Je veux comprendre mes sols. » Voilà pourquoi Maurin Bolla, vigneron sur 10 ha à Pignan (83), a rejoint le réseau Terre Apara lancé par le Syndicat des vins Côtes de Provence l’an passé. Comme 61 autres confrères, il a suivi deux journées de formation avec des visites sur le terrain et a eu droit à un diagnostic qui a révélé un faible taux de matière organique dans ses vignes, 1 % seulement.
« Je m’y attendais, affirme-t-il. Il y a quatre ans, j’avais fait le test du slip, il s’était détérioré à 40 % seulement. Je veux désormais porter le taux de matière organique à 1,8 %. C’est le minimum pour un bon fonctionnement de la vigne et garantir le rendement. Je me donne cinq ans pour y parvenir. »
Pour ce faire, Maurin Bolla va suivre les conseils qu’il a reçus dans le cadre de Terre Apara : « Je vais commencer par effectuer un apport de compost. C’est le plus efficace à court terme, et cela peut être fait n’importe quand dans l’année. Je dois me procurer un épandeur à fumier. Les vignerons du réseau m’ont fourni les contacts de fournisseurs car ce n’est pas facile à trouver. »
Le vigneron va épandre ce compost un rang sur deux. Sur le rang laissé vierge, il envisage de semer un couvert après les vendanges 2024. « On nous a conseillés de semer un mélange de quatre espèces minimum dont 50 % de légumineuses, expose-t-il. Si une espèce ne se développe pas correctement, une autre peut prendre le relais. » Pour ces travaux, Maurin Bolla va emprunter le semoir de l’employeur chez qui il travaille trois jours par semaine. Il broiera le couvert au printemps et l’enfouira lors d’un labour. « Mon programme est ambitieux, reconnaît-il. Mon père peut m’aider. Mais, si je ne peux pas tout mener à bien, je ferai appel à un prestataire pour broyer et enfouir le couvert. »
Chez Laurent Léonard, qui exploite 11 ha à La Crau (83), le diagnostic a révélé une carence en matière organique stable. En revanche, le taux de matière organique fraîche est élevé. « C’est dû aux pratiques que j’ai mises en place à mon arrivée en 2020 », estime ce jeune vigneron. Depuis 2021, il sème des engrais verts un rang sur deux à l’automne et a totalement cessé de brûler les sarments pour les broyer en même temps que les engrais verts, courant mars. « Je dois désormais améliorer mon taux de matière organique stable pour retenir davantage d’eau dans le sol ; j’aurais peut-être moins besoin d’irriguer, envisage-t-il. Mes moûts souffrent également d’une carence en azote que je souhaite corriger. Pour les apports, je me suis équipé d’un épandeur afin d’apporter des composts que j’espère pouvoir trouver près de chez moi. »
Louis Lienhart, directeur technique du Château Gasqui à Gonfaron (83), suit lui aussi le programme Terre Apara. « Nous avons entre 1,8 et 3 % de matière organique suivant les parcelles, relate-t-il. Ce sont de bons taux. Mais, lors de la formation nous avons vu que cela ne suffisait pas au bon fonctionnement des sols. Nous allons donc réaliser des apports de matière organique fraîche en vue de dynamiser la vie des sols. »
Louis Lienhart a commencé ce travail en semant des couverts végétaux un rang sur deux après les dernières vendanges. Dans ses parcelles les moins vigoureuses, il va de surcroît apporter du compost peu de temps après la levée de ses semis pour ne pas les étouffer. « Nous allons créer notre propre compost à partir de fumier venant d’une ferme voisine et des branches d’oliviers broyées que nous cultivons également sur l’exploitation », détaille-t-il. Ce compost sera enfoui dans le sol au printemps en même temps que les engrais verts.
Pour Philippe Beneventi, installé sur 15 ha à Cotignac (83), l’aventure Terre Apara a été riche en enseignements. « On a peu de recul sur les effets de nos pratiques, commente ce vigneron qui sème des couverts végétaux depuis quatre ans. Je cherchais un lieu d’échanges depuis longtemps. Terra Apara me l’apporte. Au cours des visites de terrain, nous avons pu voir les différences de structures entre un sol enherbé et un sol désherbé. Les racines des plantes semées pénètrent le sol même s’il présente des traces de compaction dues aux roues des tracteurs. »
Les résultats d’analyse de ses sols l’ont aussi conforté dans ses choix. « J’ai un taux de matière organique proche de 3 % », se félicite-t-il. À la suite de la formation, Philippe Beneventi a décidé de diversifier ses couverts. Actuellement, il sème du seigle et de la féverole. Il va rajouter du pois fourrager et du radis chinois dont les racines touffues perforent le sol en profondeur. En revanche, il n’essaiera pas la vesce préconisée par le technicien du réseau car il la juge trop envahissante. Les vignerons du réseau veulent aussi travailler sur la mise en place d’une filière pour pouvoir se procurer des semences bon marché et faire vivre leurs sols à un coût acceptable.
Lancé l’an passé par le Syndicat des vins Côtes de Provence, le projet Terre Apara, qui signifie protéger la terre en provençal, vise à former des viticulteurs sur la gestion durable des sols. 62 vignerons ont rallié ce réseau en 2023. Il se poursuit avec six nouveaux groupes constitués cette année auxquels s’ajouteront cinq groupes en 2025. Au total, 250 vignerons de l’appellation auront ainsi été sensibilisés à la problématique des sols. Le syndicat travaille également avec l’équipe du projet ÉcoVitiSol porté par le laboratoire d’œnologie des sols de l’Inrae de Dijon. 52 vignerons provençaux sont engagés dans cet autre programme.