es rendements ? En chute libre. Les doses de cuivre ? En forte hausse. Les cadences de traitement : record. Le moral ? En berne, comme le marché. Voilà les faits saillants du millésime bio 2024 en Auvergne Rhône Alpes, qui se dégageaient du tour de table des conseillers viticoles (chambres d'agriculture, Gab, cave coopérative) réunis le 22 novembre à Villefranche-sur-Saône. Avec quelques variantes locales (répartition et intensité de certains symptômes, épisodes de grêle ou gel...), ils racontaient comment, d'un bout à l'autre de la région, les viticulteurs bio ont lutté contre les maladies - parfois en vain.
Avec des cumuls de pluies inédits, la pression du mildiou a atteint des niveaux record. « Tous les mois étaient au-dessus des normales de précipitations, rappelle Floriane Fagot-Revurat, de la Chambre d'Agriculture du Rhône, alors que Condrieu a reçu 902 mm de janvier à septembre soit le double d'une année normale. « Le mildiou a été très compliqué à gérer, puis il y a eu de l'oïdium et enfin du botrytis en septembre... » En Ardèche, Mickael Séguier, conseiller viticole à la cave de Saint Désirat, dresse le même constat : « Les viticulteurs ont fait dix, quinze voire dix-huit interventions, et tout ça pour quoi ? L'un des vignerons a apporté 5,5 kg de cuivre pour récolter 2,5 t/ha. Sur nos huit bio, cinq se sont bien débrouillés mais sont fatigués, et trois sont totalement découragés. L'un n'a récolté que 80 kg sur 1,6 ha, les deux autres font entre 1 et 2,2 tonnes/ha. »
Ce n'était pas une année pour réduire le cuivre : on évoque jusqu'à 7 kg/ha à certains endroits. Même dans le groupe Dephy bio, les doses ont pu flirter avec les 5 kg/ha. Côté rendements, « deux choses ont fait la différence cette année : la précision de la pulvérisation et l'anticipation des besoins en main d'oeuvre, analyse Brieg Clodoré, conseiller viticole au sein d'AgriBio Rhône et Loire. Les bio ont passé leur temps sur le tracteur, au point que certains ont fini par lâcher. Et à moins d'avoir beaucoup de matériel, ceux qui n'avaient pas anticipé les besoins en main d'oeuvre pour les travaux de la vigne se sont faits dépasser ; il y a eu des décalages assez importants en relevage et rognage. »
Dans le vignoble alpin aussi, « le moral est en berne », constate Julie Vinay, conseillère viticole au sein de l'Adabio qui anime des groupes 30 000 et GIEE viticoles dans les Savoies, l'Ain et l'Isère. A sa petite échelle, les chiffres arrêtés en septembre 2024 reflètent cette morosité : cinq décertifications et six arrêts d'activité ne sont pas compensés par quatre installations bio et deux conversions.
Dans le Rhône, où environ 20 % du vignoble était bio jusqu'à l'an dernier, Floriane Fagot-Revurat observe à date « un ralentissement des conversions, mais des installations qui se font encore majoritairement en bio. Cependant il y a un risque de bascule cette année, entre un millésime compliqué et un marché morose, alerte-t-elle. Et pour des jeunes installés en bio avec peu de moyens, cette année a été catastrophique. Ils ont peu de matériel pour être réactifs dans les traitements. Et faute de revenu, ils sont tentés de faire l'impasse sur la fertilisation alors qu'ils ont déjà des terres peu productives. »
Au sein de l'association Ceps et charrues, qui regroupe 120 domaines bio du Rhône, Brieg Clodoré n'observe aucune déconversion. « Les conversions qui ont eu lieu ces dernières années pour des raisons économiques, sont parfois suivies d'un retour à la chimie quand il n'y a plus de plus-value avec la bio, observe-t-il. Mais ceux qui ont adhéré à la bio par conviction ne voient que deux choix : continuer en bio ou arrêter tout. »