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Sollicité pour rendre un hommage au viticulteur emblématique des Bouches-du-Rhône, Jean-Claude Pellegrin, emporté ce vendredi 26 juillet à 65 ans, Denis Roume n’a pu cacher son émotion, entre souvenirs partagés pour la structuration des vins du Sud-Est, et admiration encore vive « dans la force et l’abnégation de son engagement auprès de notre interprofession des vins IGP du Sud-Est dans ces derniers mois pour lesquels il savait que ces jours étaient comptés ». Implanté dans son vignoble du château de Libran (à Lambesc) et impliqué depuis des décennies dans le syndicalisme viticole (pour les caves coopératives et les vins de pays), Jean-Claude Pellegrin croise la route de Denis Roume en 2010, quand ce dernier était le directeur général de l’union coopérative des Vignerons Ardéchois (UVICA, basée à Ruoms).
Alors que les vins de pays devaient basculer en Indication Géographique Protégée (IGP), « sur le sud-est (comme en Occitanie, d’ailleurs) les IGP sont majoritairement produites, et à l'époque commercialisées par la coopération. Ceci nous a très rapidement amené à considérer que la création d'une interprofession [dédiée aux] IGP s'imposait d'évidence, afin de garder nos spécificités dans une région mixte Rhône et Provence fortement marquée [par la production d’]AOP » confie Denis Roume, rappelant que Jean-Claude Pellegrin « a été l'une des chevilles ouvrières de cette création, dont j'ai assuré la présidence les quatre premières années, au titre de la famille négoce ». Jean-Claude Pellegrin lui a succédé, et venait d’achever un deuxième mandat.
« Syndicaliste dans l’âme, doué d'une verve imagée qui pouvait être grinçante, d'une rigueur intellectuelle sans faille Jean-Claude a travaillé avec force et détermination pour qu’Intervins Sud-Est devienne une structure solide et écoutée, et positionnant les IGP du Sud-Est comme une catégorie essentielle dans la filière vitivinicole Rhône et Provence » se souvient Denis Roume, notant que « l'IGP Méditerranée, devenue une vraie identité pour notre région, a joué un rôle fédérateur déterminant auquel Jean-Claude Pellegrin a participé avec une conviction totale, certes avec d'autres (présidents d'Organismes de Défense et de Gestion, directeurs de maisons des vins, responsables administratifs…) ,mais en étant toujours moteur. »
« Malgré les bonnes percées sur les marchés de l'IGP Méditerranée, il n'a jamais perdu de vue la nécessité de réfléchir à la manière de garder, sur la durée, un équilibre "positif" entre production et besoins du marché » poursuit Denis Roume, saluant la vision de son camarade : « très conscient de son état il s'est fixé comme cap de travailler à la mise en place un système dynamique de régulation au sein d'Intervins ». Le Volume Individuel de Production Commercialisable Certifié, ou VIP2C, une réserve interprofessionnelle actée en 2022. Actif et apprécié nationalement, Jean-Claude Pellegrin a marqué l’histoire syndicale du vignoble du Sud-Est. « Nous avons eu l'occasion de lui dire lors d'une des dernières assemblées générales d'Intervins toute l'admiration qu'il nous inspirait et de la formidable leçon de vie, d'humanisme, de conviction, qu'il nous montrait et que maintenant il nous laisse » conclut Denis Roume.
« Quadruple A, c’est la note que tu mérites » déclare Jean-Louis Piton à Jean-Claude Pellegrin. « Je ne suis pas sûr Jean Claude que tu apprécies que je me serve du jargon des agences de notation pour te qualifier mais nous avons tellement toujours aimé nous chamailler que ce serait dommage de ne pas être fidèle à cette habitude jusqu’au bout » ajoute pince sans-rire le vigneron d’Apt (Vaucluse) et producteur d’AOP (Luberon et Ventoux) ainsi que d’IGP (Méditerranée).
Dans de nombreuses réunions et instances, Jean-Louis Piton a pu voir dans ces 4A un « A pour Adversaire : redoutable adversaire au tempérament syndical bien trempé et inépuisable, tes sorties sont célèbres, peut être craintes mais surtout respectées car toujours empreintes du bien commun ». Mais il y avait aussi un « A pour Ambition collective : ennemi de l’assignation à résidence, tu es un bâtisseur, tu veux que tes mandants grâce à ton action aient les moyens de contrôler et d’agir. Tu peux être très fier de tes réalisations qui inspirent la filière viticole. »
Il y avait évidemment un « A pour Amitié : tu es fidèle, tu ne laisses jamais tomber ceux que tu aimes, tu es éclectique et curieux, ce n’est pas la complicité idéologique que tu recherches en amitié mais la droiture, la différence, la découverte, la raison parce que tu veux apprendre par le contact et l’échange. » Sans oublier un « A pour Admirable, Tu nous as donné une formidable leçon de vie, droit dans tes santiags avec courage et don de soi jusqu’à la fin. »
Non sans émotion, Jean-Louis Piton conclut : « Jean-Claude, par toutes ces valeurs que tu portes haut, tu fais honneur à notre profession, à ton pays que tu aimes tant, au pays tout entier. »
« De Jean-Claude, j’ai d’abord vu la pointe de ses santiags. Elles le précédaient de quelques centimètres. Aussi affutées que ses répliques » se souvient Olivier Houles, responsable de l’Antenne 13 (à Aix-en-Provence), qui a « remonté la tête et son regard ne m’a jamais quitté. Franc, profond, les yeux dans les yeux. Sans agressivité. L’assurance des boxeurs. De celui qui connaît sa puissance. De celui qui n’a peur de rien mais veut aimer avant tout. J’ai vite compris que la chose qui dépassait le plus chez Jean-Claude, ce n’était la pointe de ses santiags, mais son cœur. Un énorme cœur. »
Faisant ses classes avec lui, Olivier Houles voit en lui une « boussole », « d’abord dans son département mais jusqu’au plus haut niveau. Il n’ordonnait pas. Il orientait. Il vous obligeait à donner le meilleur. Pas pour soi, pas pour lui, mais pour l’ensemble des adhérents, pour le bien commun. Il avait cette faculté à nous impliquer sans nous diriger. » Entre management par l’exemple et leadership napoléonien, « Jean-Claude Pellegrin était le plus grands des petits hommes. Ce curieux insatiable et défenseur indéfectible de la coopération viticole savait que "petit homme" était le surnom que s’attribuaient les premiers coopérateurs. »
S’il énumère les qualités de Jean-Claude Pellegrin (« l’humilité au service de l’engagement collectif. C’était lui. Dire qu’il défendait les valeurs de la coopération est insuffisant. Il était ces valeurs*. Il les incarnait au plus profond de lui »), Olivier Houles pose la question à 1 000 euros : « qui ne se souvient pas de ses coups de gueule ? Toujours argumentés. Sourcés comme des fleuves, descendant au triple galop comme ses chevaux. Avec Jean-Claude, vous étiez rapidement son meilleur ami ou son meilleur ennemi. Dans tous les cas il vous respectait, il vous écoutait, pesait le pour et le contre, et vous disait avec une sincérité désarmante son avis. Le plus souvent sa vérité éclairait sous une nouvelle lumière, de nouvelles couleurs. »
Notant qu’après « plus de quarante ans au service de la viticulture », ce « grand promoteur des vins IGP, responsable de nombreuses structures viticoles au niveau communal, départemental, régional et national » restait pareil à lui-même, Olivier Houles pointe qu’il « prenait de la hauteur. Bien plus grand, bien plus haut que la moyenne. Ce petit homme voyait tout d’en haut. Il continuera. »
* : « L’égalité des chances et l’équité des traitements, la liberté de penser et celle de s’exprimer, la fraternité, la convivialité, l’humilité et l’engagement » liste Olivier Houles.
