l y avait urgence. « Avec la crise, nos ventes ont reculé sur tous nos marchés à l’exception des États-Unis. Il fallait réagir », explique Mélanie Fabre, qui dirige les Domaines Fabre, en Gironde, avec son frère Jean-Hubert et son père. Pour intéresser une nouvelle clientèle, à l’automne 2023, elle concocte une recette à base d’un haut-médoc et d’arômes de framboise. À l’issue d’un brainstorming familial, cette boisson est baptisée « Vail », la contraction de « vin » et « cocktail ». Mélanie Fabre la fait tester à ses distributeurs locaux : c’est un flop ! « Cela ressemblait à du kir et on nous répétait que c’était vu et revu », indique-t-elle.
Mais pas de quoi la décourager. La vigneronne s’attelle à nouveau à la tâche et met au point une boisson légèrement alcoolisée (4,5 degrés) à base de vin, d’arômes de fruits de la passion, d’agrumes et de vanille qu’elle fait goûter à l’aveugle sur son stand du salon Wine Paris, en janvier dernier. Les commentaires sont bons. Les salariés des Domaines Fabre apprécient eux aussi. En mars 2024, Mélanie Fabre présente la version finale, toujours à l’aveugle, à ses visiteurs au salon ProWein. C’est une réussite.
Reste la question du contenant. La vigneronne penche pour une bouteille en plastique transparent compostable à base de canne à sucre. Importateurs et cavistes doutent, mais elle se dit que les consommateurs suivront. Va pour cette bouteille qui ressemble à une petite bonbonne. Côté étiquette, elle fait appel à une graphiste.
Mi-juillet, le Vail est lancé en même temps que le site internet (vail-cocktail.fr) et le compte Instagram, « faits avec les moyens du bord », comme l’admet Mélanie Fabre. « L’idée est de séduire les jeunes consommateurs, explique Jean-Hubert Fabre, son frère. Or, ces jeunes peuvent être réfractaires au monde du vin. Il nous a donc semblé évident de différencier nos vins familiaux de Vail. D’où la création d’un site spécifique où l’on adopte un ton plus adapté à la génération Z que sur les sites de nos domaines. Pour créer les textes, photos et vidéos, nous avons fait appel une jeune femme talentueuse qui a fait des études dans la publicité. »
Après une semaine d’écriture des contenus et de prises de vue, le site et le compte Instagram paraissent. Sur le site, on apprend que Vail « se savoure au goulot, au verre, nature ou en cocktail avec un soft ou un crémant » et, qu’après la dégustation, la bouteille se jette dans le même compost que les épluchures de pomme de terre. Depuis son lancement mi-juillet, le site a enregistré plus de 2 500 visites uniques.
Quant aux ventes, elles démarrent très doucement. 900 cols de Vail se sont écoulés au prix de 5,50 € à la propriété et chez les cavistes. Désormais, la famille Fabre espère décrocher des marchés auprès de ses gros clients d’ici la fin de l’année ou au début de l’année 2025. Reste la question du coût du lancement de ce nouveau produit. La propriétaire botte en touche : « C’est un investissement qui doit nous permettre de rester dans la course. Si ça ne marche pas, on aura essayé, sans regret », confie-t-elle.