Exilé sur le sol au milieu des huées » comme l’écrit Charles Baudelaire, le label gouvernemental Haute Valeur Environnementale (HVE) affiche un nouveau tassement de ses conversions. Toujours aussi discrètement, le ministère de l’Agriculture vient de publier le recensement au premier janvier 2024 des exploitations labellisées : 38 351 agriculteurs, soit une timide hausse de 2,6 % par rapport au premier juillet 2023 (pour +994 exploitations, 6 fois moins qu’il y a 6 mois). Un sacré coup dans l’aile, alors que le label officiel affichait encore +21 % au premier janvier 2023 (par rapport au premier juillet 2022), au moment où entrait en vigueur le nouveau référentiel décrié du label (la quatrième version depuis sa création en 2012, tandis que les exploitations labellisées sous la troisième version de 2016 restent certifiées jusqu’au premier janvier 2025). Reconnaissant que « cette augmentation est ralentie » en 2024, le ministère préfère voir le verre à moitié plein en soulignant que 9 028 exploitations agricoles sont labellisées avec la quatrième version du cahier des charges HVE, en hausse de 169 % par rapport au premier juillet 2023.
Représentant désormais 61 % des exploitations certifiées (-2 points en six mois), la viticulture réunit 23 542 exploitations HVE pour 626 057 hectares au premier janvier 2024. Soit +0,6 % et +0,2 % en 6 mois : loin des croissances à deux chiffres auxquelles la certification s’était habituée (comme +24 % en janvier 2022), alors que la vigne est le soutien historique de la démarche (dont le logo a été lancé en 2014 sur le salon parisien des Vignerons Indépendants). Dans le détail, des régions viticoles affichent même des replis inhabituels dans leur nombre de certifiés : -93 en région Auvergne Rhône Alpes (qui rassemble au total 6 % des vitis HVE), -34 labélisés en Nouvelle-Aquitaine (17 % des vitis HVE), -18 en Centre Val de Loire (2 %), -16 en Bourgogne France Comté (3 %).
Ces contre-performances forment un coup dur, mais pas une surprise pour Jean-Jacques Jarjanette, le président de l’association de défense de HVE. « C’est en ligne avec ce qui était prévu : il n’y a pas d’effondrement immédiat, comme ceux précédemment certifiés le sont jusqu’au premier janvier 2025. Si les aménagements pratiqués ont parfois adouci les choses, cela va se dégrader » indique le vigneron champenois, pointant « l’effet de ciseau du durcissement de la démarche et un refus de mettre en place une communication pour en améliorer la notoriété ».
Alors qu’un vent de défaitisme souffle dans le vignoble, où l’on entend que HVE a été abandonné par les pouvoirs publics face aux critiques répétées de la filière bio (et une attaque en justice), Jean-Jacques Jarjanette se veut optimiste : « rien n’est perdu. Le besoin d’avoir une certification mettant en avant les efforts environnementaux, sans pour autant aller vers les prix de revient du bio, existe toujours. C’est encore plus vrai qu’hier. L’intérêt de la démarche est parfaitement compris par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Je fais confiance au bon sens. Il faut que des décisions soient prises. »


Pour le président de l’association HVE, ce serait folie de gâcher le potentiel de la certification conventionnelle : « il suffirait de pas grand-chose, il suffirait d’un signe » ajoute-t-il. Plus qu’un air de Jean-Jacques Goldman, Jean-Jacques Jarjanette attend « de la communication sur la démarche, avec un budget public, et de travailler filière par filière sur des aménagements techniques, pour redonner de la souplesse et faciliter l’accès à la certification. Aujourd’hui, il y a une désespérance, c’est clair, de beaucoup de gens qui y ont cru. Mais on sait ce qu’il faudrait faire pour que les producteurs ne perdent pas espoir en montrant que l’on croit en la démarche. » Mais si l’on ne change rien, rendez-vous dans 6 mois pour voir si les prédictions de tassement/repli se confirment. Et alors poursuivre le poème de Charles Baudelaire appliqué à la déchéance de HVE : « lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ».