l soufflait un petit air de Ray Ventura sur la visioconférence de presse de l’interprofession SudVinBio ce mercredi 4 décembre : « tout va très bien, madame la marquise » semblaient fredonner les intervenants de la présentation bien huilée de la prochaine édition du salon Millésime Bio (27 au 29 janvier prochains à Montpellier). Devant le plateau des surfaces de vignes (12 000 ha pour la France en 2023, dont 3 400 ha en Occitanie) et volumes de vin (171 300 hectolitres nationalement, dont 58 800 hl en Occitanie) certifiés bio amorcé depuis 2021 (après 5 années de folle croissance), Nicolas Richarme, le président de SudVinBio, défend une vision positive, évoquant une tendance toujours en « croissances modérée », à rebrousse-poil de la vision de gel des conversions faute de débouchés. Pour le vigneron du Gard, les producteurs convaincus se sont convertis et que pour le reste « tous les vignerons n’ont pas l’envie ou les compétences techniques ou les trésoreries nécessaires pour la conversion bio ».
Rien d’inhabituel ou même d’inattendu pour Nicolas Richarme : « ça a toujours fonctionné comme ça, par pallier. Il y a beaucoup de conversions et de volumes qui arrivent sur le marché, il faut du temps d’adaptation pour les absorber. » Même commercialement, le ressenti sur le terrain de difficultés d’écoulement semble être minimisé par SudVinBio : « le vin bio tire » indique son président, estimant que le « vin bio va plutôt bien ». S’il concède que l’« on ne va pas nier qu’il y a un décalage entre production et mise en marché », il met en avant « la progression des volumes [commercialisés], qui ne va pas aussi vite que les conversions » mais « on arrive à commercialiser du vin bio ». Les vins bio dégageant leur valeur à l’export (38 %) et en vente directe (31 %), la baisse des ventes en Grande Distribution aurait « peu d’impact » pour Nicolas Richarme. Comptant pour 8 % de la valeur générée par la vente totale des vins bio, la GD représente cependant 23 % des volumes des vins bio vendus en France.


Interrogé par Vitisphere sur ce différentiel entre discours rassurants et réalité inquiète, Nicolas Richarme précise que « le marché du vin bio n’est pas à l’équilibre. Il y a beaucoup plus d’offre que de demande. Ça créé évidemment ce ressenti dans la plaine, chez les vignerons. Mais on ne peut pas nier les chiffres qui sont positifs des évolutions de vente en volume et de chiffre d’affaires » (1,6 milliard €, +7 % en 2023). Déclarant ne pas ignorer « les réalités économiques très difficiles », Jeanne Fabre, la présidente de la commission Millésime Bio de SudVinBio pointe que « les jeunes s’investissent plus en bio qu’ailleurs (avec 50 % des installations qui se convertissent bio) parce qu’il s’agit aussi d’un projet d’une vie, pas seulement de production d’une denrée à valoriser sur un marché. Quand on parle de ressenti, ils veulent continuer de croire que leur projet de vie fonctionne et qu’il a un avenir. C’est non discutable, après ça ne veut pas dire que cela va être facile ».
Cette foi dans le modèle du vin bio est chiffrée par une enquête du salon Millésime Bio auprès de ses 1 250 exposants. 200 vignerons en caves particulières ont répondu cette rentrée, affichant un indice de confiance dans l’avenir des vins bio de 5,8/10, quand ils donnent 4,6/10 à l’avenir du vin en général. Une confiance relative, sans « optimisme échevelé » analyse Jeanne Fabre, qui relève les enjeux de conquête de marché et les défis climatiques qui pèsent sur le moral vigneron. Ce qui n’empêche pas les sondés de donner un avantage aux vins bio pour l’avenir, imaginant une croissance de la consommation de vin AB dans les 10 ans (31 % en France et 40 % dans le monde) alors que l’ensemble de la filière serait plus en repli (71 % de baisse prévue en France et 31 % dans le reste du monde).


Pour l’avenir, les sondés voient également des gisements de croissance dans la vente directe et l’export. Avec de nouveaux marchés comme les monopoles indique Jeanne Fabre, appelant plus généralement « à conquérir des circuits de distribution sous employés comme la GD ». Même avec les reculs actuels, « la GD n’est surtout pas à négliger » confirme Nicolas Richarme, pour qui cela « va faire partie des principaux débouchés si l’on veut commercialiser tous les volumes après les conversions massives de ces dernières années ». Encore faut-il que le marché du vin en vrac soit valorisé, ce qui n’est pas gagné. N’étant pas pour l’arrachage de vignes bio, Nicolas Richarme préfère « le déclassement des vins bio en conventionnel pour ne pas parasiter le marché. Vendre du vin bio à prix bio oui. Vendre du vin bio au prix du conventionnel non. »
Il s'agirait donc de tenir et faire le dos rond pour que le vin bio entame un nouveau cycle dans un marché valorisant ses engagements d'avenir. Avec ses collégiens, Ray Ventura chantait que « quand pour soi, on a tous les atouts,
On n'a pas le droit d'hésiter. »