cteur majeur du packaging des vins, comment le groupe Verallia s’adapte-t-il aux effets de la déconsommation de vin se traduisant par de l’arrachage et de la réduction de la production à conditionner ?
Pierre-Henri Desportes : Verallia est en effet plus exposé que d’autres verriers aux évolutions de commercialisation des vins. La moitié de notre tonnage est destiné aux vins tranquilles et effervescents. Nous sommes un acteur majeur pour la filière vin par rapport à d’autres concurrents. Plus impliqué, nous sommes plus sensibles à ses évolutions. La déconsommation de vin n’est pas que française, elle est mondiale. Pour nous adapter à l’avenir, nous travaillons sur trois axes : notre profondeur de gamme, notre politique de décarbonation et notre présence en France
Nous devons d’abord apporter à nos clients une différenciation marketing sur les modèles standards et de spécialité pour être plus forts. La caractéristique de Verallia est d’avoir le portefeuille de gamme le plus profond, avec 9 couleurs, des volumes allant de 5 cl à 15 litres… Le deuxième axe est de mettre à disposition de la filière un verre décarboné. Cela passe par les taux d’introduction de verre recyclé, l’investissement dans la R&D (comme le four électrique à Cognac qui vient d’ouvrir et l’annonce d’un four hybride à Saint Romain le Puy le premier semestre 2026) et l’écoconception, que ce soit pour l’usage unique (allégement marginal de 10, 20 ou 30 grammes sur Ecova, nouveaux modèles allégés comme la bordelaise air 300 g) ou que ce soit avec le réemploi (en soutenant les initiatives avec Citéo ou en devenant actionnaire de Bout’à Bout’). Le troisième axe est notre présence en France. 80 % de notre production française est vendue en France. Et 95 % de nos ventes en France sont produits en France. Nous sommes ancrés dans le local, ce qui nous rend très réactifs.
Comment se traduit cette réactivité au niveau industriel : réduisez-vous la cadence de production face à la déconsommation, alors que l’on ne peut pas éteindre un four ?
On peut éteindre un four, mais aucun verrier ne le fait volontairement. Il y a une adaptation conjoncturelle : nous avons reconstitué nos stocks et ajusté nos outils de production avec des arrêts conjoncturels. Nous avons profité des conditions de marché pour réparer des fours. En 2024, quatre fours ont été arrêtés au long de l’année. Nous venons de redémarrer en octobre les fours de Cognac et de Saint Romains, pour produire des verres en blanc pour les vins rosés afin d’être sur d’être au rendez-vous si des clients saisissent des opportunités à l’export. Il y a encore deux fours à l’arrêt qui sont en réfection, à Chalon-sur-Saône et à Albi. Ils seront opérationnels en 2025.
Structurellement, nous avons la ferme conviction que l’on doit être là pour nos clients et qu’il y a nue place pour un verrier français. 40 % des vins embouteillés en France utilisent des bouteilles produites à l’étranger : ça laisse de la place pour une production française. Bien sûr avec une offre de qualité, des services et de la compétitivité. Nous sommes des verreries proches des terroirs : Loire, Sud-Ouest, Champagne, Cognac…
Concrètement, vous allez maintenir toutes vos lignes de production, sans projet de fermeture ou de chômage technique ?
Pour l’instant, notre ambition est de garder notre capacité de production pour accompagner la filière. Qui dit fermerture dit tensions. Nous avons tous souffert il y a 2 ans des tensions d’approvisionnement dues à la réduction des expéditions des verriers étrangers qui ont privilégié les opportunités sur leurs marchés d’origine. L’autonomie stratégique est importante.
Stratégiquement, vous souhaitez être plus agressif pour prendre des parts de marché à vos concurrents alors que le gâteau global se réduit.
Ce sont vos mots. Notre conviction intime est de ne pas se résigner à la déchéance de l’industrie française. Nous ne partons pas défaitistes en se disant que la verrerie en France ne vaut pas le coup. Le chemin ne sera pas facile, mais nous avons la conviction qu’il faut aller de l’avant. Ce sera difficile pour toute la filière, il ne faut pas être naïf, mais faire preuve de compétitivité et de diversification à l’export. Soyons à l’offensive.
Photo : Premier verrier français, Verallia est un groupe industriel « intimement lié à la filière vin. Quand elle souffre on souffre » résume Pierre-Henri Desportes.



