Valentin Morel, propriétaire du domaine Les Pieds sur Terre à Poligny dans le Jura, a semé ses premiers engrais verts en 2015. Un rang sur deux, en rotation sur deux ans, sur les 7 hectares de son domaine. Depuis qu’il a commencé, le choix des semences et la technique d’implantation n’ont cessé d’évoluer.
« Je sème toujours après les vendanges, vers la fin du mois de septembre, selon la météo, et je détruits les couverts avec un broyeur à sarment en avril/mai pour apporter un maximum d’azote à la vigne au débourrement, rapporte-t-il. Mais il m’est déjà arrivé de devoir détruire le couvert bien avant à cause du risque de gelées matinales. Quand j’ai commencé, je semais un mélange d’une douzaine d’espèces différentes dont 60 % de féverole. Mais j’ai eu beaucoup de problème de levée. Dans ces mélanges techniques, il y a trop hétérogénéité. On se retrouve à semer en même temps des petites et des grosses graines et ça lève difficilement. Ensuite, j’ai fait un essai avec de la luzerne. Ca apporte énormément d’azote à la vigne, mais ça monte dans les fils, et c’est compliqué à détruire avec les interceps ».
Pour finir, Valentin Morel a opté pour un mélange plus simple, composé de quatre espèces seulement au lieu de douze, et qu’il achète chez ses voisins agriculteurs. « 60% de féverole et 10 % de trèfle pour apporter de l’azote, 20% d’orge pour structurer le sol, 10% de radis fourrager pour décompacter. Même s’il y a toujours des petites et des grosses graines, le semis est plus homogène avec quatre espèces qu’avec douze.Grâce aux engrais verts, les liserons, amarantes et chardons ont disparu et j’ai arrêté les amendements organiques. L’azote apporté est bien meilleur. Cela se ressent sur la vigueur de la vigne et le fonctionnement du sol. Il ne faut pas oublier que la féverole peut monter jusqu’à un mètre du sol. Avec un couvert végétal indigène, on ne maitrise pas l’apport azoté. Bien souvent, il a tendance à aller vers le ray-grass, beaucoup moins intéressant pour le sol et concurrent en eau pour la vigne ».
En Alsace, à Dambach-la-Ville, cela fait plus de 15 ans que le domaine Charles Fey sème le même mélange sur ses 20 ha certifiés AB. Julien Frey, propriétaire en charge des couverts végétaux depuis quelques années explique. « Légumineuse, féverole, pois, vesce et graminées : pour nos semis d’automne, la recette est toujours la même. C’est notre façon de semer qui a évolué dans le temps. On sème toujours au lendemain de la vendange avec un semoir direct Gerber équipé de disques qui ouvrent le sol à l’avant et de dents qui sèment. Dès que la parcelle est récoltée, parfois le soir même, mon père va semer les engrais verts, pendant que je m’occupe des vinifications. Les couverts sont ensuite détruits au printemps, en général la deuxième quinzaine d’avril. »
Julien Frey (photo DR)
La seule chose qui a changé c’est la préparation du sol. Julien Frey se rappelle que les premiers semis levaient difficilement. « Les couverts dépassaient à peine 30 cm. Ce n’était ni un problème d’espèces, ni de qualité des semences mais de préparation du sol. On semait directement dans le rang enherbé et avec la concurrence de l’herbe, les graines ne levaient pas. Aujourd’hui, on prépare le sol en amont. Dès la fin du mois de juillet, on le griffe pour détruire le couvert en place et affiner la terre en surface. Puis, fin août-début septembre, on sème avec notre semoir direct. Depuis, les couverts lèvent sans difficulté ».
Julien Frey assure que son mélange apporte l’azote nécessaire à la vigne et qu’il structure et décompacte le sol. « Il y a quelques années, on semait aussi du trèfle et du triticale, deux semaines après la destruction du couvert d’automne, pour structurer davantage le sol, avoir un couvert estival et éviter le développement du ray-grass et du chiendent. On détruisait ensuite ce couvert pour préparer les sols aux semis d’automne. Mais depuis 3 ans, on a dû arrêter car il levait difficilement à cause du manque d’eau », regrette-t-il.
A Sancerre, au domaine Joseph Mellot, Adrien Mellot, vigneron-propriétaire, a semé ses premiers engrais en 2021, sur 10 hectares de Sauvignon blanc. « On s’est lancé pour apporter de la vigueur à la vigne et de la structure au sol. Pari réussi, puisque les sols sont plus souples, ressuient plus vite et la vigne plus verte. »
Pour parvenir à ce résultat, le vigneron a dû faire évoluer son mélange et sa pratique. La première année, il sème directement avec un semoir Delimbe, sans préparer le sol, un mélange acheté dans le commerce, de 3 graminées, 3 crucifères et 3 légumineuses. « On en a mis 70 kg/ha et on a observé. Les crucifères n’ont jamais levé, les légumineuses et les graminées ont à peine dépassé les 30 cm de haut », rapporte-t-il.
Adrien Mellot (photo DR)
Alors la deuxième année, Adrien Mellot griffe le sol en amont et sème 100 kg/ha de son propre mélange. « 50% de féverole, 50% d’avoine. Et là on a eu un beau couvert végétal. Le problème lorsqu’on sème les crucifères en automne, c’est le manque d’ensoleillement et de chaleur si bien que la moutarde ne lève pas. En 2022, on a essayé de semer les crucifères à part, plus tôt en saison en août. Les résultats étaient très encourageants. En quelques semaines, ils avaient levé de 30 cm. Mais entre le dernier rognage et la machine à vendanger, la quasi-totalité du couvert a été détruit. »
L’année dernière, il modifie encore la composition de son mélange pour mettre 80 % de féverole et 20 % d’avoine qu’il sème à 140 kg/ha. « Mais c’était un peu trop, avoue-t-il. Le couvert était trop dense. De plus, on avait semé avec 4 dents sur 80 cm de large, dans des rangs d’1m30, et on s’est retrouvé avec de la féverole sur la bande travaillée par les interceps, très compliquée à détruire par la suite. » Pour cet automne, Adrien Mellot prévoit donc de semer 110 kg/ha avec une dent en moins.