nhabituel, l’échange à fleurets mouchetés qui a animé ce lundi 29 avril l’assemblée générale du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) est d’autant plus singulier qu’il a réussi à animer la ronronnante présentation des comptes 2023 de l’institution girondine. Bilan comptable que résume ainsi Émilie Stefanuto, la secrétaire générale du CIVB : « la baisse continue des cotisations [tombant à 21,1 millions €, -5 % en un an] associée à une réduction induite des dépenses marketing [15,9 millions €, -14 %] pour ne pas affecter le résultat et donc des subventions [-400 000 €, compensés par des produits financiers plus performants] ont nécessité des économies sur tous les postes. L’agilité de chacun a permis de contenir le résultat 2023 et compenser ainsi le début de la comptabilisation de l’arrachage [1,3 million € d’intérêts sur emprunt] tout en sécurisant nos réserves [21,8 millions €, stable] ».
Reste au final 76 000 € au bilan 2023 du CIVB. « Je demande à ce que les 76 000 € de réserve soient affectés en priorité au réinvestissement sur Graves Sauternes » intervient, après l'adoption des comptes par l'assemblée générale, Dominique Guignard, membre du bureau du CIVB et vice-président du groupe organique de Sauternes et Graves (l’un des six groupes d’appellation de l’interprofession*). Déclarant que le groupe organique avait économisé 120 000 € pendant la période covid, le président de l’AOC Graves rapporte qu’« une décision du bureau en 2023 nous a amputé de 120 000 € de notre budget. Aujourd’hui il y a 76 000 € de réserves. Notre objet principal au CIVB c’est la promotion. Si l’on ne fait pas de promotion, on ne réussira pas à retrouver des ventes. » Soulignant que des opérateurs demandent des comptes, Dominique Guignard pointe aux membres du CIVB que « vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a une grande distance qui se créé entre les opérateurs et nos instances » alors que « ces 120 000 € qui servaient à faire la promotion des appellations Graves, Pessac-Léognan, Sauternes et Barsac nous ne les avons plus », mais cela cause des remous : « sinon c’est la double peine : nos opérateurs, viticulteurs comme négociants, paient leurs cotisations et n’ont pas l’équivalent des 10 % qui leur reviennent en termes de promotion ».


Réagissant à cette interpellation, Allan Sichel, le président CIVB, « trouve l’intervention particulièrement mal venue en assemblée générale. La répartition de financements des groupes organiques fait appel à des règles qui sont clairement établies. Une grande patience a été accordée au groupe Graves Sauternes pour financer des opérations en décalage avec la période sur laquelle ces fonds étaient destinés. Il n’est pas question de revenir sur les règles de fonctionnement des répartitions des groupes organiques. » Même fin de non-recevoir pour Yann Schÿler, trésorier adjoint du CIVB, pour qui « ce genre de remarque me choque particulièrement. 76 000 € ce n’est rien du tout, une goutte sur un budget de 20 millions €. Sachant que l’arrachage coûte 57 millions €, 76 000 € c’est une pacotille. Soyons solidaires avec les mesures sociales qui ont été décidées. Si l’on a un petit résultat en 2023, c’est un atterrissage, en aucun cas ce n’est une marge de manœuvre qui puisse servir aux uns ou aux autres. »
Soulignant que « cette procédure d’arrachage nous donne un temps d’avance par rapport aux autres régions viticoles qui sont pour beaucoup dans des situations aussi catastrophiques que la nôtre », Jean-Marie Garde, le président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB) rapporte pour sa part des réflexions ouvertes « pour permettre un audit du fonctionnement des groupes organiques [afin de] clarifier un peu la situation et pour qu’il n’y ait pas de zone d’ombre ». Concluant le débat, Allan Sichel note qu’il y a bien des réflexions pour changer les règles, mais « soyons clair, il n’y a pas de zone d’ombre actuellement ». Juste une tension inhabituelle.
* : Les six groupes d’appellation du CIVB sont Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Côtes, Saint-Émilion Pomerol Fronsac, Médoc, Vins blancs, Graves et Sauternes. « Dont la mission est de définir les actions de promotion intéressant les deux familles professionnelles dans le groupe d’appellations sur lesquelles s’établit leur compétence » explique l’interprofession.