u de France, le marché angolais des vins peut revêtir un aspect improbable, tant ce pays lusophone de 35 millions d’habitants peut paraître éloigné des radars de l’exportation. La consommation d’alcool y est très largement dominée par la bière (plus de 90% des volumes d'alcool consommés), où il n’y a aucun tabou sur la question de l’alcool, lié à la détente et la socialisation. Cette ancienne colonie portugaise (indépendance proclamée en 1975) est marquée par l’omnipotence économique et démographique de sa capitale Luanda. Concentrant à elle seule 9 millions d’habitants, la capitale génère 80% du PIB national. C’est la branche brassicole du groupe Castel qui domine le marché de la bière dans le pays, mais ce sont les vins portugais qui sont historiquement les plus prisés par la population angolaise. La consommation de vins plafonne néanmoins à un peu plus de 2 litres/an/habitant de plus de 15 ans.
Peu développé sur le plan touristique, beaucoup d’expatriés liés au secteur pétrolier vivent en Angola. De même, une forte diaspora portugaise est encore présente, environ 100 000 ressortissants, « bien qu’un mouvement de retour au Portugal se soit enclenché depuis 2016 et la fin de la folie des cours du pétrole », situe Benoît Catusse, directeur du bureau Business France en Angola. Deuxième producteur africain d’hydrocarbures derrière le Nigéria, le pétrole génère trois quarts des revenus d’un pays qui, depuis son indépendance en 1975, a été traversé par une guerre civile jusqu’en 2002. « La paix a permis le retour aux investissements et la reconstruction grâce aux revenus pétroliers, jusqu’à une récession en 2015 et la chute des cours du pétrole », rembobine le consultant Business France. Cette phase de remise en route a notamment permis aux vins français hauts de gamme, au premier rang desquels les champagnes, ainsi que les Bordeaux, de se développer. Cependant, l’économie du pays a marqué un sérieux coup d’arrêt depuis.
Mais le consommateur angolais de vin reste majoritairement centré sur les vins portugais, rouges. Les vins français sont surtout positionnés sur le segment haut de gamme. Les champagnes sont co-leaders du marché des vins effervescents avec ceux provenant d’Afrique du Sud. L’offre de tous types de vins est accessible dans les supermarchés, qui disposent d’un grand choix de références et de prix, et le réseau CHR. « Quelques cavistes commencent à se développer dans la capitale », note Benoît Catusse. L’accès à ce marché peut se faire directement auprès des acheteurs de grande distribution, ou par le biais d’une dizaine d’importateurs actifs sur les biens alimentaires en général. « Les importateurs spécialisés dans les vins et spiritueux sont tous d’origine portugaise, mais ce n’est pas un frein car ils souhaitent quasiment tous avoir une gamme française dans leur portefeuille », relance Benoît Catusse. Le directeur du bureau Business France souligne également l’importance de parler portugais pour faciliter les échanges (obligatoire sur l'étiquetage des vins), tout autant que le contact in situ avec les importateurs, « qui ne sont pas enclins à faire des affaires à distance ». Un partenaire local peut largement faciliter l’accès au marché.
Si une tendance de consommation de vins rosés ou de blancs semble s’amorcer, les vins rouges tanniques a fort degré d’alcool sont les plus demandés. « Les consommateurs angolais sont très friands de marques fortes et connues, héritage d’un côté très démonstratif de sa réussite qui date de la période de forte croissance jusqu’en 2015 », ajuste le conseiller basé à Luanda. La corrélation entre le dynamisme économique du pays et son niveau d’importation est très forte. « La croissance est revenue en 2022 mais une dévaluation de la monnaie en 2023 a plombé ce nouvel élan. Sur la durée, les projections semblent toutefois tendre vers un retour à la croissance », espère Benoît Catusse. Si les niveaux d’importation de vins d’avant 2015 n’ont pas été retrouvés, celles-ci ont augmenté de 120% entre 2021 et 2023, très majoritairement en faveur des vins portugais. La valeur des importations de vins français a connu la même croissance, avec une part prépondérante de vins effervescents de Champagne.
Après avoir ciblé la Chine ou les États-Unis, puis rayonné autour de ces pays, la cave coopérative de l'Entre-deux-Mers (110 adhérents, 80 000hL en AOP Bordeaux et IGP Atlantique) s'est orientée dès 2019 vers le continent africain avec l’aide de Business France et des Tastin’France organisés différents pays. Après une 1ère présentation en 2022 en Angola par cette voie, la chargée d'affaires locale a joué le relais auprès d'un importateur intéressé, pour parvenir dès 2023 à un courant d'affaires prometteur avec celui-ci, à hauteur de 100 000€ pour la première année.