils parviennent à comparer l’alcool au tabac, toute une cascade de taxes et de financements publics suivent. De plus, si vous affirmez que tout alcool est mauvais, y compris en modération, vous pouvez obliger le secteur lui-même à payer ».

La science est avec nous

Pour Laura Catena, le secteur n’est d’ailleurs pas totalement irréprochable. « A mon sens, nous ne nous sommes pas suffisamment préoccupés des méfaits de l’alcool. Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’eau pendant les dégustations par exemple ? Nous devons nous montrer plus compréhensifs également envers les gens qui ne souhaitent pas boire. On ne juge pas les végétariens, alors pourquoi juge-t-on ceux qui souhaitent s’abstenir de boire ? Si cette vague négative provoque une prise de conscience parmi les professionnels, j’estime que ce sera une bonne chose ». Ce qui n’enlève en rien les effets bénéfiques d’une consommation modérée de vin sur la santé : « Nous sommes dans une position privilégiée, car la science est avec nous. Cela pourrait être le contraire, mais il s’avère que la science nous soutient et nous devons la défendre », martèle Laura Catena, qui croit en la capacité de la filière à rétablir l’équilibre et la vérité : « Ce défi a l’air insurmontable car on dirait qu’il y a un lobby immense soutenu par l’OMS. Mais toute ma vie, j’ai observé que des gens passionnés peuvent changer le monde ».

Là où les gros titres se trompent sur l'alcool et la santé

La vigneronne et médecin Laura Catena soutient que les récents messages anti-alcool sont basés sur des sciences non concluantes et une idéologie prohibitionniste.

Pendant les trois décennies que j’ai passées en tant que médecin urgentiste en Californie, j’ai été témoin d’accidents tragiques causés par la conduite en état d’ivresse et j’ai traité d’innombrables patients pour intoxication alcoolique et sevrage, ainsi que de nombreuses autres maladies liées à l’alcool. J’ai vu de mes propres yeux les impacts désastreux de l’abus d’alcool.

J’ai également pris soin de lire chaque article scientifique publié sur l’alcool et la santé. En tant que membre d’une famille de vignerons d’une histoire centenaire et médecin formée à Stanford, je voulais être capable de répondre de manière véridique et impartiale aux questions concernant les niveaux de consommation d’alcool sans danger.

Comprendre la science derrière les effets de la consommation d’alcool est crucial pour les nombreux buveurs à travers le monde, moi y compris, qui prennent plaisir à savourer un ou deux verres de vin lors du dîner—une tradition vieille de 8 000 ans dans certaines régions du monde.

Mon point de vue actuel est partagé par de nombreux médecins, scientifiques et chercheurs en santé publique ayant des décennies d’expertise dans ce domaine. Prenez les propos mesurés du Dr Gregory Marcus, cardiologue et professeur de médecine à l’Université de Californie à San Francisco, qui a déclaré en septembre sur KQED’s Forum, à propos de la consommation modérée d’alcool : « Les preuves actuelles sur la santé et les dommages sont assez équilibrées. »

Bien qu’il y ait un consensus clair sur le fait que la consommation excessive et la « biture express » soient très nocives, un groupe de scientifiques—dont certains ont reçu des financements d’organisations prohibitionnistes—fait des déclarations générales, comme celle publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en janvier 2023, affirmant qu’« aucun niveau de consommation d’alcool n’est sûr » pour notre santé. Ces déclarations ne tiennent pas compte des nuances des données et font fi de décennies de recherches publiées dans des revues réputées montrant des effets protecteurs cardiovasculaires pour les buveurs modérés. Ces nuances ne figurent pas dans les récents articles alarmistes des médias, qui citent principalement des chercheurs anti-alcool plutôt qu’une diversité d’experts pertinents sur le sujet.

 

En juillet, j’ai créé « In Defense of Wine » (En défense du vin)—dont le nom s’inspire d’un article du critique en vin du New York Times, Eric Asimov—comme une ressource en ligne apportant des informations crédibles et basées sur la science sur les effets de la consommation faible à modérée d’alcool. Je m’inquiète du fait que la désinformation concernant les véritables risques de la consommation légère à modérée puisse pousser les gens à ignorer les recommandations ou à renoncer inutilement à quelque chose qui leur procure du plaisir et dont il n’a pas été prouvé qu’il soit nocif. Ici, je souhaite expliquer pourquoi nous devons abandonner l’idée qu’aucun niveau de consommation d’alcool n’est sûr et donner aux gens les outils nécessaires pour qu’ils puissent se faire une opinion, en consultation avec leur médecin traitant.

 

Les effets cardiovasculaires de la consommation faible à modérée d'alcool

La communauté scientifique utilise un indicateur appelé facteur d'impact pour évaluer la pertinence des revues scientifiques. The Lancet a un facteur d'impact de 98,4, l’un des plus élevés en médecine, ce qui rend son étude de 2020 sur la Charge Mondiale de Morbidité (publiée en 2022) particulièrement importante.

« Pour les adultes de plus de 40 ans, les risques pour la santé liés à la consommation d’alcool varient selon l’âge et la région, » déclarent les auteurs de l’étude. « Consommer une petite quantité d’alcool pour les personnes de ce groupe d’âge peut apporter certains bénéfices pour la santé, comme réduire le risque de maladies cardiovasculaires, d’accidents vasculaires cérébraux et de diabète. » Cette déclaration est étayée par des décennies de recherches observationnelles qui montrent de manière constante que les buveurs modérés bénéficient d’effets cardio-protecteurs et d’une réduction de la mortalité. (La définition de consommation modérée varie légèrement selon les études, mais elle correspond généralement à un à deux verres par jour, avec quelques jours sans alcool dans la semaine.)

Ces effets cardio-protecteurs sur le corps humain ont un fondement scientifique logique : ils suivent le principe selon lequel lorsqu’un mécanisme explique un certain résultat, il est plus probable que ce résultat soit vrai. Des études sur les cellules, les animaux et les humains ont démontré que l’alcool peut augmenter le « bon cholestérol » (HDL) et réduire le type de formation de caillots qui provoque les crises cardiaques et les AVC emboliques (en somme, l’alcool agit comme un « destructeur de caillots »). Des données solides montrent également que la consommation modérée d’alcool réduit les niveaux moyens de sucre dans le sang et diminue le risque de diabète, ce qui est une autre explication potentielle des effets cardio-protecteurs de l’alcool modéré, le diabète étant un facteur de risque connu pour les maladies cardiovasculaires. (Cependant, bien que la consommation d’alcool soit associée à une diminution des crises cardiaques, elle peut, chez certaines personnes, augmenter le risque de certaines arythmies comme la fibrillation auriculaire. Il est donc toujours nécessaire d’évaluer les risques personnels avec votre médecin.)

Malgré ce catalogue solide de preuves scientifiques, les effets cardio-protecteurs de l’alcool modéré ont été rejetés et attaqués par des groupes dont les messages anti-alcool sont largement relayés dans les médias grand public en vue. Cependant, lorsqu’on examine ces études de plus près, elles ne révèlent souvent pas toute la vérité. Par exemple, une analyse de 2023 publiée dans le JAMA Network et souvent citée dans des articles comme « How Red Wine Lost Its Health Halo » (Comment le vin rouge a perdu son aura de santé) dans le New York Times, ne montre pas de dommages statistiquement significatifs liés à la consommation modérée d’alcool. Même cette étude conclut que les risques de mortalité liés à l’alcool commencent à augmenter pour les femmes à 1,8 verre par jour et pour les hommes à 3,2 verres par jour, des quantités qui dépassent les directives françaises, britanniques et américaines.

Une autre étude souvent citée dans ces articles a été publiée cette année dans le Journal of Studies on Alcohol and Drugs—dont le facteur d'impact est de 2,4 comparé à 98,4 pour The Lancet—et propose une réinterprétation de données déjà publiées, tout en prétendant réfuter les effets cardio-protecteurs de l’alcool modéré. Les chercheurs—parmi lesquels Tim Stockwell et Tim Naimi, qui reconnaissent tous deux avoir accepté des financements d’organisations anti-alcool—commencent avec 3 248 études pertinentes et réduisent leur sélection à six en éliminant, par exemple, des études importantes sur les habitudes de consommation, pour conclure que l’alcool consommé modérément n’a pas d’effets cardio-protecteurs. Plus problématique encore, les articles de référence sont mal répertoriés, ce que Stockwell a reconnu lors d’une interview. Après examen, trois des six études choisies comme étant sans biais montrent en réalité une association entre une mortalité plus faible et la consommation modérée d’alcool—également connue sous le nom de courbe en J.

 

Qu'en est-il de l'alcool et du cancer ?

Il ne fait aucun doute qu’à de fortes doses ou en cas de consommation excessive, l’alcool augmente le risque de plusieurs types de cancers, de maladies cardiovasculaires, de troubles mentaux, de démence et d’accidents.

À haute dose, l’alcool est un cancérogène reconnu. Lorsque vous buvez de manière excessive, l’alcool peut dépasser la capacité naturelle de traitement de votre foie. Dans cet état, le foie ne parvient pas à éliminer rapidement les sous-produits nocifs tels que l’acétaldéhyde. Dans le cas du cancer du sein, même à une unité d’alcool par jour, il existe un potentiel d’augmentation du risque de cancer de 1,1x, qui pourrait être lié à une production accrue d’œstrogènes induite par l’alcool. Cela ferait passer le risque de développer un cancer du sein sur la durée d’une vie d’environ 12 % pour une femme type à environ 13,2 %. Pour une femme de 60 ans, dont les chances de mourir de causes cardiovasculaires sont environ dix fois supérieures à celles de mourir d’un cancer du sein, l’équilibre des effets sur la santé conduit la plupart des médecins à ne pas recommander une abstention complète.

Souvent omis, de nombreuses études examinant l’alcool et le cancer ont montré une réduction de certains types de cancers associés à une consommation modérée (par exemple, thyroïde, rein et certaines hémopathies malignes), bien que le mécanisme reste inconnu. En ce qui concerne les 40 % de risques de cancer liés à des facteurs de risque modifiables, une étude récente aux États-Unis a révélé que près de 20 % étaient liés au tabac, près de 15 % à un excès de poids corporel, des habitudes alimentaires malsaines et un manque d’activité physique, 8 % à une exposition aux rayons ultraviolets et à certaines infections, et un peu plus de 5 % à l’alcool, incluant les grands buveurs. Parmi les nombreuses choses qu’un consommateur d’alcool peut faire pour réduire son risque de cancer, il pourrait suivre le régime méditerranéen (qui inclut la consommation modérée de vin), car il a été associé à une diminution de l’incidence du cancer et des maladies cardiovasculaires. Les femmes qui consomment de l’alcool pourraient atténuer leur risque de cancer du sein en augmentant leur consommation de folate (en quantité disponible dans un complément multivitaminé quotidien).

 

Les effets de l'alcool sur le corps humain sont larges et complexes

Les effets complexes de l’alcool sur le corps humain ont été étudiés dans de nombreuses recherches, avec des résultats variés et nuancés. Par exemple, The Journal of Prevention of Alzheimer’s Disease a révélé qu’une consommation modérée et régulière d’alcool était associée à de meilleures fonctions exécutives globales et à une meilleure mémoire visuelle chez les personnes âgées, même après avoir pris en compte plusieurs variables liées à la santé et au mode de vie. Des études menées sur des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ont également rapporté des bénéfices potentiels liés à une consommation faible à modérée d’alcool.

En ce qui concerne la réduction du stress, une étude de 2023 menée par Harvard a constaté que les consommateurs faibles à modérés d’alcool présentaient une réduction significative de l’activité de l’amygdale—le centre de gestion du stress « combat ou fuite » du cerveau. Les effets cardio-protecteurs associés étaient encore plus marqués chez les personnes ayant reçu un diagnostic d’anxiété.

Étant donné la prévalence de la consommation d’alcool dans le monde entier, ainsi que l’importance culturelle de cette pratique dans de nombreuses communautés, il est essentiel que la recherche continue d’explorer les effets globaux de l’alcool sur le corps humain et que ces messages soient communiqués de manière claire au grand public.

 

Notre communication sur l'alcool et la santé est faussée

Ce message nuancé ne parvient cependant pas à se faire entendre dans le flot d’articles récents sur l’alcool et la santé. En examinant une publication de l’OMS de 2023 intitulée "Reporting About Alcohol: A Guide For Journalists" (Rendre compte de l’alcool : un guide pour les journalistes), la première chose qui me surprend est qu’un des contributeurs du document travaille pour une organisation prohibitionniste reconnue, Movendi International.

Une analyse approfondie du document révèle que certaines sources citées ne soutiennent pas les affirmations du texte. Le rapport affirme : « Bien que plusieurs études passées aient suggéré que la consommation modérée pourrait, en moyenne, promouvoir des bénéfices pour la santé, des recherches plus récentes montrent que ces études utilisaient des méthodologies limitées et que beaucoup d’entre elles étaient financées par le secteur de l’alcool. » Pourtant, une source citée dans le document contredit directement cette affirmation. Une analyse de 2020 portant sur 386 études observationnelles évaluant la consommation modérée d’alcool et la santé a montré que près de 95 % des études étaient financées de manière indépendante. Parmi les quelques études financées par le secteur de l’alcool, l’analyse n’a trouvé aucune association entre la source de financement et les résultats sur la santé, concluant qu’il n’y avait pas de biais lié au financement.

L’affirmation du guide de l’OMS niant les qualités cardio-protectrices de l’alcool n’est pas étayée par ses propres références. Le rapport déclare : « Il n’y a pas de bonnes preuves pour le mythe omniprésent selon lequel consommer du vin rouge aide à prévenir les crises cardiaques. » Cependant, l’étude de 2018 citée dans The Lancet le contredit directement : « ...une consommation accrue d’alcool était associée de manière log-linéaire à un risque réduit d’infarctus du myocarde [crise cardiaque]. » Cette même étude a conclu que « le seuil de risque le plus faible de mortalité toutes causes confondues » était d’environ 100 grammes d’alcool par semaine, ce qui équivaut à un verre de 150 ml de vin à 12 % d’alcool par jour. Même cette analyse suggère qu’une consommation quotidienne limitée à une portion ne pose aucun risque global pour la santé.

L’annexe supplémentaire de 48 pages de cette étude de The Lancet de 2018 révèle une image encore plus favorable pour la consommation modérée. Les personnes qui n’ont jamais bu avaient une mortalité toutes causes confondues nettement plus élevée que celles consommant un ou deux verres par jour. Parmi ceux qui répartissaient leur consommation sur plusieurs jours par semaine, la mortalité était même plus faible pour ceux qui consommaient jusqu’à 200 grammes d’alcool par semaine (l’équivalent de deux verres par jour) que pour les buveurs occasionnels. Les données de l’annexe ont également montré de meilleurs résultats de santé pour les buveurs de vin par rapport aux buveurs de spiritueux, un détail qui n’a pas été reflété dans l’article principal. La chercheuse Eva Schernhammer de l’Université Médicale de Vienne a soumis un commentaire indiquant que les résultats de l’annexe, s’ils avaient été inclus dans l’article principal, auraient changé le message : « Les gros titres auraient alors pu ressembler à ceux d’il y a un an : 'Un verre de vin ou une pinte de bière par jour peut aider les gens à vivre plus longtemps, selon une nouvelle recherche.' »

Lorsque des institutions respectées comme l’OMS publient des rapports contenant des informations trompeuses, il n’est pas surprenant de voir un flot de gros titres relayant le message « aucun niveau n’est sûr ». Tout au long du guide de l’OMS et dans plusieurs articles récents de la presse grand public sur le sujet, on observe une tendance à mélanger des déclarations sur les risques de la consommation faible à modérée avec des affirmations générales sur les dangers de l’alcool. Le lecteur reste avec une impression unilatérale selon laquelle toute consommation d’alcool présente des risques importants pour la santé. Si nous faisons une comparaison avec la conduite automobile, ce serait comme examiner les statistiques de décès liés à l’excès de vitesse et à la conduite agressive pour tirer des conclusions sur la conduite sûre.

 

Une question de méthodologie

Au cours des deux dernières décennies, les chercheurs ont justement remis en question les méthodologies des anciennes études sur l’alcool et la santé. Certaines de ces études n’ont pas distingué entre les personnes qui n’ont jamais bu, les anciens gros buveurs et ceux qui ont arrêté de boire en raison d’une maladie (sick-quitters) dans leurs groupes de contrôle. Cette leçon importante a conduit à l’amélioration des protocoles de recherche pour les études menées au cours des deux dernières décennies. Ces nouvelles études, mieux conçues, montrent encore des effets cardio-protecteurs pour une consommation limitée d’alcool, ce qui explique pourquoi des publications réputées et à fort impact comme The Lancet (2022), le Journal of the American College of Cardiology (2017, 2023), Circulation (2017) et les Mayo Clinic Proceedings (2021) continuent de publier des articles soutenant les effets cardio-protecteurs d’une consommation faible à modérée, en particulier avec les repas.

Le problème réside en partie dans le fait que de nombreuses études sont observationnelles. Avec les données observationnelles, il peut exister de nombreux facteurs de confusion (variables fournissant des explications alternatives aux résultats) ; par conséquent, une association ne peut être interprétée comme une causalité, qu’elle soit positive ou négative pour la santé. Cela s’applique également aux études sensationnelles basées sur la randomisation mendélienne (utilisant les variations génétiques pour examiner l’effet causal d’une exposition sur un résultat) où les facteurs de confusion peuvent également rendre les résultats discutables. Une grande étude randomisée contrôlée—le standard d’excellence pour établir une causalité qui est couramment utilisée pour évaluer les médicaments—n’a jamais été réalisée sur l’alcool et la santé.

La bonne nouvelle pour les amateurs de vin à travers le monde, c’est que des réponses arrivent. Une grande étude randomisée contrôlée sur 10 000 patients est actuellement en cours en Espagne, avec des résultats attendus dans cinq ans. La moitié des patients, qui suivent normalement un régime méditerranéen, continuent de boire du vin modérément, tandis que l’autre moitié s’abstient complètement d’alcool. Bien que ce soit un progrès, il sera difficile d’extrapoler les résultats à d’autres régimes alimentaires, sauf si une étude randomisée contrôlée est menée dans un groupe diversifié de pays avec des populations et des pratiques culturelles variées autour de l’alcool et de l’alimentation.

Il est essentiel de souligner que toutes les consommations excessives d’alcool nuisent à la santé et annulent tout bénéfice potentiel d’une consommation faible à modérée. Aux États-Unis, selon les Centers for Disease Control, six pour cent des Américains boivent de manière excessive et 17 pour cent font des excès ponctuels (binge drinking). Parmi les Américains qui consomment de l’alcool (plus de la moitié de la population en âge de boire), beaucoup adoptent un mode de consommation nocif, ce qui doit être abordé. Les données montrent également clairement que les jeunes consommateurs d’alcool et les mineurs ont un risque beaucoup plus élevé de développer un trouble lié à la consommation d’alcool plus tard dans la vie. Il est donc indispensable que les responsables de la santé publique, les gouvernements, les professionnels de santé et le secteur de l’alcool fassent tout leur possible pour prévenir la consommation d’alcool chez les jeunes.

Le secteur de l’alcool dans son ensemble doit contribuer à réduire les dommages liés à l’alcool. Nous devons accepter de ne pas servir de personnes en état d’ivresse, offrir de l’eau en abondance—comme me l’a appris mon père : un verre d’eau pour chaque verre de vin—et toujours avoir des crachoirs individuels disponibles, même dans les restaurants raffinés et les dégustations. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une personne peut choisir de ne pas boire, et nous devons créer un environnement accueillant et bienveillant pour les non-buveurs dans nos communautés sociales et professionnelles. Il est aussi important de proposer des alternatives sans alcool, pour permettre aux gens de prendre quelques jours de pause s’ils souhaitent réduire leur consommation, et d’encourager nos collègues qui ont arrêté de boire, quelle qu’en soit la raison.

L’OMS appelle à une meilleure éducation sur les risques de cancer liés à la consommation d’alcool, incluant peut-être des avertissements sanitaires sur les étiquettes des bouteilles d’alcool. Peu s’opposeraient à une meilleure information du public concernant la santé. Mais en équilibrant les effets cardio-protecteurs (positifs) avec les risques potentiels de cancer (négatifs), nous arrivons à une réponse nuancée à la question de la consommation modérée d’alcool et de la santé, du moins pour les personnes de plus de 40 ans, qui sont les plus à risque de maladies cardiovasculaires. Il semble alors raisonnable que la qualité de vie gagnée grâce à une consommation faible à modérée puisse être jugée supérieure aux risques potentiels. Et des déclarations générales sur les dangers de l’alcool, qui ne font pas la différence entre une consommation modérée et excessive, désinformeraient le consommateur.

Je crois que les positions telles que « aucun niveau n’est sûr » ou « deux verres par semaine » sont fondées sur une science non concluante et une idéologie prohibitionniste. Si elles deviennent dominantes, les comités d’éthique gouvernementaux et les institutions de recherche pourraient cesser d’approuver les recherches sur l’alcool. Cela pourrait empêcher le public d’obtenir une réponse définitive sur l’impact de l’alcool sur la santé, une question pourtant cruciale pour de nombreuses personnes qui boivent modérément. 

Le vin aide à rassembler les gens et sublime le plaisir des repas ; il a une longue histoire en tant qu’inspiration pour les amoureux et les artistes, et en tant qu’élément clé des célébrations et des occasions sociales. Son impact positif ne devrait pas être négligé.

 

Traduction en français avec l’aimable autorisation de SevenFifty Daily

 

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (2)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
Alexis Sabourin Le 13 décembre 2024 à 12:40:27
Passionnant ! Donc les lobbies anti-vin sont financés par la filière viticole ? Quelle injustice ! Et ils le font en utilisant des arguments trompeurs... Donc le contribuable paie pour financer des institutions malhonnêtes. Avis au prochain Premier ministre : voilà une bonne idée de coupe budgétaire et d'économies pour le prochain budget de l'Etat ! Et il n'y aura personne dans la rue pour ça.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Stéphane Boutiton Le 12 décembre 2024 à 10:21:11
Nous pourrions commencer par expliquer la différence entre un vin et un spiritueux (Gin, vodka, whisky...) Le vin est une boisson issu de la fermentation du raisin, qui produit de l'alcool (env.13°) Un spiritueux (Gin, vodka, whisky...) est un alcool pur (96° suivant l'alambic) / réduit, issu de la distillation de céréales, vin, cidre,... Donc, pour simplifier, le vin est une boisson qui contient de l'alcool (entre autre), un spiritueux est un alcool pur.
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDD Château de La Rivière
Vaucluse - CDI PUISSANCE CAP
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Gens du vin
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé