omment en êtes-vous venue à la biodynamie au château Palmer ?
Nous avons mené de premières expérimentations sur une parcelle d’un hectare sur le millésime 2009. La première chose qui nous a troublé, c’est le rôle du compost pour nourrir les sols. Nous l’avons découvert avec la biodynamie. Nous avons augmenté les surfaces jusqu’en 2011, où nous avons mené une comparaison entre conventionnel, bio et biodynamie grâce à des microvinifications. La dégustation à l’aveugle n’a pas démontré de différence significative entre les vins conventionnels et en biodynamie. Thomas Duroux, le directeur de Palmer, nous a dit que si la biodynamie produisait des vins aussi bons que le conventionnel en étant meilleure pour l’environnement et le personnel, il faut tout de suite y passer. Nous nous y sommes mis, passant à 100 % des surfaces avec une pratique de biodynamie en 2014. Nous avons été certifiés en 2018 (en bio et biodynamie).
Votre expérience de la biodynamie n’a pas été sans heurts, avec des pertes de récolte liées au mildiou qui ont marqué les esprits dans le Médoc…
Nous avons connu des années difficiles. 2016, et surtout 2018 où nous avons perdu deux-tiers aux trois-quarts de la récolte. Il n’y avait pas de volume, les cuves ne se remplissaient pas : c’était horrible. Nous avons douté, nous nous sommes remis en cause et nous avons pris de nouvelles résolutions. L’important, c’est la capacité à réagir. Nous sommes maintenant capables de traiter toute la propriété en six heures (par l’investissement dans le matériel et l’humain).
Quels ont été les résultats sur le millésime 2023, considéré comme historique à Bordeaux pour la pression mildiou ?
Nous nous en sommes très bien sortis. Nous avons beaucoup travaillé avec l’équipe pour résister à la pression. Notre force est notre équipe, très impliquée : le passage à la biodynamie ne se décide pas en haut de la pyramide, c’est un projet partagé. Désormais, je ne peux pas m’empêcher de penser que les efforts ont payé et que les plantes sont plus résistantes. Mais il faut rester humble face à chaque millésime, c’est la leçon de 2018.
Vous prônez la biodiversité pour améliorer la résilience du vignoble, qui tient souvent de la monoculture actuellement.
Sabrina Pernet : La viticulture comme monoculture n’est pas durable (étant dépendante d’intrants extérieurs). La question est de savoir comment continuer à produire de grands vins sur des vignobles à 10 000 pieds par hectare. En voyant la vigne à l’état naturel, on se rend compte que c’est une plante très sociale, prenant appui sur les arbres, elle a besoin d’autres espèces. Pour avancer, nous nous remettons en cause. Nous sommes convaincus que la biodynamie fait partie des pratiques faisant progresser la qualité de nos vins.
Notre vision est très globale. Avant la biodynamie, nous limitions Palmer là où s’arrêtent les rangs de vignes. Désormais nous y intégrons les arbres (principalement fruitiers et plantés dans les vignes), un potager (remis en service en 2020), les vaches (pour le compost), les brebis (pour la pâture l’hiver), les chèvres (pour l’entretien des bois), les cochons, les poules et les oies (pour le projet de cantine vigneronne). L’idée est que la biodiversité, animale et végétale, amène plus de résilience à la plante. Chaque élément est à sa place pour rendre service au vignoble. L’idée est de créer un écosystème nourricier. La biodynamie est l’agriculture du soin et du lien entre l’animal, le végétal et l’humain.
Votre projet de cantine vigneronne est donc la cerise sur le gâteau de ce projet ?
La cantine doit ouvrir d’ici la fin de l’année pour les vendanges, qui seront le test en interne. Selon le résultat il pourra y avoir une ouverture aux habitants et entreprises de Margaux. Mais de manière contrôlée, avec un menu unique, une heure donnée et une obligation de réservation.