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Il ne faut pas jeter les vignes résistantes avec l'eau des symptômes du mildiou
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Interview
Il ne faut pas jeter les vignes résistantes avec l'eau des symptômes du mildiou

Cet été, des symptômes de mildiou ont localement été observés sur plusieurs variétés résistantes plantées dans le Gard et le Vaucluse. Professeur de biologie et de génétique à Montpellier SupAgro, Laurent Torregrosa a souhaité revenir sur le phénomène pour que les vignerons ne tirent pas de conclusions hâtives et définitives sur le potentiel de ces nouvelles variétés.
Par Marion Bazireau Le 17 septembre 2024
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Il ne faut pas jeter les vignes résistantes avec l'eau des symptômes du mildiou
En conditions de très forte pression du mildiou et en l’absence de traitement d’accompagnement, les variétés tolérantes peuvent présenter un nombre important de nécroses foliaires. - crédit photo : L. Torregrosa
V

ous souhaitez d’abord rappeler que les variétés résistantes ne devraient pas être qualifiée comme telles.

Laurent Torregrosa : En effet. Je m'associe avec Alain Carbonneau, professeur de viticulture émérite à l'nstitut Agro Montpellier, et Hernan Ojeda, ingénieur de recherches à l'INRAE de Pech-Rouge pour rappeler que la plupart des variétés en cours de déploiement présentent une gamme de niveau de tolérance aux maladies fongiques. Le type de réponse d’une variété face à une attaque de pathogène dépend de son profil génétique. Pour simplifier, trois types de réponses sont possibles : sensibilité, tolérance, résistance. Comme la vigne est susceptible d’être attaquée par toute une gamme de maladies fongiques et qu’à ce jour on ne connaît pas de gène utilisable en sélection pour conférer une multi-résistance, les 3 types de réponses peuvent survenir sur la même variété. 

Ainsi le Soreli, sélection Italienne qui ne porte pas de gène de tolérance à l’oïdium est sensible à cette maladie alors qu’elle est tolérante au mildiou car elle a hérité deux gènes de tolérance (RpV3 et RpV12) de ses géniteurs. Autre exemple, l’Artaban variété INRAE est très résistante à l’oïdium, car elle porte un gène de résistance très fort (Run1) vis à vis de ce pathogène, mais elle n’est que tolérante au mildiou car les 2 gènes qu’elle porte (Rpv1 et Rpv3) suffisants pour freiner le développement de la maladie ne peuvent empêcher l’apparition de nécroses sur les feuilles (Fig. 1) et les jeunes baies (Fig. 2). Cette variété est par ailleurs sensible au black rot, car ce pathogène n’a pas été prise en compte dans sa sélection. Ainsi l’Artaban est à la fois sensible, tolérant ou résistant selon le pathogène concerné.

 

Fig. 1 - Symptômes consécutifs à une forte attaque de mildiou sur une variété porteuse d’un caractère de tolérance (à gauche) et d’une variété sensible (à droite). La tolérance se manifeste par une réaction de nécrose rapide sur la feuille de gauche limitant l’expansion et la sporulation du mildiou;  

(Maraussan, Hérault, 2018. Source L. Torregrosa, Institut Agro).

 

Fig. 2 -  Deux variétés porteuses de caractères de tolérance, exposées à des inoculations printanières massives

(Maraussan, Hérault, 2018. Source L. Torregrosa, Institut Agro).

 

L’environnement peut aussi moduler la tolérance ou la sensibilité aux maladies d’une variété ?

Oui. Dans des situations de forte pression, avec un inoculum abondant et/ou des conditions très favorables au pathogène, comme une forte pluviométrie printanière pour le mildiou, les mécanismes de moindre sensibilité ou de tolérance peuvent être dépassés.

La période aussi importe car, d’une part, les conditions environnementales changent et les organes évoluent. Ainsi le mildiou trouve une température et une humidité bien plus favorables à son développement au printemps qu’à l’automne. Par ailleurs, les jeunes feuilles, les rameaux, les fleurs ou les jeunes baies sont plus sensibles aux maladies fongiques que les feuilles âgées, les bois aoutés, et les baies en maturité.

 

Les conditions de culture de la vigne ont un impact ?

Tout à fait. Celles qui conduisent à plus de vigueur en impactant le microclimat ou la structure des organes, mais aussi les pratiques de traitement qui vont moduler la pression des pathogènes. Pour résumer, le développement d’une maladie est multifactoriel, et cette année à pression mildiou exceptionnellement élevée, un certain nombre de parcelles ont présenté des destructions d’inflorescence et de jeunes grappes qui ont inquiété les viticulteurs.

 

Avait-on déjà connu ce phénomène ?

Des phénomènes de « débordements » ponctuels sont déjà connus. Par exemple, sur les vieux hybrides anciens porteurs de RpV3, il n’était pas rare d’observer dans certaines situations ou années du mildiou. Ce qui avait conduit les viticulteurs à conserver un programme minimum anti-mildiou. Plus récemment, nous avons observé des débordements sur certains hybrides porteurs du gène Rpv1. Il n’est donc pas étonnant d’avoir noté cette année sur les variétés dites « pyramidées » et porteuses de Rpv1 et Rpv3 quelques développements de mildiou.

 

S’agit-il d’un contournement des gènes de résistance ?

Des analyses seront réalisées dans le cadre du réseau d’observatoire Oscar pour le vérifier, mais jusqu’à preuve du contraire, il ne s’agit pas de contournement. Le phénomène rapporté est très conjoncturel et ne remet pas en cause l’intérêt de cultiver des variétés tolérantes aux maladies, qui au niveau national permettent de réduire l'utilisation de fongicides de plus de 80% en moyenne. Les variétés conserveront leurs caractéristiques initiales de tolérance au mildiou et de résistance à l’oïdium initiales (Fig. 3).

 

Fig. 3 - Variété tolérante (à gauche) comparée à une variété sensible (à droite) sous traitement phytosanitaire minimal, une année assez favorable au mildiou en fin de saison

(Sept 2021, Domaine de Cazes, Chambre d’Agriculture de l’Aude, Source L. Torregrosa, Institut Agro).

 

Quelles leçons tirer de cette année ?

La première leçon est que cumuler des gènes de tolérance ne garantit pas nécessairement ni une immunité absolue, ni une plus grande tolérance, sauf à s’assurer au préalable de leur complémentarité en étudiant leurs mécanismes biochimiques sous-jacents. La deuxième leçon de cette histoire est que même en cultivant des variétés tolérantes, les viticulteurs doivent rester attentifs. Selon les préconisations actuelles, il convient de maintenir au minimum un traitement à la période de plus grande sensibilité de la vigne les années normales pour appuyer l’effet des gènes de tolérance et limiter les risques de contournement… et les années à forte pression d’adapter le programme pour ne pas perdre le bénéfice de la protection fournies par le ou les gènes de tolérance.

J’en profite pour signaler la sortie de l’ouvrage Vignes tolérantes aux maladies fongiques : de nouvelles variétés pour une transition agroécologique, qui fait le point sur ces questions et fournit toutes las bases pour comprendre l’origine et les caractéristiques des nouvelles variétés moins sensibles aux maladies de type fongique. 

 

 

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Tous les commentaires (2)
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Loïc Breton Le 18 septembre 2024 à 11:59:51
Merci Laurent de toutes ces précisions . La présence de gènes n implique forcément la résistance. Sur certaines variétés en cours de sélection nous avons la présence de plusieurs gènes mais avec des attaques de Mildiou et oidium . Le discours polygénique est remis en cause. Également il ne faut pas parler et écrire résistance totale . Ceci n a aucun sens. En revanche on peut parler ou écrire forte, bonne, moyenne résistance C est pour cela qu il faut expérimenter les variétés. Également le pyramidage en recroisant avec une autre variété type Bronner ou régent diminue le pourcentage de vitis vinifera et la qualité du bon vin obtenue Loïc Breton
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Chelmi Le 18 septembre 2024 à 11:09:42
Chez moi les meilleurs résistants au mildiou cette année sont : le bronner, le cabernet cortis, le souvigne gris, l oberlin, le johanniter et le voltis et autres on beaucoup souffert tellement la pression de la maladie était forte.
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