l n'est pas rare que les commerciaux proposent aux vignerons des levures « neutres », censées réaliser la fermentation en respectant les caractéristiques originelles des raisins et du terroir. « Que sous-entendent-ils ? Que ces levures sont capables de convertir le sucre en alcool sans impacter l'aromatique ? Ou qu'elles sont capables de révéler à fond les arômes variétaux sans produire d'arômes fermentaires ? » se demande Irène Grellois, œnologue pour l'Institut coopératif du vin (ICV), lors d'une matinée technique organisée ce 29 avril à la cave des coteaux du Pic, à Saint-Mathieu-de-Tréviers.


« C'est biologiquement impossible, coupe la consultante. Dans le premier cas, il faudrait créer des levures OGM sans enzymes capables de libérer les précurseurs des arômes du raisin liés à des sucres ou des acides aminés, explique-t-elle. Et aucune levure ne peut révéler "à fond" les arômes variétaux. Les "meilleures" Saccharomyces cerevisiae ne libèrent au maximum que 10 % des précurseurs » continue Irène Grellois.
Même si les scientifiques réussissaient à « pousser le curseur », la libération des arômes resterait conditionnée par l'état physiologique de la levure. « En 2019, nous avons par exemple réussi à faire passer la production de 2-phényléthanol à l'arôme de rose de 0 à 5 en jouant sur la disponibilité de l'azote, la température, et le pH du moût » rapporte l'œnologue.
Son collègue Daniel Granès ajoute qu'en plus des arômes, Saccharomyces cerevisiae produit de l'éthanol, du glycérol, et des polysaccharides. « Tous ces composés modifient la perception en bouche du vin. Et la levure libère aussi des acides nucléiques, les mêmes composés qui retiennent et libèrent les arômes dans les cubes Maggi en cuisine. On ne peut définitivement pas parler de levure "neutre" ».