ans deux départements voisins, Gard et Vaucluse, deux caves coopératives ont développé une gamme de bouteilles consignées, mais sur deux modèles radicalement différents. « Réemployable plus d’une dizaine d’utilisations successives », c’est le choix de Laurent Bouet, directeur de la cave de Bonnieux, dans le Vaucluse. En proposant une version moderne de sa gamme phare, Les Safres, la cave du Luberon s’oriente vers un modèle de consigne original qui s’affranchit des réseaux de collecte et réemploi existant sur le territoire français. Forte d’un caveau de vente très fréquenté (45% de son chiffre d’affaires), la cave de Bonnieux propose à ses clients de ramener les bouteilles au magasin. « Les consommateurs n’auront qu’à rincer les bouteilles et les ramener au caveau, seul point de collecte à ce jour. En échange, ils recevront un bon d’achat de trente centimes par bouteille », détaille Laurent Bouet.
De l’autre côté du Rhône, la cave coopérative gardoise des Vignerons Créateurs, à Bellegarde, a lancé lors de Wine Paris la nouvelle version de sa cuvée emblématique, Abbatiale de Saint-Gilles, en l’ancrant dans la démarche RSE pour laquelle la cave a été labellisée ‘Vignerons Engagés’ en 2022. Dans les trois couleurs, cette gamme destinée au circuit traditionnel bascule vers la bouteille consignée réemployable. Sans capsule, avec une étiquette en papier recyclé imprimée avec des pigments naturels, un bouchon liège naturel labellisé FSC et une colle lavable à l’eau, la gamme utilise des bouteilles fournies par l’opérateur de collecte et de lavage Oc’Consigne. Un partenariat a en effet été conclu avec cette SCOP qui œuvre pour réintroduire la pratique du réemploi. « Oc’Consigne fournit les 5 000 bouteilles pour chaque couleur et assure la collecte, le traitement et la réemployabilité des bouteilles consignées », explique Bruno Manzone, président des Vignerons Créateurs.


La cave gardoise préfère donc s’appuyer sur le réseau des 15 points de collecte déjà identifiés dans le Gard, ainsi que ses caveaux de vente, et le partenariat d’Oc’Consigne avec le réseau France Consigne, pour récupérer et traiter les emballages sur le territoire national. « C’est une démarche logique sur un produit qui est très consommé en local, beaucoup moins dès lors qu’il s’agit de vins exportés », poursuit Bruno Manzone, « et nous étendons même l’idée à une deuxième cuvée, une Clairette de Bellegarde, qui ne représente que 1200 bouteilles presque exclusivement vendues dans nos magasins ». Ce système laisse envisager une quarantaine de réemploi pour chaque bouteille.
La cave de Bonnieux fait a contrario le pari de l’autonomie de fonctionnement en assurant la collecte, mais en sous-traitant le lavage et la remise en conformité des bouteilles par une société privée en Bourgogne. La cave luberonnaise a également fait le choix d’un format de bouteilles sortant des standards de la consigne, n’offrant qu’un choix très limité en bourguignonne ou bordelaise. « Nous utilisons la référence ‘alto’ de Saverglass, avec une sérigraphie et une petite étiquette en polypropylène qui sera recollée à chaque réutilisation», explique le directeur de la cave de Bonnieux. Une dizaine de restaurateurs locaux lui ont déjà passé commande pour une partie des 40 000 bouteilles qu’il conditionne pour ce premier jet, dans les trois couleurs en AOP Luberon. Ceux-ci seront même même livrés en casiers rigides qu’ils utiliseront pour récupérer les bouteilles vides, plutôt que du carton jetable.
A Bonnieux comme à Bellegarde, les responsables des coopératives se lancent dans le projet sans visibilité ni objectifs particuliers. « Nous tirerons un bilan des retours d’ici quelques mois, pour voir comment la clientèle réagit avec le réemploi », valident chacun de leur côté Bruno Manzone et Laurent Bouet.
Dans l’Hérault, à Entrevignes, une autre coopérative cherche à s’engager dans la voie de la consigne. La SCA des Vignerons de Muscat de Lunel produit 280 000 bouteilles annuelles de muscat de Lunel dans une bouteille syndicale munie d’une bague à vis. « Nous avons un important circuit de distribution local qui nous permet d’envisager une logique vertueuse de consigne », explique la responsable Marie-Laure Fabre. Deux problèmes se posent néanmoins. D’un côté la taille de la bouteille. « Elle est trop haute pour l’outil de lavage d’Oc’Consigne, mais nous travaillons avec le verrier pour régler ça », enchaîne Marie-Laure Fabre. Le problème de la capsule à vis s’annonce en revanche plus ardu à solutionner. « C’est le point de blocage actuel, sur lequel nous allons devoir nous battre car les capsuliers ne disposent pas encore de solutions techniques à nous apporter pour faciliter le réemploi », termine la responsable.