ans les tuyaux européens depuis 2022, le règlement PPWR se concentre largement sur l’amélioration du recyclage en Europe, mais vise aussi la réduction des déchets d’emballages, via notamment le réemploi. Ce règlement, qui doit être soumis au vote du Parlement européen la semaine du 22 avril à Strasbourg, a donné lieu à un lobbying d’une intensité rarement vue à Bruxelles, a rapporté le média spécialisé Contexte, chaque filière cherchant à se soustraire aux objectifs chiffrés. Celui de la filière viticole a de toute évidence porté ses fruits.


La filière des vins et spiritueux a en effet obtenu d’être exemptée des objectifs de réemploi dès le lancement des travaux, au nom des spécificités de la filière. En 2022, des objectifs réduits pour le vin (5 % pour le vin d’ici 2025 et 10 % d’ici 2040, contre 10 % et 15 % pour les autres produits) et une exemption pour les vins effervescents ont brièvement fait leur apparition dans le texte proposé par la Commission de l'environnement du Parlement Européen (commission Envi). Mais le Parlement et le Conseil ont par la suite proposé d’exclure le vin des objectifs de réemploi. “Bien sûr que le sens de l’histoire, c’est le développement du réemploi, mais cela ne va pas pouvoir se substituer à 100 %, en tout cas pas à très court terme, justifie l’eurodéputée Irène Tolleret (Renew). Certaines AOC ont un modèle verrier spécifique et un modèle export (incompatible avec le réemploi). Et d’ailleurs, est-ce que c’est souhaitable ? Il faut aller plutôt vers le recyclage, et l’augmenter. C’est sans doute la meilleure des choses que l’on peut faire par rapport à l’impact environnemental. En tout cas, je ne vois pas l’intérêt de se fixer des objectifs qu’on ne peut pas tenir.”
Les arguments rejoignent ceux des principales organisations de défense des intérêts de la filière viticole. “D’emblée nous avons jugé qu’il n’y avait pas d’urgence à se mettre dans une situation compliquée” à travers des objectifs chiffrés, a ainsi expliqué Anne Haller, directrice générale adjointe chez La Coopération Agricole (Copa Cogeca). Les arguments mis en avant : la filière viticole est plutôt "bien placée" côté recyclage de ses bouteilles, "ce n’est pas comme le plastique qui part dans la mer" ; tandis que “la filière réemploi n’existe pas vraiment”, a-t-elle aussi expliqué. "Je ne suis pas inquiète, je suis sûre que dans 15 ou 20 ans, on sera en première ligne. Passer en optionnel n’empêche pas d’avancer."


Même analyse du côté de Inacio Sanchez Recarte, secrétaire général du CEEV (Comité Vins) à Bruxelles. “On n’est pas contre la réutilisation, mais aujourd’hui, c’est trop tôt pour nous pour marquer un objectif, surtout paneuropéen.” Il souligne un manque de données fiables sur le sujet, tout en évoquant l’idée que “le recyclage peut être plus intéressant que le réemploi”. [ A noter : entre-temps, l’ADEME a publié une étude démontrant la plus-value environnementale du réemploi sur le recyclage des bouteilles en verre, y compris pour le vin]
Les arguments viticoles laissent en tout cas de marbre les brasseurs, qui eux n’ont pas obtenu d’exemption systématique, malgré leurs réclamations. "Nous aussi, nous exportons nos produits, s’agace Simon Spillane, porte-parole de Brewers of Europe, lobby des brasseurs européens. Et nous aussi, nous accordons une grande importance à l’impact marketing de nos contenants." Le texte fixe un objectif de 10 % de contenants réemployés pour la filière brassicole d’ici 2030, et 25% d’ici 2040. Et toujours zéro pour les bouteilles de vin. Et les brasseurs digèrent très mal cette différence de traitement, "légalement en environnementalement injustifiée”.
Pour Brewers of Europe, les critères d’exemption devraient être “objectifs”, en visant des tailles d’entreprise ou des modes de distribution, plutôt que des filières entières. “Notre filière, ce sont 10 000 brasseurs en Europe, dont une large majorité d’indépendants”, explique-t-il, certes très en avance sur le sujet du réemploi, notamment sur celui des fûts. “Mais ça devrait servir d’exemple aux autres, pas être un prétexte pour nous imposer des règles encore plus strictes" complète Simon Spillane. A noter : le texte final du PPWR devrait toutefois intégrer des dérogations pour les pays où le taux de recyclage dépasse de 5 points les objectifs fixés par la directive cadre déchets.
Reste pour les Français les objectifs de la loi AGEC, votée en 2021, et qui elle, fixe bel et bien un objectif de 10 % de contenants réemployés d’ici 2027… y compris pour la filière viticole, comme l’a confirmé à Vitisphere le Ministère de la Transition Écologique, interrogé sur ce point. Qui précise aussi qu’il n’y a pas d’obligation. "Les producteurs de vin peuvent choisir d'y contribuer ou non. Ceux qui y contribuent peuvent ainsi bénéficier de financements réemploi dédiés avec le fonds de 50 millions d'euros dédié à cet effet."
Quant à savoir quel texte, du PPWR européen ou de la loi AGEC française, prévaudra, il est trop tôt pour le dire. "Le travail de mise en cohérence avec les dispositions nationales est encore en cours", explique le ministère.