i le vignoble est, hélas, habitué aux dégâts de gel, il connaît moins ceux de sel. « Des brûlures de vent salé sur le pourtour de jeunes feuilles sont signalées sur l’Ile de Ré » indique le dernier Bulletin de Santé du Végétal des Charentes, daté du mercredi 3 avril. « Dès que les vents d’ouest dépassent 70 km/h, le vent de mer chargé de sel se rabat sur la végétation. Et le sel grille les feuilles. C’est un très bon désherbant… C’est notre gel » rapporte Jérôme Poulard, le responsable technique de la cave coopérative Uniré (520 hectares en production, dont 220 en Cognac/Pineau et 300 ha en IGP charentais). Avec des vents ayant soufflé jusqu’à 120 km/h au Phare des baleines fin mars, les dégâts peuvent être conséquents, avec « des tiges de 7 cm où toutes les feuilles sont brûlées. Sur certaines parcelles toutes les feuilles sont tombées » souligne Jérôme Poulard
Ces vents salés, « on en a tous les ans, sur l’île de Ré » complète Simon Pitoizet du domaine Arica (11 hectares en IGP Charentais à Loix). Le vigneron préfère parler de grillure : « ce n’est pas une brûlure comme celle des bourgeons avec du gel. Ça touche vraiment sur leur pourtour les feuilles très sensibles (comme le chardonnay, le chenin étant moins sensible grâce à son duvet). » Concernant toutes les parcelles rétaises à proximité de la mer (d’autant plus avec un millésime 2024 précoce, avec de premiers débourrements il y a 15 jours), ces symptômes causent « une réduction de la surface foliaire, et forcément la vigne a une croissance ralentie. Mais ça n’a pas d’impact sur les inflorescences à un stade aussi précoce. Ça peut arriver quand il y a des tempêtes de vents salés fin mai/début juin sur la fleur, ce qui peut avoir un gros impact sur le rendement » explique Simon Pitoizet.
Dans le Languedoc aussi « ce n’est pas inhabituel, on en voit une année sur deux, mais ce coup-ci l’ampleur est assez remarquable » rapporte Thomas Gautier, consultant viticole pour l’ICV dans l’Hérault (indiquant que l’un de ses collègues a relevé des dégâts similaires dans les Pyrénées-Orientales). Après ce week-end de Pâques, il a vu des feuilles brûlées par le sel sur 80 % des parcelles de Marseillan et en a retrouvé jusque dans les terres, sur la commune de Florensac (à plusieurs kilomètres du littoral). Sur certaines parcelles précoces (notamment de chardonnay à 3-4 feuilles étalées), la moitié des feuilles ont pu être perdues, avec des pousses totalement nécrosées. N’étant pas habitués à ces feuilles brûlées, les viticulteurs peuvent confondre ces symptômes avec un raté de désherbarge passé sous le rang et ayant touché les feuilles pointe Thomas Gautier, notant que si les dégâts restent limités aux jeunes feuilles, leur ampleur géographique est plus massive que d’habitude.


Touchant des parcelles précoces (chardonnay, muscat et colombard) en hauteur et orientées face à la mer, ces embruns salés sont causés sur cette zone languedocienne par le marin, vent du Sud-Est, chargé d’humidité et de sel : « quand le temps est moite, qu’il y a une dépression et pas de pluie, ça pègue, ça colle comme on dit ici. L’humidité se dépose sur les feuilles, moins importante qu’une rosée, mais le sel reste sur la feuille et par osmose la brûle. Comme une pincée de sel sur une feuille de végétal » détaille Thomas Gautier. Si ces embruns peuvent toucher le vignoble n’importe quand dans la saison, c’est le printemps qu’ils sont le plus marqués (avec des dépressions) et plus visibles en termes de dégâts (le volume de végétation augmentant ensuite et diluant l’impact). Pour les dégâts constatés ce début de printemps, Thomas Gautier est confiant : « ça va se gommer si le reste de la saison se passe bien. Mais c’est toujours ça de pris sur certaines inflorescences et si ça s’accumule avec d’autres aléas… »
Quant à l’impact, positif, de ces embruns durant toute la saison sur le goût des raisins vendangés, Simon Pitoizet y voit un élément clé de la typicité des vins de l’île de Ré. « Nos vignes sont toujours à proximité de la mer, jamais plus de 2 km ! Durant la phase de maturation en août/septembre, il peut y avoir un dépôt salin sur les raisins, qui participe à l’aspect salivant de nos vins, à ses belles longueurs et fraîcheurs. Notre territoire est unique pour ça » conclut le vigneron.
« Seul le contour de la surface foliaire est grillé, pas l’inflorescence » pointe Simon Pitoizet. Photo : domaine Arica (feuilles de Chardonnay sur la parcelle Les Salines)
« Les embruns sont souvent anecdotiques, mais pas toujours » pointe Thomas Gautier. Photo : ICV.
Sur la plaine d’Agde, des sols salés posent d’autres problèmes à la vigne note Thomas Gautier : ici il n’est question que de vent salé.