ur le marché brésilien de la consommation d’alcool, le vin reste loin du devant de la scène tant la bière occupe l’espace (72 litres/an/habitant). Les spiritueux, bien emmenés par une consommation de cachaça difficile à mesurer précisément et l’émergence des gins, figurent également en bonne place (4,4 litres/an/habitant). Le vin, historiquement implanté et bien plus consommé dans la zone productrice du sud du pays (80 000 ha, 4 millions hl) , reste en retrait à l’échelle nationale mais affiche une consommation en progression continue. « Le nombre de consommateurs réguliers a doublé depuis 2010, dépassant les 50 millions, pour une moyenne annuelle de 3 litres par personne », pose Tatiana Angelini, conseillère spécialisée vins et spiritueux pour Business France au Brésil.
Les projections estiment même une consommation de vin avoisinant les 600 millions de litres dans le pays en 2026, contre 400 millions en 2023 (déjà +11,64% vs 2022). Dans cet immense pays de plus de 200 millions d’habitants, le vin est plutôt sollicité par une classe moyenne, « avec une nouvelle clientèle qui émerge, plus jeune et friande de nouvelles expériences, en plus des connaisseurs déjà habitués », ajoute la consultante Business France basée à São Paulo. La période post-Covid a encore accentué la polarité des brésiliens pour le vin et sa consommation régulière.
Dans cette tendance, les vins français progressent en volume et valeur, même si les importations de vins chiliens dominent toujours ce marché (40% des volumes). « Grâce aux avantages fiscaux des accords Mercosur, les vins sud-américains sont les plus vendus au Brésil. Depuis plusieurs années, le Portugal s’est également beaucoup développé (+51% de volumes en 2023), malgré le désavantage tarifaire, grâce une attaque agressive de ce marché et des affinités linguistiques et culturelles », appuie encore la spécialiste de l’agence Business France. La France s’ancre solidement à la 5ème place des fournisseurs de vins en volume, le marché étant à 80% orienté vers les vins rouges. Les vins de Bordeaux tirent ainsi leur épingle du jeu en couvrant « la moitié des vins français d’appellation importés », relance Tatiana Angelini. Les vins de cépages sont présents dans tous les réseaux, un avantage pour les IGP comme Pays d’Oc, la plus développée sur ce marché. Les vins de France, positionnés sur des segments plus accessibles, tentent également une percée dans le pays.
Les vins effervescents sont de plus en plus demandés par le public, avec une appétence marquée pour les cavas et proseccos, alors que le vin rosé, quasi inexistant avant 2018, « est passé en deux ans de 1 à 5 millions de litres grâce au succès de la cuvée rosé piscine de Vinovalie, vin le plus vendu pendant deux ans au Brésil », pointe la conseillère Business France. Consommé frais sur la plage, ce vin a connu une ascension fulgurante car correspondant au mode de vie brésilien et une image disruptive. C’est en effet le côté traditionnel, avec des étiquettes classiques, qui est plutôt apprécié sur le marché des vins. « Le vin français est perçu avec une image qualitative, ainsi que statutaire, ce qui, en fait aussi un produit élitiste qui limite sa démocratisation », analyse Tatiana Angelini.
Cet écueil de la dimension statutaire de la consommation de vins n’est cependant pas limité aux vins français. Un travail sur cet aspect est d’ailleurs entamé depuis de nombreuses années par les réseaux de distribution pour élargir la sociologie des consommateurs. « Dans les métropoles, des bars à vins s’ouvrent et le e-commerce a explosé depuis la pandémie », enchaîne la consultante Business France. Deux plateformes de vente en ligne sont d’ailleurs devenues les deux plus grands importateurs de vin. E-commerce et grande distribution importent en direct depuis 2016, mais Tatiana Angelini rappelle néanmoins que le marché reste tributaire du prix, premier critère pour le consommateur. L’important niveau de taxation des vins, aux échelles nationale et des états, est d’ailleurs l’un des freins importants à cette démocratisation du vin.
Dans un pays où l’émotion et l’affectif sont des aspects culturels incontournables, la conseillère Business France insiste sur la qualité des échanges humains dans le business. 1 200 importateurs actifs sont répertoriés, pour une trentaine de grands importateurs qui dominent le marché. Ce sont ces derniers qui fournissent des vins aux supermarchés, détaillants spécialisés, ou réseau CHR.