auvais temps pour les Rolofaca et autres rouleaux hacheurs. Depuis de nombreuses années déjà, Nicolas Dubreil, animateur du CivamBio 66 (Pyrénées-Orientales), alerte au sein de son réseau de vignerons quant à la destruction insuffisante des couverts par ces outils. En 2022, Léo Garcia, de l’Institut Agro Montpellier, faisait la même observation sur une parcelle de syrah. Et voilà que le CivamBio 11 (Aude) enfonce le clou en publiant les résultats d’un vaste essai mené de l’automne 2021 au printemps 2024.
« Notre étude porte sur douze parcelles réparties entre Aveyron, Aude, Pyrénées-Orientales et Hérault, expose Anaïs Berneau, animatrice de l’association audoise. Chacune a été soumise à cinq modalités, la première sans couvert et labourée, les quatre autres avec des couverts détruits d’une manière différente : par passage de disque précoce, de disque tardif, de rouleau précoce ou de rouleau tardif. Les passages précoces sont effectués dès l’apparition de la contrainte hydrique, entre la fin février et la fin mars. Les passages tardifs, un mois plus tard. »
Ces couverts étaient composés de différents mélanges comprenant 60 à 70 % de légumineuses, 20 % de graminées et 10 à 20 % de crucifères. Pendant trois saisons, Anaïs Berneau a observé à la loupe ces parcelles d’essai. « Nous avons mesuré chaque année l’humidité du sol, les stades phénologiques, le volume foliaire, le statut hydrique via la méthode des apex, le volume de récolte, le nombre de grappes et le poids des bois de taille. Ce printemps, nous avons également ouvert des fosses pour voir si ces différents modes de destruction avaient une influence sur la structure du sol. »
Les résultats sont sans équivoque. « Quel que soit le rouleau utilisé, nos mesures indiquent que la vigne subit une contrainte hydrique bien supérieure après destruction par roulage qu’après passage des disques, assure la technicienne. Aucun des résultats analysés à ce jour ne fait exception. Cette année, dans l’un des essais, la végétation était trois fois moins développée à la mi-juin après un roulage précoce qu’après le passage tardif des disques. Visuellement, c’était flagrant. Certes, il y a toujours des cas où le roulage fonctionne, mais cela reste l’exception. Désormais, nous ne recommanderons pas les rouleaux en contexte méditerranéen. »
A la mi-juin, vigne dont le couvert a été roulé précocément
A la mi-juin la même vigne mais avec le couvert détruit par un passage de disque tardif
Derrière ces résultats tranchés, une explication simple : « La plupart du temps, le couvert est bien plié par les rouleaux mais il est toujours vivant après leur passage et continue à concurrencer la vigne, détaille Anaïs Berneau. C’est particulièrement le cas avec la vesce, une espèce très appréciée en Languedoc. Et s’agissant des graminées, pour être sûr de les détruire, il faudrait attendre mai ou juin, que leurs tiges soient lignifiées afin qu’elles cassent sous les rouleaux. Sinon, elles se relèvent derrière le tracteur. Mais en mai, il est bien sûr trop tard pour détruire un couvert. Toutes ces contraintes cumulées, la plupart des mélanges ne sont pas bien détruits par les rouleaux hacheurs. »
Ces conclusions s’appliquent-elles aussi dans des vignobles moins arides ? Globalement, oui. En Bourgogne, Thomas Gouroux, de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or, a constaté en 2023 que « le roulage seul accroît la contrainte hydrique par rapport au roulage suivi d’un enfouissement. Nous recommandons donc plutôt cette seconde option ». Et lors d’une saison plus humide, comme 2024, « le roulage n’a pas induit pas de concurrence en eau mais a eu tendance à maintenir l’humidité dans les sols, ce qui a pu, par la suite, poser des problèmes d’accès aux parcelles ».
Du côté de Bergerac, les Rolofaca ne sont pas non plus vus d’un bon œil. « Je les déconseille depuis vingt ans, tranche Éric Maille, d’AgroBio Périgord. Même si les ressources en eau sont suffisantes, le couvert encore vivant va concurrencer la vigne pour les éléments nutritifs. Si on vise un effet mulch, je conseille plutôt la fauche. Le roulage ne convient qu’en cas de gel imminent, car il permet d’abaisser rapidement le couvert sans relarguer d’humidité. »
Un rappel essentiel s’impose toutefois : « Attention, c’est le roulage qui peut mettre en danger la vigne, pas les couverts eux-mêmes, insiste Anaïs Berneau. C’est un préjugé tenace : on dit que l’enherbement concurrence la vigne. Or, s’il est détruit correctement, il profite à la vigne. De plus, il limite l’érosion des sols et favorise l’infiltration des eaux de pluie. » Hors de question, donc, de jeter le bébé avec l’eau du bain.